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Billet de blog 8 mai 2024

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Vous rendez FOUS, les GENS !

Hommage écrit à froid le 8 mai, journée de victoire contre les autoritarismes ultimes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les transports de banlieue parisienne, allant manifester avec les travailleurs le 1er mai… « Contrôle des titres de transport ! » j’ai posé mon billet sur le siège et je montre ma carte de réduction. « Votre titre de transport ! » demande d’un ton dur et agacé la préposée. Elle s’éloigne.

Elle contrôle, j’entends le ton qui monte : « La machine ne marche pas. J’ai mis mon billet, mais ça n’a rien fait. » La personne est montée à La Frette sur Seine, c’est une petite gare, il n’y a pas de portillon, elle a pu passer. De toute façon, à St Lazare, elle sera obligée de franchir les portillons pour sortir, et son billet sera validé. La contrôleuse, puis toute l’équipe autour d’elle, répète : « Votre billet n’est pas valide. Vous devez payer une amende. Si vous payez tout de suite, c’est 50 €. Si vous ne payez pas tout de suite, ce sera 100€. ». « Madame, s’il vous plaît ! Je ne peux pas ! Non, s’il vous plaît ! » « Vous devez payer 50 € ! ».  « Mais votre machine ne marche pas ! J’ai payé mon billet aller-retour !!! » Le ton monte. La dame finit par hurler en répétant les mêmes paroles. Son fils d’une vingtaine d’années essaie de la calmer, sans succès. « Ou bien vous nous montrez votre pièce d’identité. » Refus. « Si vous ne nous montrez pas votre pièce d’identité, j’appelle la police et vous serez obligée de la montrer. » Elle appelle la police, puis ils attendent. « Je suis française, je travaille ! J’ai un rendez-vous, je suis occupée ! J’ai payé mon billet aller-retour ! Vous rendez FOUS, les GENS ! » clame, répète, hurle cette dame.

Plusieurs personnes essaient de la réconforter. La dame, une cinquantaine d’années, de petite taille, pas du tout athlétique, apeurée, suscite la sympathie autour d’elle, sympathie renforcée par son fils. En face de moi, une dame sort sa carte officielle d’élue, puis la remet. Une jeune, toute bien habillée, jette des yeux d’impuissance.

Vu la situation de tension, la dame va être embarquée et a un risque non négligeable de finir en garde à vue. Sa journée et son honneur sont gâchés. Je ne peux pas laisser faire ça. Je m’approche d’elle en tournant le dos aux contrôleurs. Je lui tends 50 € en lui disant qu’elle a raison, que c’est injuste, mais que je ne vois pas d’autre moyen de lui éviter des ennuis. Elle me regarde, accepte et tend les billets à la contrôleuse. Je me tourne vers les contrôleurs. « Je fais mon métier ! ». « Non madame, non ! Vous ne ferez croire à personne ici qu’il n’y a qu’une façon d’exercer son métier ! Il y a aussi des façons humaines ! Cette dame a payé son billet, mais vous, vous avez intérêt à lui mettre une amende puisque vous avez des primes à chaque amende ! » La contrôleuse me répond : « Oui, je suis payée à l’amende et je l’assume ! ».

Les contrôleurs s’éloignent. La dame continue à hurler : « J’ai payé mon billet aller-retour ! Vous rendez FOUS les gens ! » Beaucoup de gens se sont levés et l’entourent. Je dis aussi fort qu’elle : « Vous avez raison de le dire ! Nous sommes entre gens honnêtes. »

Je me suis assis à ma place. L’élue est une conseillère régionale d’opposition. Elle va faire remonter l’information. « C’est la nouvelle formation des agents de la SNCF. C’est déplorable ! Mais en tant que conseillère régionale, je ne pouvais rien faire. » La jeune fille aux yeux impuissants me dit : « Cela fait du bien de rencontrer des gens comme vous ! »

Le train est arrivé. Nous sortons de la gare. Je suis la dame et son fils pour être au moins présent si des policiers l’attendent. Elle met son billet dans le portillon ; il S’OUVRE ! « Mais il est bon ! » dit-elle, finissant par douter de tout. Encore une fois, elle me demande de me rembourser plus tard. Encore une fois, je refuse, c’est mon acte, je l’assume. Avec le recul, je pense que j’aurais pu accepter, ou un café. Mais personne n’est parfait ! Je la remercie beaucoup d’avoir permis que beaucoup de gens se rencontrent et prennent conscience de la société inhumaine qui nous est imposée et surtout d’avoir su formuler haut et fort et si précisément en une formule : « Vous rendez FOUS, les gens ! ». Hommage, donc !

Fous ! Fous ? Qui donc est à soigner ? Pour moi, ce sont bien les institutions qui formatent des humains à être paresseux, cupides et inhumains !

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