A Robert Badinter
Aujourd’hui, à l’annonce de la mort de Robert Badinter, je tiens à faire part de la profonde émotion que je ressens. En effet, compte tenu de l’importance qu’a représenté cet Homme dans ma vie, je me sens, en toute humilité, orphelin. Je me permets de citer les quelques lignes de mon livre « Une clique au pouvoir » dans lesquelles j’évoque mes deux rencontres avec lui :
«(...) J’eus l’occasion, à la mairie de Fleury-Mérogis, (...) de rencontrer au début de l’été, Robert Badinter, le nouveau Ministre de la Justice, ainsi qu’ Anicet Le Pors, un des quatre ministres communistes, qui était en charge de la fonction publique ; tous deux venaient aussi de visiter la prison, c’est la première fois que je voyais Robert Badinter, ce grand Homme de conviction qui, avec le soutien fort du président de la République allait, en octobre suivant, proposer à l’Assemblée nationale de voter l’abolition de la peine de mort.
Il me fit le grand honneur de me recevoir chez lui en décembre 2016, alors que je préparais mon livre sur les réponses efficientes de la Justice face à la délinquance. Il s’était passé plus de 35 ans entre ces deux moments, mais je retrouvais avec une grande admiration « ce vieux Monsieur », comme il se qualifia lors de notre entretien, plein d’énergie et de passion pour les sujets que nous évoquâmes ».
Pour moi qui ai fait toute ma carrière professionnelle au ministère de la Justice, de jeune éducateur à directeur de service pénitentiaire d’insertion et de probation, au service de la mission d’insertion, tant en prison qu’en milieu ouvert, Robert Badinter est plus qu’un maître à penser, c’est le personnage qui a humanisé les prisons, favorisé un réelle préparation à la sortie dans le cadre de la prévention de la récidive et créé la peine de travail d’intérêt général.
D’autres, mieux que moi naturellement, évoqueront ses combats contre l’antisémitisme, contre l’homophobie, contre la guerre en Ukraine… Je citerai seulement ici ces fameuses phrases prononcées dans l’hémicycle le jour de l’abolition de la peine de mort :
« Demain, grâce à vous, la Justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.
« A cet instant plus qu'à aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c'est-à-dire au sens de "service". Demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon cœur, je vous en remercie. »
CD Le 9 févier 2024