"Il n'y a plus d'éducation nationale"

« Il n’y a plus d’éducation nationale » Il n’est jamais trop tard pour bien dire. Le journal Le Monde ne nous avait pas habitués à soutenir les revendications des syndicats enseignants en faveur d’une augmentation de moyens dans les académies les plus défavorisées et dans les zones prioritaires. Mais lorsque c’est la Cour des comptes qui souligne l’inégalité territoriale en matière scolaire, le ton change. Le Monde n’est pas un journal de référence pour rien. C’est ainsi que l’on pouvait lire dans l’édition du vendredi 13 avril une pleine page de Maryline Baumard reprenant les données d’un rapport encore inédit de la Cour des comptes. Le titre de l’article semblait tout droit décalqué d’un éditorial de Fenêtres sur cour, la revue du syndicat des professeurs des écoles, ou de L’Université syndicaliste, le journal du Snes : « École : les moyens attribués renforcent les inégalités ». Mais le plus fort est la phrase d’attaque : « l’éducation n’est plus nationale ». C’est très exactement ce que les syndicats et de nombreux chercheurs n’ont cessé de montrer depuis des années. Ce qui n’a pas empêché, avec l’inconséquence qu’on lui connaît en matière d’éducation, le « grand journal du soir » de soutenir au nom de la modernité toutes les formes de décentralisation, d’autonomie et de dérégulation qui ont accru les inégalités entre territoires et entre établissements. On aimerait que Le Monde se montre désormais plus circonspect dans ses jugements sur ceux qui « demandent toujours plus de moyens ». Et plus attentif, sinon plus critique, à l’égard des multiples formes de fragmentation et de segmentation du système d’enseignement. Nul doute que dans cinq ou dix ans, lorsque la Cour des comptes daignera se pencher sur les inégalités de financement dans l’enseignement supérieur, un(e) journaliste du Monde ne manquera pas de reprendre des données « officielles » en oubliant soigneusement de rappeler que son journal n’avait guère eu de doute sur le bien fondé des politiques universitaires qui ont délibérément fait éclater le cadre national de financement des établissements universitaires. L’esprit de conséquence n’est pas toujours la vertu des grands organes de presse.