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Billet de blog 30 mars 2008

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Menaces sur les « sciences économiques et sociales » au lycée

Un vent mauvais souffle sur l’enseignement. Il concerne bien sûr la réduction des moyens, mais aussi, ce que l’on sait moins, la nature des contenus enseignés.

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Un vent mauvais souffle sur l’enseignement. Il concerne bien sûr la réduction des moyens, mais aussi, ce que l’on sait moins, la nature des contenus enseignés. Claude Lelièvre dans son dernier billet sur son blog de Mediapart nous rappelait la volonté de modifier les programmes de l’école primaire. L’enseignement secondaire n’est pas épargné. Les vielles rancoeurs de certains milieux de la presse de droite et des milieux patronaux s’expriment avec de plus en plus d’insistance. Comment se débarrasser enfin de l’enseignement de « sciences économiques et sociales » ou en changer au moins la nature jugée trop « critique » ? En commençant par dénigrer les manuels et le programme, accusés d’être « keynésiens », voire « marxistes ». Tout le monde s’y est mis depuis la rentrée de septembre, le ministre, la presse de droite, les médias audiovisuels et évidemment certains petits lobbies idéologiques très actifs (l'Institut de l’entreprise en particulier). Sans preuve, il va sans dire. La calomnie se suffit à elle-même. Cette haine n’est pas nouvelle, elle accompagne cet enseignement de « sciences économiques et sociales », depuis longtemps, depuis sa naissance peut-être, en 1967. L’enseignement de l’économie et de la société est évidemment un terrain sensible, investi de charges idéologiques très fortes. Nous avons affaire un peu à l’équivalent des polémiques qui ont entouré longtemps l’enseignement de la morale laïque (accusé d’être « sans Dieu ») ou celui de la philosophie (soupçonnée de former des sceptiques ou, pire, des matérialistes). Les réactionnaires d’aujourd’hui ont changé de terrain. Ce n’est plus Dieu et l’Esprit qui sont en cause. Il y a longtemps qu’ils ont cessé d’y croire. Ce sont les idoles du Marché et de l’Entreprise qui seraient menacées d’incroyance de masse par la faute de quelques milliers d’enseignants qui nuisent à la France et minent l’esprit public. L’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (APSES) se défend pied à pied avec une rare énergie, mais la disparité entre les moyens qu’emploient les détracteurs et ceux dont disposent les avocats de cette discipline attachés à la réalité de leurs pratiques est telle que les enseignants sont en droit de se méfier des conclusions de « l’audit » qui a été commandité par le ministre Darcos à la suite de cette campagne d’accusations. C’est d’ailleurs pourquoi ils organisent le mercredi 2 avril une journée nationale de défense et d’illustration de leur enseignement. La remise en cause de cet enseignement tient du contresens historique. La compréhension des défis économiques, politiques, sociaux, écologiques relève non seulement de la nécessité mais de l’urgence. Tous ceux qui parlent aujourd’hui de « politique de civilisation » devraient commencer par se demander comment faire pour que les enfants qui entrent aujourd’hui à l’école et qui ont des chances de vivre la plus grande partie du XXI e siècle acquièrent la maîtrise intellectuelle des évolutions en cours, de leurs risques et de leurs chances, des solutions qui s’offrent aux sociétés du monde. Incontestablement, cet enseignement, même s’il ne concerne encore qu’une fraction des lycées du seul enseignement général, participe de cette urgence démocratique.

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