Une société patriarcale comme la nôtre, où le droit de vote des femmes date d'à peine plus de cinquante ans, où l'inégalité économique et politique est encore la règle, a-t-elle le droit de s'indigner avec cette force contre le port du voile et ne vaudrait il pas mieux s’attaquer plus vigoureusement à nos propres archaïsmes?
En Europe, tout au long du XIXe siècle, la femme musulmane a été présentée dévêtue dans des hammams ou des harems, offerte aux fantasmes sexuels des mâles Occidentaux.
Aujourd'hui entortillée dans son niquab ou sa burka elle nous apparaît comme le paradigme révoltant de la domination masculine, question d'époque.
La pratique du voile est héritée d'une interprétation rigoriste du verset XXXIII,59 du Coran, pour marquer la soumission de la femme au bon plaisir du mari, mais ce n'est pas la seule raison. Dans des pays comme les nôtres où le voile n'est pas obligatoire les intéressées elles mêmes indiquent que cette tenue peut-être aussi la marque d’une foi profonde, d’une fierté communautaire opposée à la culture occidentale dominante, ou tout simplement le rappel au respect que les hommes doivent à leur sexe, respect qui n’empêche nullement au hijab d'offrir une coquetterie de bon aloi.
Si la question du voile devrait rester pour l'islam non intégriste un détail tout à fait secondaire elle traduit cependant un problème très fondamental du rapport hommes femmes dans les diverses interprétations du Coran.
Définissant un monothéisme patriarcal rigoureux, Muhammad s'est dressé contre une société polythéiste et matriarcale. N'avait-il pas lui-même épousé une femme d'affaires beaucoup plus riche que lui qu'il avait servi avec « amour et fidélité ». Avec la radicalité et l'efficacité propre à l'Islam le rôle de chacun hommes et femmes est précisément déterminé dans cette structure patriarcale. Rappelons aussi que le modèle patriarcal existe à peu près partout dans le monde sauf en 'Afrique Noire. Ce modèle affirma sa supériorité son efficacité sans qu'aucune femme ou presque, jusqu'à une époque récente n’eut à protester contre ses rigueurs.
Dans la société contemporaine, les conditions de vie et de procréation ayant profondément changé, le modèle patriarcal est aujourd'hui vigoureusement dénoncé par les femmes comme un instrument d'asservissement insupportable.
La société islamique est aussi confrontée à ce problème mais la radicalité et la rigidité qui a fait son succès lui posent aujourd'hui une épreuve quasi insurmontable. Tout le problème de l'évolution de l'Islam pratiquement bloqué depuis 12 siècles se trouve à nouveau posé sur un sujet qui dépasse largement celui du voile.