Réflexion éthique sur le cours de Marketing Social et Culturel
IHECS 2014 – ASCEP
PRINGELS Robin
De la construction d’une éthique de l’entendement dans une société du rendement
Cet extrait est le résumé d’un travail scolaire sur l’éthique et le marketing. C’est une tentatvie d’analyse critique du marketing à partir de l’éthique spinoziste. Elle est sans doute très syncrétique et généraliste. Critiques et commentaires courtois bienvenues.
Selon Wikipedia «l’éthique[1] est une discipline philosophique pratique (action) et normative (règles) dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure ». En résumé, l’éthique sera alors la synthèse entre ce que je peux faire, ce que je veux faire et ce que je dois faire. Cette définition ne me convenait pas car elle embrouille morale et éthique. Le théologien allemand Peter Knauer propose de les distinguer comme suit : « On entend par morale l'ensemble des normes et des jugements dans l'ordre du bien et du mal, et par éthique la réflexion philosophique sur les critères ultimes dont relèvent ces normes et jugements ». Delleuze, dans son analyse de l’éthique de Spinoza, pousse le clivage plus loin et j’essaierai en quelques lignes d’esquisser la puissance de sa pensée. Selon lui, tout un courant philosophique se base sur un système du jugement moral. Ce courant du système du jugement établit la distinction entre le bien et le mal.L’Être se juge lui-même et on est jugé. Juger suppose une instance supérieure à l’ontologie.
L’éthique quant à elle est basée sur l’art du bon et du mauvais, devant être déterminée par l’être ; dans la mesure où cette distinction ne recoupe sur celle du bien et du mal. L’éthique est donc directement basée sur l’ontologie. En s’acquittant du départage du bon et du mauvais, on peut arriver à l’être, à l’ontologie, à la vie dans l’être.
La différence entre les moralistes et les éthiciens réside dans la façon de concevoir le faux. Pour les premiers le faux réside dans l’erreur et est extérieur à la personne. Le mal selon le système de jugement n’existe pas objectivement car tout mal se ramène à une privation et la privation à une négation. Il n’y a pas d’être du négatif. Le méchant est alors celui qui se trompe.
Prenons un exemple : Socrate, dans un dialogue, reçoit quelqu’un qui lui exprime son désir de tuer tout le monde. Socrate lui demande alors pourquoi il veut tuer. En réponse, le meurtrier en puissance lui répond que ça lui procure du plaisir. Socrate lui rétorque alors que son désir est d’avoir du plaisir et non du tuer, que le meurtre n’est qu’un moyen pour arriver à une finalité.
Les éthiciens pensent que le faux est intrinsèque à la chose, dans sa manière d’être. Spinoza dit que l’étonnant c’est le corps. Il se questionne sur les possibilités infinies d’un corps. La question est alors non celle du bon et du mauvais, mais celle de capacité, de puissance. Si la morale est basée sur modèle du jugement, l’éthique repose sur le monde de l’épreuve. Le faux sera alors un rapport entre l’être et la chose qui est erronée, dans sa manière de se tenir, à l’intérieur d’elle-même. Elle est inauthentique.
Cette éthique est libératrice car elle repose non seulement sur l’ethos et d’autant plus sur un logos et n’est jamais déterminé. Autrement dit, elle est toujours en construction. C’est par le conflit permanent de différentes éthiques, différentes manières d’être que nous pouvons aller le plus rapidement à l’ontologie, à l’essence des choses et donc à leurs puissances, à leurs capacités.
L’évaluation du marketing pourra alors s‘établir de par son essence même, entre ce qu’il défend et les formes qu’il prend. A l’origine, le marketing pouvait se définir comme « L'ensemble des actions ayant pour objectif de prévoir ou de constater, et le cas échéant, de stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur, en telle catégorie de produits et de services, et de réaliser l'adaptation continue de l'appareil productif et de l'appareil commercial d'une entreprise aux besoins ainsi déterminés » (Wikipédia). A l’heure actuelle il a pris de multiples facettes, variant de la manipulation la plus totale (voir par exemple les expériences de marketing sensoriel les plus extrêmes) à des formes tendant de se rapprocher de l’individu (marketing 3.0.). Ce qui est certain, c’est que le marketing prend toujours place dans une démarche utilitariste. Le marketing est né dans le capitalisme et aux aurores de la mondialisation. Il faut donc voir ce qu’on cautionne ou non dans le marketing.
Sémantiquement, le marketing social représente une manière d’affirmer ses valeurs, reflétant la logique dans laquelle se déploie la communication. Le marketing est une économie de langage pour faire adhérer le plus grand nombre au message. De par ce fait, il phagocyte une forme de langage, on pourrait parler d’un darwinisme sémantique ou les « mots et les formules les plus efficaces prolifèrent et prennent la place des énoncés moins performants[2] ».
Comme nous le rappelait Franck Lepage, animateur à la SCOP le pavé : «Un philosophe aujourd’hui oublié, Herbert Marcuse, nous mettait en garde : nous ne pourrions bientôt plus critiquer efficacement le capitalisme, parce que nous n’aurions bientôt plus de mots pour le désigner négativement. Trente ans plus tard, le capitalisme s’appelle développement, la domination s’appelle partenariat, l’exploitation s’appelle gestion des ressources humaines et l’aliénation s’appelle projet». Ou encore, pour Patricia THIERY, les motivations des entreprises ne sont pas les mêmes : «L’éthique peut prendre la forme d’une véritable philosophie d’entreprise, dont l’engagement consiste à rendre compatibles affaires et conscience sociale (l’éthique comme un viatique). Mais elle peut aussi intervenir comme une volonté de faire face à des responsabilités sociétales tout en s’adressant à des marchés porteurs, tant sur le plan économique que symbolique (l’éthique dans la pratique). Enfin, l’éthique sert parfois de simple prétexte commercial (l’éthique pour la boutique) ».
A l’heure actuelle la finance subordonne l’économie subordonne le politique qui lui subordonne le social qui enfin subordonne le culturel. Depuis la révolution industrielle, l’économie prône la rationalité, la croissance et la compétition afin de maximiser les profits. Ce faisant, toute une partie de ce qui fonde l’humanité est bafouée, comme l’émotion, la coopération, la gratuité (service et bien), etc. Certaines branches de l’économie tentent d’intégrer ces aspects, opposant l’homo situs à l’homo œconomicus. La question ici n’est pas de souligner si le capitalisme est moral, mais plutôt de souligner sa force d’adaptation. La grande force de ce système est de réussir à tirer parti de ceux qui s’y opposent. Les rôles sont distribués et tout ce passe comme si le système n’avait pas besoin d’agent pour s’autoréguler (voir par exemple le triangle Dramatique de Karpman à cet effet). Pour en revenir à l’éthique de Spinoza, il s’agit de voir si l’on est en accord avec soi-même, si le bien-fondé de notre action pourrait être adopté comme mode de vie ? Si l’on était d’accord de revivre notre vécu à l’infini ? Il s’agit bien entendu ici d’idée conceptuelle auquel chacun peut choisir de se référer ou non. Cette définition est en tout cas en accord avec la pyramide de Maslow et son dernier stade, celui de s’accomplir.
[1] Du grec ηθική [επιστήμη], « la science morale », de ήθος (« ethos »), «lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l'âme, disposition psychique » et du latin ethicus, la morale.
[2] Lingua Quintae Respublicae. Cf.Hazan, E. (2006). LQR : La Propagande du quotidien. Paris : Editions Raison d’Agir, 2006.