Il a annoncé un préfet musulman. Puis un préfet noir. Il s’est réjoui de l’arrivée d’un journaliste noir sur une chaîne privée. Récemment, il a décrit un soldat d’apparence musulmane. Entre-temps, il avait nommé un conseiller chargé des relations avec les ‘communautés’ juive, musulmane, chinoise, et d’autres. Chanoine-président, il s’est prosterné devant le pape et a disqualifié l’instituteur au profit du prêtre et du pasteur. Il s’est incliné devant d’étranges mœurs en s’exprimant publiquement dans une salle où les hommes et les femmes étaient assis séparément. Il a fait mieux ces jours derniers, des bus de femmes suivant des bus d’hommes pour l’applaudir à Villepinte. Il y a peu, il ne comprenait pas pourquoi Rachida Dati (par compétence ethnique ?) ne disait rien sur la Libye. Il avait déjà pêle-mêle dénoncé les Noirs et les Arabes des halls d’immeubles, traqué les gens du voyage puis fustigé les Roms, pourchassé les mariages gris, menacé de déchéance de nationalité l’armée des criminels potentiels, flairé des délinquants dès la maternelle, approuvé l’empoignade sur l’identité nationale, béni les bisbilles sur l’islam, inventé le secret partagé, misé sur l’ADN. Il a gâché une belle transposition en droit interne de directive européenne en la rétrécissant, croyant flatter les Arméniens. Après avoir étreint l’UOIF, il veut désormais l’éteindre. Versatile ? Pas plus que pour la discrimination positive vénérée puis enterrée sans cérémonie. Ni le tour de passe-passe sur la double peine. Ni la virevolte sur le droit de vote des étrangers. Ni même l’environnement qui commence à bien faire. Infatigable, il s’affairait et se chargeait dans le même temps de caser amis et affidés dans des conseils d’administration, à la présidence d’entreprises publiques ou dans des ambassades. Du clan aux communautés. Question de morale publique, de sens du bien commun, de rapport à la chose publique. Car ce qu’il y a de commun dans ces choix et ces actes, c’est la cohérence, la constance. Plier l’appareil d’Etat pour le mettre au service d’une coterie. Obliger son clan. Et projeter sur la société le même regard tribal. Voir partout des croyances, des couleurs, des malfaiteurs, nulle part des citoyens. Comment, dès lors, du sommet de l’Etat, signifier qu’être démocrate, ce n’est sûrement pas céder si aisément, si fréquemment, à cette tentation de restreindre les libertés individuelles, racornir les libertés publiques, esquinter le contrat social ? A chaque fait divers, à chaque effervescence, à chaque provocation. Comment, dès lors, du sommet de l’Etat, signifier qu’être républicain, c’est garder constamment à l’esprit que la République laïque proclame qu’il ne peut être fait aucune différence entre les citoyens. Que néanmoins, les différences réelles ne sauraient servir de prétexte aux discriminations. Que les individus, dont l’identité peut se décliner en multiples appartenances, n’en sont pas moins égaux, que la citoyenneté politique transcende les citoyennetés culturelles et sociales, car c’est par elle que nous faisons société.
Communautariste. Telle est pourtant l’accusation suprême qu’il profère à tort et à travers. Inviter les étrangers aux rendez-vous démocratiques ? Communautarisme. Constater la déshérence dans les banlieues depuis la désertion des services publics ? Communautarisme. S’offusquer des conditions carcérales ? Traiter les Roms en européens ? Protester contre l’humiliation d’étudiants et s’inquiéter de nos relations avec le monde ? Communautarisme. Percevoir le patrimoine commun dans les cultures régionales ? Communautarisme. La vindicte plutôt que le débat.
Ainsi, le silence peut recouvrir les inquiétudes sur le vieillissement démographique, les angoisses identitaires, les affolements sur l’économie qui se dérobe, les craintes sur le système social, les politiques dévastatrices.
Le silence ? Jamais très longtemps. Il explose vite en vociférations haineuses.