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Billet de blog 12 mars 2012

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Bientôt finie pour de bon, la race!

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Par Christiane TAUBIRA, Députée de Guyane, Commission des Affaires étrangères

L’engagement est clair. François Hollande, s’il est élu Président de la République, demandera au Parlement de supprimer le mot ‘race’ de la Constitution. Le candidat ne fut nullement difficile à convaincre. Et pour cause. Il avait pris sa part dans nos débats parlementaires sur la traite et l’esclavage, crime contre l’humanité entre 1999 et 2001, puis sur les fameux bienfaits de la colonisation en 2005. Il sait combien ces questions travaillent l’inconscient collectif et quel rôle elles jouent dans les discriminations.

Que dit la Constitution ? La République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, ou de religion ». La présence du mot n’est donc pas infâme, puisqu’il sert à interdire les discriminations. Rédigée en 1958, cette Constitution porte l’empreinte d’un sujet majeur d’époque : la décolonisation. La tension est vive depuis quinze ans, depuis que, venus de tout l’empire africain français, les ‘tirailleurs sénégalais’ ayant acquitté à la guerre l’impôt du sang, revendiquent la citoyenneté, et à tout le moins, l’égalité des pensions militaires. La question est si prégnante qu’elle constitue le 2ème alinéa du Préambule. Elle était déjà au cœur des alinéas 1 et 16 du Préambule de 1946.

Depuis, les scientifiques ont démontré que la race n’existe pas. Les universitaires et militants antiracistes ont propagé ce savoir. Les sémiologues se sont interrogés : comment alors dénommer les infractions si la norme n’existe plus ? La réponse est dans le Droit. La loi punit, et correctement dans les textes, tout acte à caractère raciste ou de nature discriminatoire.

Il était temps de supprimer ce mot obsolète et péjorativement chargé. Nous avons essayé il y a une dizaine d’années. Reconnaissons, cependant, que le mot était devenu inerte. Il a repris de la vigueur au plus haut de la parole d’Etat. Lorsque, en juillet 2007, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le président de la République française déclare que « l’homme africain n’est jamais entré dans l’Histoire », il revivifie les thèses raciales et racistes du 19ème siècle et, ce faisant, révèle sa vision du monde. ‘L’homme africain’, global et indifférencié, sur un continent de 31 millions de km² ! Sans considération pour les lieux, les époques, les civilisations, les cultures, les régimes politiques, encore moins pour la Charte des droits humains datant de 1222, ou pour le rayonnement universitaire de Tombouctou ou d’ailleurs. Le mépris ne s’embarrasse jamais de nuances. Vision globale, et hiérarchisée car pour se sentir fondé à proférer cette injure inepte, faut-il qu’il soit perché sur… la civilisation supérieure de son ministre de l’Intérieur?

Exactement le contraire de l’énoncé constitutionnel. Un délit contre la devise républicaine. Une œuvre de délinquant, avec le poids de la parole publique.

Il y a désormais deux raisons de supprimer ce mot de la Loi fondamentale : son obsolescence et la salubrité publique.

Ce n’est pas qu’une affaire des Outremers, mais il est bien qu’elle vienne des Outremers. Christiane Taubira

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