Quand je suis arrivée à la manif vers 13h30, pont de l'Europe, des "blacks block" avaient pris position à l'entrée du jardin des deux rives et mettaient un réverbère à terre. Cela commençait mal. Je me suis donc rendue sur le parking du jardin des deux rives, où se trouvaient la tribune et les "vrais" manifestants. A la tribune, quelques officiels, dont le courageux F. Wurst, député européen, des responsables de mouvements pacifistes anglais et allemands. Cela a commencé à dégénérer quand le poste de douane "pont du Rhin" a brûlé, dégageant une épaisse fumée noire. Ambiance noire noire tout court au jardin des deux rives, ambiance rouge, rouge-vert, pacifiste et pacifique sur le parking. Comme cela commençait à être malsain, nous décidons de tenter une sortie. Trop tard: l'entrée du jardin des deux rives est bloquée par les casseurs et les CRS, l'hôtel Ibis brûle. Nous sommes pris au piège sur le parking, lui aussi copieusement aspergé de bombes lacrymogènes.
Il faut que le cortège parte, et vite. Nous nous groupons du côté gauche du parking, pour sortir directement par le parking sur la route du Rhin. Nous nous mêlons aux militants PCF, le seul petit cortège où il semble y avoir un peu d'organisation. En plus, il faut que F. Wurst, flanqué de 4 gardes du corps, soit protégé. Et là: le piège se referme. Les black blocks n'évacuent pas le parking vers la route du Rhin mais investissent le pont des chemins de fer surplombant la route du Rhin. Nous nous disposons route du Rhin et commençons à marcher vers ce fameux pont de chemin de fer. A cet endroit, la route du Rhin est étroite et bordée de murets de 1,50 m. de haut. Et là, incroyable: face à nous les camionnettes des CRS arrivent, sans doute pour aller au ``Pont de l'Europe'', nous obligeant à nous mettre du côté droit de la route, et déclenchant en plus des jets de projectiles des casseurs situés sur le pont, dix mètres devant nous. Les CRS nous balancent même des bombes lacrymogènes. Pas moyen d'avancer, ni de reculer. Il faut s'échapper par les murets: j'abandonne mon vélo et deux jeunes m'aideront à me hisser.
D'autres jeunes gens maintiennent ensuite ouvertes des barrières qui permettent de s'échapper vraiment de cette souricière très dangeureuse.
J'ai eu très peur. Les projectiles des casseurs pleuvaient, rebondissaient sur les voitures des CRS. Dans le mouvement de foule qui s'est produit à ce moment-là, n'importe qui aurait en plus pu être renversé par une voiture.
Ensuite, il faut courir et, fait incroyable, le cortège, toujours malsain, se reforme route du petit Rhin. De toutes manières, à cet endroit, on ne peut pas quitter la manif. On peut la quitter plus loin, après le pont d'Anvers, ce que nous avons fait, pour nous retrouver coincés au nord du port, pont P. Brousse, pendant 40mn, par des CRS très tendus. Ils nous ont finalement permis de traverser sous bonne escorte, française et allemande. La vraie fin du cauchemar.
Quelques remarques: le fait que je n'aie entendu que des "blacks blocks" parler allemand est sans doute le fruit du hasard. Il ne faut en tirer aucune conclusion. Dans la manifestation, il y avait aussi des allemands à découvert, et tout aussi pacifiques que nous. Le piège mis en place par les casseurs me semble limpide: on met le feu au pont de l'Europe, et on intercepte les camionnettes de CRS du pont de la voie ferrée au-dessus de la route du Rhin. Je ne comprends pas pourquoi ce pont n'était pas interdit par les forces de l'ordre. Le passage des CRS route du Rhin, face aux "vrais manifestants" aurait pu causer mort d'homme, et intervenait bien tardivement. D'autre part, pourquoi les pompiers ont-ils mis tant de temps à arriver route du Rhin ? Cela a dû faciliter la propagation de l'incendie.
D'après les informations, d'autres échauffourées se sont produits par la suite, avec leur cortège de blessés.
Conclusion: je suis écoeurée.