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Billet de blog 1 mai 2023

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Des 1er mai qui se suivent mais ne se ressemblent pas ...

Aujourd'hui 1er mai 2023, avec beaucoup d'autres je suis allée manifester

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mais d'abord c'est quoi le 1er mai ? Un jour férié ? La fête du travail ? La journée internationale du droit des travailleurs ? La fête du muguet ? Après être allée regarder cela de plus près, je ne vais pas entrer dans le débat des enjeux identifiés par les uns ou les autres, ou dans l'histoire de ce qui est marqué par cette journée.

Aujourd'hui, le 1er mai est donc un jour férié, jour de manifestations généralement plutôt joyeuses et familiales, de vide-greniers et autres temps festifs. Le 1er mai c'est le moment de s'arrêter, de souffler, d'aller se promener, d'offrir un brin de muguet et pour certains de manifester dans la rue.

Le cru de cette année est exceptionnel (qualifié d'"historique" là où je vis) car il fait suite à la loi prolongeant la durée du travail. Une loi passée en force, qui suscite une très forte opposition et représente une partie émergée d'un malaise profond.

La question du travail met en jeu des facteurs complexes et touche chacun d'entre nous de manière intime et très différente. Le mal-être ressenti sur les lieux de travail se manifeste dans des circonstances et selon des modalités extrêmement diverses. Il concerne aussi bien les travailleurs s'épuisant à des tâches pénibles qui les usent prématurément physiquement, et d'autres qui à priori devraient pouvoir trouver un sens à leur travail mais sont de plus en plus soumis à des tracasseries administratives et managériales, de la part de chefs eux-même sous la pression des comptes qu'ils doivent rendre, liés à la rentabilité et - de plus en plus - à une tentative d'objectivation de l'humain.

Ainsi, alors que le travail occupe une proportion très importante du temps de notre vie il est souvent subi, enduré ou même redouté, il devient une souffrance de laquelle on imagine que la retraite apportera la délivrance.

Ces dernières années, mon vécu de cette date particulière du 1er mai a été très contrasté.

Le 1er mai 2020 fut totalement exceptionnel puisqu'il nous a trouvés confinés, enfermés, isolés. Cette année-là nous nous sommes soumis à cette folie qui a consisté - entre autre - à nous remplir et signer des auto-attestations de sortie à moins d'un kilomètre de chez nous.

Il y a deux ans, le 1er mai est tombé un samedi. Pour moi ce jour-là est passé presque inaperçu. C'était un samedi parmi tous les autres d'une année travaillée dans des conditions compliquées, distanciation sociale masques nettoyages. Ce 1er mai-là a précédé une période de forte chaleur où je me suis retrouvée au bord du malaise tellement les températures intérieures étaient élevées là où je travaille. Avec l'interdiction d'utiliser un ventilateur (eh oui le ventilateur était considéré comme dangereux, à ce moment-là) et le port du masque, travailler est devenu devenu infernal durant quelques jours.

L'an dernier, mon 1er mai a été un dimanche pas du tout comme un autre, un des très nombreux dimanches de la très longue période où j'ai été interdite d'exercer mon métier.

Le 1er mai d'aujourd'hui succède au jour où j'ai appris que le décret me permettant de retrouver mon travail allait être signé dans les tout prochains jours. Un 1er mai pour se réjouir de pouvoir enfin reprendre le travail ? Une "fête du travail" ? En tous cas un 1er mai où l'angoisse de l'incertitude et de l'attente s'allège enfin vraiment.

"Je pense que la meilleure chose serait de retirer les discussions sur ce projet, puisque, comme on dit, les choses seront faites". Le ministre de la santé évoque là le vote d'une loi  (pour abroger celle du 5 août 2021) qui aura lieu à l'assemblée nationale jeudi 4 mai. Prétendre que le décret qui va être pris et une telle loi seraient similaires est d'une mauvaise foi confondante. En effet, tant que la loi du 5 août reste opérante un autre décret peut très bien remettre en place les suspensions, ce que craignent beaucoup de ceux qui ont été frappées par cette ignominie.

Ainsi que j'en témoigne dans ces billets, les soignants et assimilés "suspendus" traversent une période extrêmement éprouvante, beaucoup sont partis vers autre chose, énormément se sont sentis trop maltraités par leurs institutions ou leurs employeurs lors de leur suspension pour envisager pouvoir maintenant retourner à leur poste de travail.

Un travail qui pour certains était déjà fort difficile à supporter auparavant, tant ses conditions se sont détériorées ces dernières années.

Le travail dont il est question - là dans le domaine du soin mais on est dans des problématiques voisines dans celui de l'enseignement - devrait pouvoir se préoccuper réellement de l'humain, à chaque étape de sa vie et dans les situations de détresse qu'il traverse. Or cela devient de plus en plus difficile, parfois impossible.

Quand est-ce que ce travail - qui ne rapporte pas - sera enfin considéré à sa vraie mesure, inestimable et donc non marchandisable ? Quand est-ce que les économies à réaliser et des idéologies à visée objectivante cesseront de prendre le pas sur les valeurs qui devraient le porter ?

C'est ce qui fonde notre humanité qui est mis à mal.

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