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Billet de blog 4 août 2023

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Suite du feuilleton

Des conditions financières faites aux ex-suspendus qui n'ont pas pu se résoudre à y retourner, et des dernières idées sanitaires

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En juin 2022 soit neuf mois après ma suspension sans salaire, une rupture conventionnelle m'a été aimablement proposée par mon employeur. Si toutefois cette éventualité avait pu me tenter, en mode "chômage jusqu'à la retraite", si toutefois jouer avec cette idée avait pu m'effleurer puisque rien ne bougeait, deux aspects très concrets m'auraient rapidement dissuadée d'accepter une telle proposition. Lorsqu'on se croit en sécurité dans une activité professionnelle investie dans le même lieu depuis plus d'un quart de siècle, en venir à devoir se renseigner sur le sort qui vous attend sur le plan financier parce qu'on n'a plus le droit d'y travailler sans aucune raison valable, c'est vertigineux ... Mais revenons à nos moutons.
À la caisse de retraite il m'a été confirmé qu'après le chômage le montant de ma pension serait nettement amputé. Une loi sur les retraites plus tard, la situation aurait été encore pire. Par ailleurs j'ai questionné Pôle emploi pour savoir comment serait calculée l'"allocation de retour à l'emploi" - comme sont maintenant joliment nommées les indemnités chômage. Un premier interlocuteur m'avait dit sans hésiter que c'est le salaire précédent la suspension qui serait pris en compte, ce qui semblait logique. J'ai souhaité en avoir confirmation écrite, et la seconde personne que j'ai eue au téléphone a dit qu'elle allait se renseigner. De bonne volonté elle m'a rappelée quelques jours plus tard, c'était compliqué, elle continuait à s'informer et me tiendrait au courant. Puis, plus rien.

Alors dans la réalité qu'en est-il pour les ex-"suspendus" qui se retrouvent maintenant au chômage ? Eh bien la suspension est considérée comme un congé sans solde. Tout simplement.
Or un congé sans solde se prend pour convenance personnelle ou professionnelle, il se négocie avec l'employeur à la demande du salarié et a une durée définie. Non ? Un congé sans solde n'est pas une interdiction soudaine de se présenter à son poste sans savoir pour combien de temps, ou bien ? Mais dans le monde nouveau où le droit du travail n'a plus cours, nous ne sommes plus à un dévoiement de la règle et à une torsion du sens des mots près. 
La personne par qui j'ai appris cela touchera comme indemnités chômage (pardon allocation de retour à l'emploi) la royale somme de ... 7,15 euros. Moins d'une heure de SMIC. Par jour.

Pourquoi cette personne n'est-elle pas retournée à son poste, me direz-vous ? Eh bien parce que cela lui a été impossible. De même que pour beaucoup de ceux qui étaient encore "suspendus" le 14 mai dernier. Diverses raisons à cela, des employeurs qui ne respectent pas le décret, ne proposent pas de poste acceptable, ou souvent une incapacité de reprendre dans un monde du soin qui a perdu tout attrait et même tout sens pour certains d'entre nous. Eh oui, soigner n'est pas une activité mécanique. Cela demande d'y trouver du sens, ce qui implique entre autre d'être traité correctement. De fait il y a eu parfois une cassure, un véritable empêchement au moment d'y retourner, après la façon dont nous avons été jetés du jour au lendemain comme des pestiférés, laissés sans ressources puis maintenus ou remis dehors alors qu'entre-temps nos collègues n'étaient plus couverts sur le plan vaccinal, tout cela durant vingt mois.

Dernier coup de théâtre en date, qui peut sembler anodin mais ne l'est pas pour les "suspendus" échaudés, réintégrés par décret donc simple suspension de leur suspension, la loi de 2021 étant toujours en vigueur : l'"Actualisation des recommandations et obligations vaccinales des professionnels" sortie tout récemment par la HAS. Il est vrai que notre système de santé est au mieux de sa forme et que la France dispose de trop de soignants. C'est probablement pour cela que la HAS préconise subitement pour eux une nouvelle obligation, celle d'être immunisé contre ... la rougeole, par "infection naturelle documentée" ou par vaccination (ROR pour tous quel que soit le lieu de travail, une fois de plus on ne fait pas dans la nuance). Histoire de permettre de faire encore un peu de tri ? Ou, plus simplement, d'indiquer une réelle impossibilité d'abandonner l'idée de la nécessité d'obligations vaccinales pour les soignants, au besoin en en créant une nouvelle ? Si vous avez envie de savoir ce qu'il en est dans les autres pays, c'est ici (annexe 9, p. 169-170). ‌

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