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Billet de blog 5 février 2023

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Font-ils durer l'attente pour faire disparaître ceux qui attendent ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au mois de novembre, le ministre de la santé a annoncé avoir sollicité la Haute Autorité de Santé au sujet de la vaccination des soignants, incluant celle contre le covid. L'instance devait donner son avis au mois de janvier. Maintenant on apprend qu'elle va se prononcer "au cours du premier semestre".

Au mois de juin s'il faut encore attendre jusque là, cela fera quasiment deux ans que nous aurons été suspendus sans salaire ni aucune aide sociale, et sans cotisations donc avec des effets prévisibles à plus ou moins long terme : diminution ou disparition de certains droits, retraite amputée.

Le ministre avait également dit vouloir consulter le Comité Consultatif National d'Éthique puisqu'il parait que la question de la réintégration des soignants suspendus possède une dimension "éthique". Pas de nouvelle. À l'été le CCNE devait déjà être consulté à ce sujet, mais il ne s'est jamais prononcé. Pourquoi ?

Pour se prononcer au sujet de l'obligation vaccinale des soignants (et assimilés) contre le covid, depuis la loi du 30 juillet 2022 la HAS peut s'auto-saisir (pourquoi ne le fait-elle pas ?) ou peut l'être par diverses instances‌, en plus du ministère de la santé. Pourquoi les commissions permanentes chargées des affaires sociales de l'assemblée nationale et du sénat ne réagissent-elles pas ?

Alors que l'obligation vaccinale contre le covid devait être réétudiée en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des connaissances scientifiques, alors que les autres pays sont revenus en arrière, alors que toutes les mesures ont été levées en France, pourquoi l'idée de réintégrer les professionnels qui ont refusé la vaccination covid est-t-elle si compliquée à envisager ?

Au détriment des soins.

"Votre enfant (de cinq ans, qui devrait normalement entrer à l'école primaire dans quelques mois ou l'année prochaine mais qui ne parle quasiment pas, n'a aucun repère, n'entre que très peu en contact avec l'autre et ne joue pas) a attendu durant des mois voire une année le bilan psychomoteur, cette rencontre a eu lieu et conclut à la nécessité d'une thérapie psychomotrice urgente, votre enfant sera maintenant sur liste d'attente pour une durée indéfinie". Évidemment les choses ne sont pas dites de cette façon aux parents, mais elles sont ainsi. Alors que je suis actuellement présente  au CMPP et que je pourrais suivre ces enfants si nos réintégrations étaient enfin actées, ils restent privés des soins qui leur sont nécessaires. Quand on nous parle d'un tout petit pourcentage de soignants concernés par les suspensions, quand il est affirmé que les réintégrations ne changeraient rien aux problèmes des hôpitaux, dans la réalité c'est - dans notre cas, psychomotriciennes en CMPP suspendues depuis le 15 septembre 2021 - l'avenir de chacun de ces enfants qui est en jeu.

En laissant passer autant de temps, s'agirait-il de nous faire disparaître ? D'attendre simplement que - puisqu'il faut bien vivre - d'autres voies soient prises par les récalcitrants, autres pays d'exercice (la Suisse, la Belgique embauchent), autres types de soin, autres métiers que ceux du soin ? S'agirait-il de pouvoir dire à la fin que plus personne n'est concerné, tout en continuant à fermer les yeux sur les gestes désespérés de certains, qui ont vraiment disparu ?

Une "poignée", un "fond de cuve" de non-vaccinés seraient-ils si dangereux, constitueraient-ils une telle menace pour le pouvoir en place et ses instances ? Ne pas nous réintégrer prime sur toute autre considération. Dans notre cas cela prime sur les soins psychomoteurs (un dommage total pour chaque enfant concerné) et sur le travail pluridisciplinaire. En hôpital ou en EHPAD cela prime sur la possibilité d'un meilleur fonctionnement des équipes et d'un allègement de la charge de travail de tous.

Ne pas nous réintégrer se fait au mépris de nos droits fondamentaux.

Un tel acharnement pour continuer à imposer un vaccin qui ne protège pas de la transmission (et pour lequel la très grande majorité des soignants n'est actuellement plus à jour faute de rappel), dans quelle folie le gouvernement français est-il engagé ?

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