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Billet de blog 8 mars 2023

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La consultation (2)

Le 3 mars une autre société, la SFPT, s'est prononcée à propos du travail de la HAS sur les obligations vaccinales des soignants

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 3 mars une autre société, la SFPT, ‌s'est prononcée à propos du travail de la HAS sur les obligations vaccinales des soignants.

SFPT cela veut dire Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique.

D'emblée la SFPT attaque fort, dans son commentaire du projet de recommandation de la HAS : "‌Si le point de vue épidémiologique peut être entendu, ... , d'autres éléments doivent être pris en compte tels que l'exemplarité afin de lutter contre les mouvements anti-vaccins qui, en France, ont pris le pas sur la juste nécessité de développer la prévention".

Nous avons donc d'entrée de jeu un argument idéologique. La SFPT reconnaît que du point de vue médical, les obligations vaccinales actuelles des soignants peuvent être discutées, et elle est réticente à ce sujet. Envisager de lever l'obligation vaccinale DTP (diphtérie, tétanos et poliomyélite) pour les soignants ainsi que le propose la HAS pose effectivement question, mais pourquoi invoquer la notion d'exemplarité, qui plus est en agitant ainsi des épouvantails ? Si une obligation vaccinale contre ces trois maladies est médicalement justifiée pour tous, alors les soignants sont évidemment concernés au même titre que tout un chacun.
Ce qui pose problème dans le discours de la SFPT c'est - de même que la HAS - le fait de considérer tous les vaccins actuellement obligatoires pour les soignants de la même façon alors qu'ils n'ont rien de commun, et par ailleurs de les traiter de prime abord dans un champ non médical, un champ moral. Quant aux "mouvements anti-vaccins", ont-ils vraiment une telle force face à la conscience de la nécessité de la prévention par la vaccination ? 

Pour ce qui est du médical, on reste sur sa faim, dans cet avis. Concernant le covid, la SFPT affirme ce qui suit : " nonobstant certains débats, ces vaccins contribuent aussi à réduire la transmission".
Y a-t-il des éléments et études scientifiques récents qui prouvent cette affirmation ?

Pour maintenir une obligation vaccinale il faut des raisons sérieuses et étayées, pas juste des affirmations.

"Sur le plan éthique, la levée de cette obligation aurait par ailleurs pour conséquence la demande de réintégration de soignants suspendus qui, pour la plupart, ont renié les éléments scientifiques fondant la médecine d'aujourd'hui et dont la pertinence de la reprise d'activité est plus que discutable".
En quoi cette société qui s'occupe de pharmacologie et de thérapeutique est-elle fondée à se prononcer sur la question de l'éthique et sur quelles données se base-t-elle pour énoncer ce genre d'assertion ? De quel reniement accuse-t-elle "la plupart" - qualification bien vague - des soignants qui ont refusé de se faire vacciner contre le covid ?

Ailleurs, on ne s'inquiète pas des dangereux individus décrits par la SFPT. En effet, cette position de crainte et de rejet vis à vis des soignants non vaccinés contre le covid est spécifique à la France, faut-il le rappeler. Dans les autres pays où l'obligation vaccinale covid n'a pas été instaurée, ces soignants n'ont jamais été un problème. Et dans les quelques pays qui l'avaient établie, ils sont déjà réintégrés puisqu'elle a été abrogée entre-temps.
Pourquoi les autres pays ne s'inquiètent-ils pas de cette non-vaccination covid de certains de leurs soignants ?
La France aurait-elle raison contre tous les autres ? Si elle refusait de réintégrer dans leurs droits des soignants suspendus sans salaire depuis un an et demi, dont nul ne peut plus affirmer aujourd'hui qu'ils présentent un quelconque risque pour autrui puisque le vaccin covid n'empêche pas la transmission, cela n'annulerait pas les questions que pose leur refus.

Conclusion du propos de la SFPT :
"Au-delà des aspects purement sanitaires, la décision de la HAS sur ce sujet aura un impact bien au-delà des professionnels de santé. Le succès de campagne de vaccination telle que celle annoncée contre le HPV auprès des adolescents dépendra en grande partie du caractère exemplaire des professionnels au regard des vaccins en général. Tout message qui contribuerait à mettre en doute l'intérêt de la vaccination aura à court terme des effets délétères en matière de Santé publique et de prévention".
À nouveau, il est clairement affirmé que la question sanitaire n'est pas ce qui prime dans le raisonnement de la SFPT. Elle met en effet une nouvelle fois en avant son argument principal, celui de l'exemple, avec des affirmations gratuites. Avec quelle boule de cristal la SFPT peut-elle savoir que la discipline des professionnels de santé incitera les jeunes à adhérer à la campagne de vaccination HPV ? En insistant sur les vaccins "en général", la SFPT est à nouveau dans une position dogmatique, surprenante dans une réflexion qui devrait être précise et argumentée. Et le forçage à la vaccination covid exercé sur nombre de soignants qui s'y sont pliés contre leur gré ne peut être un exemple pour personne.

Ce qui serait exemplaire (et certainement salutaire pour "la santé publique et la prévention"), ce serait d'adapter la vaccination - obligatoire ou recommandée - aux évolution de la réalité sanitaire et médicale. Et en ce qui concerne le covid, ce qui serait raisonnable serait d'enfin tenir compte des connaissances sur le vaccin et sur la maladie en abrogeant une obligation vaccinale qui n'a plus lieu d'être. Cela permettrait ainsi d'apaiser toute cette effervescence inutile (et probablement contre-productive concernant la vaccination) et de reprendre le travail.

Car ce sont les patients qui font les frais de ces débats stériles, qui n'ont rien de scientifique et où chacun y va de ses représentations et de ses principes. 

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