Au départ, les professionnels prétendument au contact de populations vulnérables (mais dont certains ne croisent jamais un patient, ou travaillent auprès d'enfants scolarisés, comme c'est mon cas) ont été soumis à l'obligation vaccinale contre le covid, pour "contenir la cinquième vague", était-il dit.
Il n'a jamais été question de tous ceux qui se sont fait vacciner sous contrainte, car ne pouvant pas se permettre de perdre leur moyen de subsistance. Pourquoi autant de soignants étaient-ils réticents à cette vaccination ? Pourquoi autant d'entre eux le restent-ils, en novembre deux-tiers d'entre eux n'avaient pas fait leur rappel ? Il est plus simple d'éviter la question et de continuer à faire comme si l'ensemble des soignants était allé volontiers se faire vacciner contre le covid.
Entre-temps, certains ont subi des effets secondaires. Que va-t-il se passer si le rappel devient obligatoire ? Mes certificats médicaux de contre-indication n'ont pas été reconnus, en sera-t-il autrement pour ces soignants-là ?
Si ce n'est pas le cas, ils devraient donc soit partir, soit continuer à prendre des risques pour leur santé, pour faire un vaccin qui ne n'empêche pas de transmettre la maladie. Après le départ volontaire pour des cieux plus accueillants (autres pays d'exercice, autres activités, retraite anticipée) de milliers de soignants non vaccinés dont plus personne ne parle, de nombreux autres encore risqueraient donc de quitter le système de soins.
Réintégrer les suspendus poserait problème sur le plan sanitaire et sur le plan éthique, affirme le ministre de la santé. L'épidémie aurait-elle une nature particulière en France ? Le vaccin protégerait-il mieux chez nous que chez nos voisins ? Le ministre insinuerait-il que les pays qui sont revenus en arrière sur l'obligation vaccinale et ont réintégré leurs soignants ne sont pas sérieux concernant la protection de leurs malades et la question de l'éthique médicale ?
L'article 4 de la loi du 30 juillet 2022 a laissé à la Haute Autorité de Santé la responsabilité de la décision de suspendre l'obligation vaccinale, comme si la question était encore sanitaire.
A ce moment-là, le sénateur Philippe Bas a déclaré que "la vaccination contre le covid est une vaccination temporaire", que "la suspension du contrat de travail est par définition temporaire et non définitive", et au sujet des professionnels suspendus : "le droit applicable avant la proposition (loi du 5 août 2021 ndlr) adoptée par la commission des lois exclut qu'ils restent suspendus pendant toute la vie (...) donc tous ont vocation à reprendre un jour leur travail".
"Un jour", c'est quand ???
En réalité, depuis longtemps ce sujet n'est plus ni médical ni sanitaire et il ne concerne pas non plus l'éthique, contrairement à ce que continuent de prétendre le président de la république et le ministre de la santé. Ce sujet est maintenant purement politique.
Alors n'est-il pas grand temps que le législateur reprenne la main ? Il essaie, le législateur, mais là interviennent les avis personnels sur les vaccins (alors qu'il ne s'agit pas de cela), les rivalités, les positions de principe et les règlements de compte. Le 24 novembre le vote de la loi proposée par LFI de réintégration des suspendus qui allait aboutir a été empêché. Le RN a décidé de mettre au vote sa propre loi sur le sujet, un peu différente, lors de sa niche parlementaire du mois de janvier prochain. Puis il a changé d'avis (pourquoi cela ?) et a voulu reprendre telle quelle la loi proposée en novembre par LFI, qui comme on pouvait s'y attendre s'y est opposée.
Alors face à cela, quand on est suspendu, interdit d'exercer son métier et sans salaire depuis quinze mois, on désespère.
Et on se dit que si au mois de janvier la HAS décide que la vaccination contre le covid doit devenir obligatoire au même titre que les autres vaccins actuellement obligatoires pour les soignants, il sera trop tard.