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Billet de blog 22 juin 2023

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Une obstination impressionnante (2)

Il y a quelques jours, l'Académie de médecine a publié un nouveau communiqué intitulé "De la suspension à l’abrogation de l’obligation vaccinale des soignants… Jusqu’où la régression ?"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a quelques jours, l'Académie de médecine a publié un nouveau communiqué intitulé "De la suspension à l’abrogation de l’obligation vaccinale des soignants… Jusqu’où la régression ?" Tout aussi fourre-tout, vide d'arguments scientifiques, et rempli d'affirmations dogmatiques et sujettes à caution que les précédents.

Malgré ses efforts, l’académie n’avait pas réussi à empêcher la réintégration des soignants suspendus pour non-vaccination covid.

Dès le lendemain de la décision de la HAS sur laquelle s’est basé le ministre de la santé pour initier cette réintégration ainsi que le prévoyait la loi du 5 août 2021, l’académie est revenue à la charge, poursuivant et amplifiant sa croisade en faveur de l’instauration d’une obligation vaccinale covid définitive pour les soignants.

Le dernier communiqué publié m’a fait hésiter.

Fallait-il donner consistance à cela ? Avais-je l’énergie pour m’engager une nouvelle fois dans un commentaire de ce genre de texte, en répétant encore les arguments déjà énoncés maintes fois dans mes billets traitant des communiqués d’instances diverses, et en particulier ceux de cette institution ? Mais comme mon propos vise à informer et questionner, et comme le fait d’alerter doit généralement nécessairement en passer par la répétition, allons-y.

Je me suis demandée quelle pouvait bien être la raison d’un communiqué justement maintenant.

L’académie conclut son propos en préconisant une obligation vaccinale couplant grippe et covid

Le communiqué précédent l’évoquait déjà, et il s’agit de toute évidence d’intervenir encore une fois avant que la HAS ne se prononce sur la deuxième partie de ses travaux concernant les obligations vaccinales des soignants, puisqu’elle doit produire très prochainement un nouvel avis. Ce deuxième volet concerne les vaccinations actuellement uniquement recommandées pour les soignants, à savoir celles contre la coqueluche, l’hépatite A, la rougeole, les oreillons, la rubéole, la varicelle et … la grippe.

L’académie tente donc un essai désespéré, un dernier (?) baroud d’honneur pour obtenir gain de cause dans son obstination pour que soit réimposée aux soignants une obligation vaccinale covid, qu’elle espère visiblement faire passer en force en plaidant son couplage avec une vaccination obligatoire annuelle contre la grippe.

La confusion possible sur la « suspension » évoquée dans le titre de la communication est déjà intéressante. L’académie parle évidemment cette fois de celle de l’obligation vaccinale covid, actuellement simplement suspendue par décret, et pas de la suspension de milliers de soignants écartés durant 20 mois du système de santé sans justification sanitaire évidente.

Dans ce très court texte, l’académie tente d’argumenter, assez piteusement il faut bien le dire :
"Le contexte endémo-sporadique actuel de la Covid-19 justifie le maintien d’une surveillance vigilante afin de restaurer l’obligation vaccinale par décret en cas de résurgence épidémique. Cette abrogation par la loi serait une abdication devant la diffusion des théories "anti-vax" au sein des établissements de santé, particulièrement relayées parmi les catégories de personnel qui ont été les plus durement mises à l’épreuve pendant la crise sanitaire et qui souffrent d’un grave manque de reconnaissance. Ce serait aussi un renoncement face aux revendications privilégiant le libre choix et l’individualisme plutôt que l’attitude exemplaire, déontologique et responsable qui doit constituer la fierté de tout soignant (2). L’honneur d’un soignant est de tout mettre en œuvre pour ne pas nuire à son patient, et ne pas lui transmettre une infection potentiellement mortelle s’il est fragile ou immunodéprimé". 

"contexte endémo-sporadique" cela a de l'allure, mais en langage courant cela veut dire quoi ?  "endémique" qualifie une maladie présente de manière habituelle dans une région, et "sporadique" quelque chose qui se produit de manière irrégulière, une maladie qui touche quelques personnes, de façon éparse. En quoi un tel contexte nécessiterait-il une surveillance particulière, au vu des connaissances concernant l'efficacité limitée de la vaccination covid ? Il semble maintenant clair que le covid ne va pas disparaître et qu’il y aura probablement des recrudescences à certains moments. L’immunité collective - vaccinale et naturelle - n'a pas permis que soit éradiquées cette maladie et les conséquences délétères qu’elle entraine pour certains d’entre nous. En quoi rétablir une obligation vaccinale pour les soignants changerait-il quoi que ce soit à cela ?

Deuxième argument de l’académie : les théories "anti-vax". On ne peut qu’être impressionné face à la persistance et à la profondeur du déni manifesté là, alors que les soignants qui ont refusé le vaccin covid sont par ailleurs à jour de leurs vaccins obligatoires. Quant au développement qui suit concernant les catégories de soignants où ces théories seraient "relayées", l'académie de médecine a raison sur un point, le problème de la reconnaissance, que ce soit en terme de conditions de travail ou de salaires. En comparaison à la Suisse (qui embauche des soignants français non vaccinés contre le covid, sans épée de Damoclès au-dessus de leur tête), ces deux domaines font honte à la France.

Venons-en au "libre choix". Le consentement éclairé serait-il donc refusé aux soignants ? L'"honneur" d'un soignant impliquerait-il qu'il prenne potentiellement des risques pour sa santé, sans justification sanitaire, juste pour un principe ? En effet, ces affirmations de l'académie balayent tout simplement le fait que ces injections entrainent un nombre inédit d'effets secondaires, autre déni tenace dans le monde médical.

Enfin, alors que l'on sait qu'être vacciné n'empêche pas de transmettre le covid et que par ailleurs la très grande majorité des soignants n'est actuellement plus à jour de ses rappels vaccinaux covid, l'argument toujours encore avancé pour justifier la nécessité de cette vaccination - le mantra "ne pas nuire aux patients" - laisse sans arguments ...

Si une obligation vaccinale grippe-covid était instituée, l’hémorragie de soignants qui quittent le système de santé par épuisement serait très certainement encore amplifiée, puisque nombre d’entre eux se sont soumis à la vaccination covid contraints et forcés. Mais de cela aussi, l’académie ne veut rien savoir. Le scandale qui consisterait à revenir en arrière sur les réintégrations des soignants suspendus pour non vaccination - effectives depuis un mois là où elles ont pu se faire - lui importerait peu puisqu’elle ne voulait pas de cette réintégration.

Mais l’académie ne serait-elle pas consciente du ridicule que provoquerait un retour en arrière quant à l’obligation vaccinale covid des soignants trois mois après que sa non nécessité a été établie au vu des connaissances actuelles sur la maladie et les vaccins ?

La mission de l’Académie de médecine est ainsi définie par l’Ordonnance royale du 20 décembre 1820 : « Elle s’occupera de tous les objets d’étude ou de recherche qui peuvent contribuer au progrès des différentes branches de l’art de guérir ».

L’académie ne serait-elle pas à jour dans ses connaissances scientifiques et, malgré ce qu’elle en dit, pas consciente de la nécessité d’avoir des soignants en nombre suffisant, traités correctement et respectés ? N’aurait-elle pas à cœur que "l’art de guérir" puisse s’exercer le mieux possible ?

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