La psychomotricienne, après avoir postulé durant 10 ans au CMPP et y avoir travaillé 26 ans, apprend une semaine avant la rentrée qu'elle va être suspendue sans salaire car elle n'est pas vaccinée. Elle se bat pour que cela n'arrive pas, elle argumente, elle insiste, elle propose de faire des tests virologiques réguliers.
Rien n'y fait.
Depuis le retour du premier confinement elle avait travaillé sans aucune interruption ni aucun problème d'ordre sanitaire. Elle a évidemment à cœur d'assurer au mieux la sécurité de ses patients et de ses collègues.
Du jour au lendemain elle est interdite d'exercer, interruption brutale des suivis engagés.
Certains enfants la consultaient depuis plusieurs années, pour d'autres le travail venait de démarrer. La régularité des séances, la solidité du cadre thérapeutique, le patient travail mené avec chaque enfant pour l'aider à prendre conscience de son corps, à se repérer, à se situer par rapport à l'autre, et à sortir de ses graves difficultés de structuration, l'aventure partagée avec lui chaque semaine, tout cela vole en éclat.
Même si constater qu'elle est la seule adulte que ses patients n'ont pas le droit d'approcher l'effare, elle se réjouit qu'ils n'aient pas également perdu leur maîtresse ou leur maître, puisqu'à l'école il n'y a pas d'obligation vaccinale.
La psychomotricienne a souhaité appeler ses petits patients après sa suspension pour garder le lien avec eux, en espérant que l'interruption ne serait pas trop longue. Durant des mois elle le fait très régulièrement. Elle écoute les enfants capables de s'exprimer au téléphone (certains en sont très loin alors c'est elle qui leur parle), elle les aide à organiser leur parole et leur pensée, elle les écoute raconter le covid, ses effets dans leur vie et leur corps, elle évoque avec eux le travail mené ensemble auparavant, en propose un autre, bien différent mais qui a le mérite d'exister. Elle écoute aussi les parents. Elle parle parfois des enfants et de leurs parents avec ses collègues.
Dans le même temps elle se bat pour que cette folie cesse, elle explique partout que ces enfants ne sont pas fragiles, qu'il y a eu confusion entre vulnérabilité somatique et vulnérabilité psychique, demande que la loi soit au minimum nuancée pour que les soins psychiques puissent reprendre.
Rien n'y fait.
Lorsqu'il est question de relais pour ses patients car trop de temps passe, elle comprend, même si c'est très dur. Mais une fois encore elle argumente pour être réintégrée, puisqu'elle est disponible et en bonne santé.
Sans effet.
La psychomotricienne aime son métier, elle est fortement engagée dans l'accompagnement de chacun de ses patients et dans le travail pluridisciplinaire avec ses collègues.
Elle veut reprendre le travail.