En effet, un test virologique positif au covid vaut, onze jours plus tard, certificat de rétablissement, ceci pour une durée de quatre mois à partir de la date du test. Pour avoir le droit de travailler lorsqu'on n'est pas vacciné, il faut donc contracter (certains le font intentionnellement) une maladie qui est censée être potentiellement grave. N'est-ce pas paradoxal ? Après avoir eu le covid on revient donc travailler durant trois mois et demi et ensuite on doit repartir. Comme un pestiféré.
Suite à une infection je serai de retour au CMPP dans quelques jours, et je suis confrontée à la question de l'engagement que je peux mettre dans une reprise d'une durée aussi courte. Que faire de ces quelques mois, encore raccourcis par les congés de Noël et de février, dans une structure comme un CMPP ? Nos prises en charge s'inscrivent dans une temporalité longue, comment s'investir dans la rencontre d'un enfant en sachant qu'elle devra peut-être s'arrêter au bout d'une dizaine de séances ? Alors je ferai au mieux avec ou malgré cela, en espérant envers et contre tout que d'ici mi-mars quelque chose se sera passé pour que je puisse poursuivre le travail repris ou nouvellement engagé avec chaque patient.
Les perspectives que l'obligation vaccinale soit abrogée et les soignants réintégrés restent très fermées. Qu'est-ce qui motive une telle obstination, qu'est-ce qui se joue à travers elle ?
Les arguments mis en avant ne sont plus d'abord sanitaires. Les réintégrations ne résoudraient pas les problèmes de l'hôpital, est-il dit. Les vaccinés ne veulent pas du retour des non-vaccinés, ils n'en sont pas "férus", est-il également prétendu. C'est quoi, ces raisons ?
Il se rappelle de quoi il parle, le porte-parole du gouvernement ex-ministre de la Santé qui sort des arguments pareils ? Il parle de milliers de personnes jetées dehors du jour au lendemain et laissées sans moyens de subsistance, avec des enfants souvent. Il parle de personnes interdites depuis près de quinze mois d'exercer le métier qu'elles ont appris et pour lequel elles ont la vocation. Il parle de personnes qui ont dû interrompre les études démarrées ou y renoncer. Il parle de personnes qui ont subi un choc énorme, avec parfois des conséquences tragiques pour leur santé ou même leur vie. Il parle de milliers et de milliers de patients laissés brutalement sans soins.
Pour maintenir des mesures d'une telle gravité et aux telles conséquences, il faut des raisons impérieuses, alors ces deux arguments laissent pantois. Mais ils sont tranquillement formulés et retranscrits dans les médias, et ne choquent pas grand monde.
A partir de la prétendue non volonté des vaccinés du retour de leurs collègues non vaccinés, on crée une raison pour s'opposer à leur réintégration, raison que l'on qualifie d'"éthique". On colle donc un grand mot pour donner plus de poids à la chose. Si plus de soignants avaient refusé le vaccin, nous serions tous au travail. Ceux qui l'ont accepté par conviction doivent l'assumer, ceux qui l'ont fait contraints et forcé doivent faire avec. Si certains ne sont pas favorables au retour de leurs collègues c'est leur affaire, et cela n'a rien à voir avec une quelconque éthique médicale.
Je me permets juste de souligner que les vaccins contre la covid n'ont rien de comparable avec aucun autre vaccin actuellement obligatoire pour les soignants, et que les nombreuses questions éthiques que soulève le fait de rendre cette vaccination-là obligatoire n'ont jamais été traitées.
Quand au souci de la protection d'autrui, mis en avant pour justifier le vote de l'obligation vaccinale en août 2021, qu'est-il devenu ?
Aucune précision, dans les propos qui essaient de rester dans le champ sanitaire. Les non vaccinés mettraient "en danger les personnes dont ils ont la charge", selon un membre de l'académie de médecine, ou ne seraient "pas suffisamment protégés", d'après le ministre de la santé. Vraiment ? Il y a de toute évidence une forme de déni dans de tels argument, alors que l'on sait qu'être vacciné n'empêche pas de contracter - et donc de transmettre - la maladie. De toute façon, actuellement plus aucune logique médicale ne prévaut puisque si on n'est pas vacciné une infection permet de retravailler durant trois mois et demi, alors que pour les vaccinés le dernier rappel vaccinal (ou le cas échéant une infection) est valable sans limite.
L'épidémie est-elle particulière, en France, pour qu'il faille maintenir ces mesures de suspension et l'obligation vaccinale contre le covid, alors que quasiment partout ailleurs elle n'existe pas, ou est abandonnée, ainsi que cela sera le cas en Allemagne fin décembre, après l'Italie ? Ailleurs les arguments qui servent encore de mantras chez nous sont tout simplement révisés, ou abandonnés lorsqu'ils deviennent infondés.
Pourquoi ne peut-il en être de même en France ?