Normalement, lorsque des soignants sont interdits de soigner, les citoyens devraient s'inquiéter, se demander pourquoi.
Normalement, lorsque les droits de travailleurs sont piétinés, les syndicats se mobilisent.
Mais lorsque le 15 septembre 2021 des milliers de soignants et assimilés ont été suspendus sans salaire et pour une durée indéfinie - ce qui ne s'était jamais vu jusqu'alors - rien ne s'est produit. Car plus rien n'était normal depuis mars 2020.
Le covid et la crise sanitaire ont fait perdre le nord à la plupart d'entre nous. On va me dire qu'une telle affirmation est facile, à postériori. Mais quels ont été les fondements médicaux et sanitaires des mesures appliquées en France ? Des décisions étaient prises par le gouvernement à l'issue de consultations confidentielles du "conseil scientifique", sans débat ouvert à d'autres champs, souvent sans logique ni cohérence.
Quant à nous, citoyens, dans notre immense majorité nous nous sommes pliés. Nous avons obéi. Nous avons accepté de nous signer des auto-autorisations de sortie, de ne pas nous éloigner à plus d'un kilomètre de notre domicile, de ne plus aller voir nos anciens. Nous avons accepté que nos enfants n'aillent plus à l'école puis soient contraints d'y porter un masque durant des journées entières. Nous avons accepté de montrer (parfois de contrôler) des pass. Nous avons accepté de nous faire vacciner pour pouvoir continuer à aller prendre un café en terrasse, nous avons fait vacciner nos enfants, ceci avec des produits expérimentaux pour lesquels il n'y a aucun recul à long terme.
Quelle soumission à quelle(s) autorité(s) nous y a poussés ? Comment la peur instillée à longueur de journée sur les ondes a-t-elle pu avoir un tel pouvoir de mise au pas, nous faire perdre notre capacité de réflexion et de libre-arbitre, alors que rapidement la faible létalité du covid a été constatée ? Nous n'étions pas dans une situation de danger majeur, mais d'énormes efforts ont été déployés pour nous convaincre du contraire, à différents niveaux et en particulier par des médecins qui s'exprimaient sur les ondes ou dont les interview faisaient l'objet d'articles de journaux.
Heureusement pour les personnes qui ont été suspendues sans aucunes ressources durant 20 mois (VINGT MOIS), à l'été 2021 le Syndicat Liberté Santé a été créé par des professionnels du secteur sanitaire. Au bout de quelques temps je me suis intéressée à ce syndicat, à son manifeste et à ses actions dont je souhaite témoigner.
Durant deux ans, le SLS a soutenu les "suspendus", aidant nombre d'entre eux à survivre grâce à des collectes de dons, proposant des réponses de juristes à leurs questions, constituant un réseau d'avocats. Ce syndicat est l'un des maillons du filet de secours qui nous a aidés à traverser cette période d'exclusion du champ social.
Maintenant ce syndicat peut passer à des actions syndicales proprement dites, et il a entrepris de déposer plainte contre neuf médecins qu'il qualifie de "bonimenteurs". Les trois premiers d'entre eux sont André Grimaldi, Karine Lacombe et Gilbert Deray, et le SLS a adressé les plaintes portées contre eux à la Chambre Disciplinaire du Conseil Régional de l'Ordre des Médecins d'Île-de-France.
Le SLS, je cite , "s’appuyant sur le Code de la Santé Publique et le Code de Déontologie Médicale reproche à (chacun de ces médecins) les manquements suivants :
-Abus de crédulité publique et pratique de charlatanisme ;
-Défaut aggravé de mesure et de prudence et non respect de l’obligation de délivrer une information médicale loyale et honnête dans son expression publique ;
-Défaut de mise à jour de ses connaissances avant expression publique ;
-Non déclaration de ses liens d’intérêt dans le cadre de son expression publique ;
-Discrimination et manque de confraternité portant atteinte à l’honneur et à la probité de la profession".
Cette action - pourtant notable dans le milieu médical - engagée par le SLS n'est une fois de plus relatée dans aucun média mainstream.
Début octobre Mediapart a parlé de l'étude menée par deux sociologues sur l'"expérience d'obéissance de masse" de 2020, article remarqué et abondamment commenté par les lecteurs. Mediapart dénoncera-t-il un jour plus globalement et de manière plus complète la mise à mal sans précédent qu'a subie notre démocratie durant la crise sanitaire, et le grave dévoiement de l'éthique médicale que nous avons connu ? Le 14 novembre dernier, Olivier Véran, ministre du Renouveau démocratique (...) et porte-parole du gouvernement, a été reçu par des journalistes de Mediapart qui l'ont questionné sur de nombreux sujets d'actualité. Mentionnons en passant un malencontreux lapsus de sa part sur les bombardements à Gaza (à 8:57, quasiment réitéré à 9:15). À 1:10:48, O. Véran énonce : "pendant la période où j'étais ministre de la santé je n'ai pas mis les pieds sur CNews ... parce que j'avais dit c'est ou Perronne ou moi, une façon de dire les paroles ne se valent pas, en période de crise sanitaire c'est trop grave". Or en octobre 2022, la chambre disciplinaire d’Ile-de-France de l’ordre des médecins a récusé toutes les accusations portées par le conseil national de l'ordre des médecins contre C. Perronne. Mais un an plus tard, l'ex-ministre de la santé reste droit dans ses bottes. Sauf que ce n'est pas la question de la valeur respective des paroles qui se posait, mais tout simplement celle du débat, qui a toujours été refusé. Pourquoi ?
L'avenir nous dira ce que va décider cette même chambre disciplinaire au sujet des trois premières plaintes déposées par le SLS.
Une position critique de la part de Mediapart vis à vis des actions du gouvernement face à la crise sanitaire n'a pas pu être tenue, que ce soit à l'époque où M. Véran était ministre de la santé ou ensuite. Je continue envers et contre tout à espérer que cela puisse encore arriver, car ce qui s'est passé n'est pas du passé, et dépasse largement la question du soin elle-même. Concernant cette dernière - ma motivation de départ dans l'écriture de ces billets - je recommande vivement la lecture de l'ouvrage d'Alice Desbiolles "Réparer la santé".