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Billet de blog 29 décembre 2022

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Éthique (2)

Depuis l'été 2021 où une obligation vaccinale contre le covid a été votée pour certains, à quel endroit l'éthique est-elle mise à mal ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis plus de quinze mois, des professionnels sont soumis à une obligation vaccinale contre le covid sous peine de se voir interdits d'exercer et privés de salaire. Beaucoup ont cédé juste pour pouvoir continuer à vivre et à nourrir leurs enfants, ils sont parfois allés se faire vacciner en pleurant. Entre-temps certains subissent des effets secondaires graves suite à leurs injections.
Parmi les milliers de personnes qui ont refusé cette vaccination, celles qui ne sont pas parties faire autre chose ou n'ont pas réussi à trouver un petit boulot restent sans aucune ressource. Ceux qui ont réussi à résister se sont donc retrouvé dans une situation infernale qui a poussé finalement certains au suicide.

Cet état de fait perdure depuis plus d'un an dans une indifférence quasi générale. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de questionnement sur les raisons d'un tel refus, d'une telle résistance ?

Les vaccins utilisés contre le covid sont encore en phase expérimentale 3. Que penser d'une loi imposant une obligation vaccinale avec de tels vaccins, qui plus est pour des raisons de protection de populations vulnérables qui ne sont pas avérées ?

Dès son instauration, des personnes - dont des avocats - ont tenté d'argumenter en prenant en compte ces éléments, en s'appuyant sur les textes de loi ou traitant d'éthique, sans succès. Leurs arguments ont été balayés et écartés d'une façon péremptoire, avec l'affirmation que la vaccination contre le covid est nécessaire et sûre. L'ancien ministre de la santé a même prétendu qu'elle n'était plus expérimentale car avec toutes les injections déjà réalisées on ne peut plus prétexter un manque de recul, annulant ainsi tranquillement celui du temps, de la durée qui est nécessaire au recul, justement.

Après le Code de Nuremberg, d'autres textes ont réglementé la question de l'expérimentation médicale (Déclaration d'Helsinki en particulier) mais je vais en rester à celui-là, issu de la réflexion qui a fait suite à des pratiques médicales gravement dévoyées. En effet, malgré les règles qui existaient déjà auparavant, en particulier en Allemagne depuis 1931, des médecins nazis ont profité des opportunités offertes par la seconde guerre mondiale et ses camps de concentration pour pratiquer des expérimentations médicales sans aucun garde-fou. Dans le jugement du procès de ces médecins qui s'est déroulé à Nuremberg entre décembre 1946 et août 1947, dix critères ont été formulés pour préciser les conditions dans lesquelles doivent être pratiquées les expérimentations médicales pour être acceptables sur le plan éthique. 

1. Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition.

En se basant sur ce premier critère, peut-on parler de "consentement volontaire ... sans intervention de quelque élément de force" dans le cas de l'obligation vaccinale covid des soignants (et professionnels assimilés), alors que leur vaccination s'est exercée dans une situation de contrainte extrême ?

Soit tu te fais vacciner, soit tu n'as plus de travail ni de moyens de subsistance. On ne peut guère être plus contraignant... En cas d'effets indésirables suite à une vaccination dans cette configuration, qui est responsable?

2. L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas aléatoires ou superflus par nature

Il est évident que nous ne sommes pas dans ce cas puisque beaucoup de pays, par exemple la Suisse, n'ont jamais appliqué d'obligation vaccinale contre le covid et ne sont pas pour autant en situation catastrophique sur le plan sanitaire. L'argument de la "protection de populations vulnérables" a fait long feu. D'ailleurs dès le début de l'obligation vaccinale, le fait qu'être vacciné n'empêche pas de contracter la maladie était connu.

Avec cet éclairage, prétendre que les soignants refusant la vaccination covid n'auraient pas une position éthique prend une tonalité très particulière. Ne serait-ce pas plutôt ces soignants-là qui ont gardé leur éthique ?
Car c'est bien lorsque l'obligation a été votée que les droits fondamentaux et l'éthique ont été bafoués, l'éthique telle qu'elle est définie dans les différents textes régissant l'expérimentation médicale, mais également et en premier lieu dans le Serment d'Hippocrate qui traite du soin en général : 

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Pourquoi un soignant qui promet de respecter la volonté de ses patients et de les protéger ne pourrait-il pas s'appliquer ces mêmes règles à lui-même, et en vertu de quelle éthique devrait-il se retrouver contraint de prendre des risques pour sa propre santé et d'aller contre ce qu'il estime juste, en son âme et conscience ?

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