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Billet de blog 11 avril 2015

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Dietski Mir : l'ancien et le nouveau

Lundi 6 avril, "Dietski Mir" a réouvert ses portes au public après dix ans de travaux de rénovation. "Dietski Mir" je devrais dire plutôt dire le Magasin central des enfants sur la Loubianka, tant le nouveau n'a peu de choses à voir avec l'ancien.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lundi 6 avril, "Dietski Mir" a réouvert ses portes au public après dix ans de travaux de rénovation. "Dietski Mir" je devrais dire plutôt dire le Magasin central des enfants sur la Loubianka, tant le nouveau n'a peu de choses à voir avec l'ancien. Tout d'abord ce n'est pas la même entreprise qui gère le magasin, et le nouveau ressemble plus à une galerie marchande clinquante, comme on en trouve partout en Russie et dans le monde qu'au gigantesque magasin de jouets foutrac de l'ancien. Voir aussi http://www.themoscowtimes.com/multimedia/photogalleries/soviet-era-detsky-mir-reopens/5680.html?clear_cache=Y. Architecturalement, il ne reste que les façades, tout le reste a été détruit en 2011-2012 s'attirant ainsi les foudres d' associations de protection du patrimoire. http://www.themoscowtimes.com/article/decrepit-historic-buildings-cast-shadow-over-moscow-day-festivities/506565.html

L'affiche elle-même est une pale imitation de l'affiche d'Irakli Toizde de 1941, La mère-patrie t'appelle !, elle-même déjà reprise de l'affiche français de Jules-Abel Faivre de 1916 "On les aura !" pour le deuxième emprunt de guerre .

Une première publicité pour le magasin, montrant des enfants en agents du KGB forçant leur parents à les enmener au magasin a été retirée à la demande du FSB, dont les bâtiments centraux, hérités du KGB se trouvent sur la même place Loubianka que le magasin de jouets. Voir la publicité https://www.youtube.com/watch?v=GjZjhzJEV8k&feature=youtu.be et l'article du Moscow Times (en anglais) http://www.themoscowtimes.com/article/russian-toy-store-restages-kgb-interrogation-with-lubyanka-ad/518021.html

Néanmoins la fonction propagandiste du magasin pour les enfants n'a pas disparu avec la rénovation.  Dès l'entrée on tombe sur l'emblème de la Russie et une carte de la Russie, incluant déjà la Crimée annexée (tout en bas à gauche).

Puis dans un syncrétisme politico-historico-religieux, on retrouve les bâtiments de Moscou : les églises du Kremlin et le Théâtre bolchoï surmontée d'une mongolfière aux couleurs de la Russie et l'inévitale boule de neige avec la basilique Saint Sauveur.

Le plafond est ornée de vitraux inspirés d'ilustrations de Billibine sur le Moyen-Âge russe.

Le plafond de la salle de jeux, malgrè le sujet religieux rappelle les peintres, comme Pavel Filonov, du début du XXe siècle.

Le comble de l'anachronisme ou de la réécriture de l'histoire est remporté dans la salle de jeu des enfants par la maquette de la navette soviétique Bouran rebaptisée Russie.

Mais ces différents gages à l'État russe ne semblent pas avoir suffi car deux jours après l'ouverture du magasin, des fonctionnaires du Comité d'enquête ont saisi des figurines en plâtre représentant des officiers de l'Allemagne nazie, les bureaux du magasin ont été perquisitionnés, le directeur interrogé et le procureur a ouvert une procédure pour «Incitation à l'inimitié et à la haine et atteinte à la dignité des vétérans de la grande guerre patriotique», selon l'article 282 du code pénal russe. http://www.lefigaro.fr/international/2015/04/06/01003-20150406ARTFIG00179-a-moscou-un-magasin-de-jouets-irrite-la-fibre-patriotique-russe.php

Heureusement qu'il reste le toit, ouvert au public qui permet d'avoir une vue imprenable sur le centre de Moscou.

Les nostalgiques de l'ancien Dietski Mir, dont je suis, n'auront plus qu'à se plonger dans les films soviétiques ou relire la page 35 de La Machination Voronov de Sente et Juillard aux éditions Blake et Mortimer pour se le remémorer.

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