(19) Le poète et le psychiatre : ces riches archipels des m(o-au-x)ts..
Cela fait plus d’un mois que je suis enfermée
Comme dans une prison faite en béton armé
Au début, même la porte avait un tour de clé
Rien à dire, sans sonnette, j’étais vraiment bouclée !
Mes appels au secours pour pouvoir discuter
Sont restés sans effets. Or moi j’aurais souhaité
(...)
Je me suis vue mourir du pouvoir des soignants…
Mais mon étoile filante protégeait sa maman
Ce n’était pas mon heure… Et je suis toujours là
A me ronger les freins, rêvant de chocolat
Vivement la sortie de cette psychiatrie
Où je n’ai pas ma place, où je me sens meurtrie
Où j’avale de force, maints cachets dangereux
Qui sont trop forts pour moi et qui sont onéreux.
Heureusement que la vie triomphera quand même
Et que tous mes malheurs resteront des poèmes.
Marie-Laure MARIN-THIBAULT
HOPITAL PSYCHIATRIQUE Juillet 2009
"Le monde serait absurde s'il n'y avait pas de poèmes" Joel Des Rosiers
Les relations entre médecins psychiatres et poètes semblent ambiguës. Dans bien des cas, elles peuvent s'avérer complétives. La poésie est la maison de la pauvreté. La psychiatrie demeure son asile. Entre folie ou pauvreté du poète et langue médicale du psychiatre, un Janus se dresse : la langue du fou transmute son agitation en images, et celle du psychiatre tresse son attention, en mots de soin : d'écoute.
La patient enseigne - par sa poésie - le médecin psychiatre. Le poète écrit pour lui et pour les hommes communs. De même le médecin soigne pour lui et pour le bien de l'humanité. Le poème est toujours une fête. Ainsi, à la manière du fou, le poète ne sait pas où il va - où il avance... ? Des murailles-même de la folie, la pierre des mots crie. Si la relation entre le soignant et le poète sont ambivalentes, cela est lié au fait que le psychiatre lit le poète, mais le poète (en général) ne lit pas la médecine. Cela étant dit, le psychiatre (lorsqu'il n'a pas (en lui) la joie des mots... aimerait bien, lui-aussi, être poète...). Est-ce que tous les psychiatres ne sont-ils pas, à leur manière tous des poètes ?
En tout état de cause, le poète se soigne. Mais nous soigne-il par ses mots ? Assurément, oui. Il sait soigner les êtres patients, attentifs, curieux. En cela il y a une extraction de la pauvreté psychique. Le poème est un diamant. Il nous sort du vide, par ses saveurs. Il est une médiation sur le sens de la vie.
Parce que le psychiatre, comme le poète ; lorsqu'ils sont avertis..., sont des êtres parlants. Ainsi, ils content leur vie. Le silence appartient aux rois. Mais aussi, il est parfois partagé par des êtres humains froids, désaffiliés (qui n'ont pas fait d'analyse sur eux-mêmes) ; ces individus sont pétris par la peur d'eux-mêmes. Les mots, alors leur sont des continents étrangers. Comment ne pouvons-nous pas plaindre ces êtres chétifs encapsulés dans le raisonnement dit bio-médical ?
La richesse est conjuguée à la joie des mots, du langage qui s'éploie, telle une craie blanche écrivant sur un tableau soir sa vérité d'existence. Poète et psychiatre sont parfois amis, parfois ennemis ; mais toujours complices du mot juste, original, bien ou mal placé. La pauvreté spirituelle serait de ne reconnaître ni l'utilité du psychiatre ni celle du poète.
(20) Déprolétariser la médecine ?
S'il est question de psychiatre et de poésie, cela est lié au fait que dans le modèle biomédical (auquel sont formés les médecins et dont beaucoup souffrent...) l'imaginaire n'a pas droit de cité. Effectivement, les données actuelles montre que prés d'un quart des jeunes médecins auraient des idées suicidaires. Lorsque j'étais enfant, je croyais qu'être médecins conférait une certaine culture. Mais il n'en est rien, les médecins sont des ingénieurs du corps, des techniciens du symptôme. Plusieurs études empiriques montrent que le niveau de culture en sciences humaines chez les internes est souvent très pauvre. Cette paupérisation (prolétarisation) du métier de médecin est aussi liée à l'automatisation des tâches, au management dans les services fonctionnant toujours en flux de plus en plus tendu. Or, ce qui est porté au pinacle de cette prolétarisation mentale des jeunes médecins demeure l'absence de travail sur soi. Ce dernier est aussi lié au peu d’intérêt pour les sciences humaines. L'on peut dire aisément, que la dimension imaginaire, mythologique, magique voire de "médecine utopique" sont ravalées au rang de "blabla" ; au profit de valeurs telles que : l'objectivation, l'utilité immédiate, l'écoute partielle - non holistique - du patient, l'évaluation quantifiée alors que l'on sait très bien que l'on ne peut (pour l'heure) en rien catégoriser un être humain etc. La pauvreté de l'esprit biomédical est un paradigme de l'antipoésie. En effet, la préoccupation du jeune médecin est de soigner les symptômes physiques. En dehors de cela, il ne peut réellement rien faire (Freud rappelait justement que les trois professions impossibles soigner - psychanalyser -, enseigner et gouverner. Certainement, serait-il donc vain de vouloir faire des médecins des poètes ? Transformer des ingénieurs du corps en artisanats du beau est un dessein qui parait, pour le coup ; assez utopique. Pour autant, tous les soignants ne sont pas dépourvus de savoirs Humanistes.
J'articule la nécessité consistant à rendre la parole aux patients et la pauvreté, dans la mesure où les patients sont régulièrement considérés comme dépourvus de pouvoir. Savoir, c'est pouvoir. Autrement dit, dés lors que l'on n'a pas le savoir médical, relatif aux situations de vulnérabilité, l'on est considéré comme pauvre symboliquement, au regard du pouvoir biomédical. Dans le même temps, bien des soignants avertis ne sont pas simplement centrés sur les symptômes du corps et agissent, à travers leur clinique selon le modèle bio-psycho-social. Ainsi redonner le pouvoir aux patients revient à créer une relance thérapeutique entre : médecin et personne soignée. Dépasser la pauvreté symbolique est une pratique concrète qui passe par la jouissance orgasmique du langage. Jouir de l'érotique du langage serait en somme une manière de déprolétariser la médecine.
(21) Cynisme, critique sociale et théorie du genre...
Je vis d'expédients et de pauvreté. Cherchant de ma lanterne magico-analytique le bonheur dans la simplicité d'une vie naturelle et faite de robes de falbalas. Les déchets, l'ordure ; ce sont les ignorants qui jouissent à détester l'absence de vulgarité; la finesse des beaux corps et des esprits aiguisés ; l'amour de soi et donc de son prochain...
La synthèse entre la nature du cynique et la culture du théoricien du genre est-elle un mythe ?
Dans tous les cas, le petit bonheur de soi est tressé d 'une liberté de porter des petites culottes de dentelles. La chose est politique, car le monde est droit, patriarcal, hétéro-centré, nous portant à partager les illusions de la foule, à ne pas aimer nos désirs... Avoir le corps lisse, épilé etc. est une ascèse, un travail du féminin qui nous permet de trouver notre nature (insufflée par l'éducation). Les représentants politiques sont des êtres dominants, riches et méprisant le peuple qui lui..., descend des montagnes du désespoir de la solitude. Mon bien essentiel est d'être transgressif.
Ma seule liberté est d'être une chienne subversive... Allez-vous caresser la patte de ces canins qui louent tellement la délicatesse ? Oh, mais la cité est tellement éloignée de mon pauvre désir... Si j'étais vraiment cynique je regarderais avec mépris la plus grande singularité. Les bureaucraties et ses technocrates sont là pour nous dé-individualiser ! Par des codes, elles nous remplacent, écrasant nos désirs... L'individu puissant n'a jamais été un conte de fée. Pauvre. Assurément. Heureux ! Commandant sa vie.
Tel un Diogène en string rose... je continue.
ABOYANT ?
(22) Economie de la pauvreté
« L’écologie est subversive, car elle met en question l’imaginaire capitaliste qui domine la planète (...) » et « montre l’impact catastrophique de la logique capitaliste sur l’environnement naturel et sur la vie des êtres humains. » Cornélius Casoradis
Le pas de l'économie au psychisme individuel est extrêmement aisé. Comme nous sommes déterminés socialement et avons trés peu de devenir libres et émancipés ; d'un point de vue économique la vie psychique parait très liée aux possibilités ou non possibilités de s'adopter au marché du travail. Chaque psychisme est déterminé par divers facteurs :
- La valeur argent
- La valeur politique
- La valeur religieuse
- La valeur famille
- La valeur de l'identité
Etc. Mais en somme l'économie est un prédicat du psychisme singulier en ce sens que nous sommes déterminés à la platitude, à la résignation, à l'accoutumance. Ainsi, nous sortons peu de notre situation économique déterminée pour nous affranchir. Notre inconscient est le paradigme d'une économie-politique propre. L'économie n'est pas première, c'est notre inconscient qui gouverne. Donc, si je n'arrive pas à travailler c'est que je désire pas travailler. Ou plus exactement, c'est que l'on ne me donne pas les chances d'avoir un travail parce que je ne suis pas adaptatif à l'économie ultralibérale. Or seuls les plus adaptatifs peuvent gagner de l'argent pour vivre. Là est la névrose - ce que je nomme normopathie - qui permet d'être flexible économiquement va dans le sens d'une norme. Cette norme est considérée comme la norme de productivité. Car il s'agit bien d'être productif... Votre serviteur l'est.
"Nous naissons déterminés et nous avons une petite chance de devenir libres" Pierre Bourdieu
Songeant à nombre de ses amis qui ne peuvent pas l'être, la question suivante se pose : L'économie capitaliste interroge, tout de même. Je n'arrive pas à comprendre comment peut-on arriver à synthétiser (selon quels textes ou dires...?) : libéralisme et "care", vulnérabilité, accompagnement des plus vulnérables en HP ou dans la rue, comment peut-on alors conjuguer le monde de l'argent et celui de ceux qui ne peuvent pas être performants, parce qu'ils font déjà de leur mieux ? Décidément, le capitalisme est difficile à comprendre... Les handicapés, les fous, les clochards etc. doivent-ils alors se contenter des drogues et des aides qui les maintiennent dans la marginalité, pour survire ?
Je ne vois qu’une issue : l’économie décroissante.
Cependant, rares sont aptes à cela. Seuls quelques héros de la simplicité, de la sympathie et d’un hédonisme - joyeux - immédiat et éclairé..., en sont capables.
Aristocrates-pauvres...
“L’horreur est la dernière richesse des pauvres” Albert Camus
(23) Hommage à "Noces"
L'été, à partir du vingt et un juin (ce jour de brouhaha) le vin rouge coule à flot les cigares se consument ; et les murs blancs éclairent le vide. Cette pauvreté du thérapeute qui est un artiste... - de-là : comment ne pas en être lucide ? Mais la diamant de l'absurdité et de la révolte sont le résultat d'une expérience sensorielle : de bruits, urbains, de la pollution de Paris, des gens qui nous foncent avec individualisme dessus, sans indifférences jouisseuses etc. On se sent solitaire, exposé aux cœurs englués dans la guerre. Souvent le discours tourne en rond. L'artiste aide à sortir de cette chanson qui tourne en boucle par la production d'une langue d'enfance qui toujours recommence, répète les feuilles de marrons chauffées par le soleil où l'esprit trouvait sa raison dans la sieste ombrageuse de quatorze à quinze heures ; celle des tous petits à l'école maternelle. Il s'agit d'un miracle.
Étranger.

Agrandissement : Illustration 1

Il n’y a pas d’un côté le thérapeute, de l’autre le patient. Nous sommes tous différents.
La seule positon qui importe tient au fait que l’un écoute, l’autre parle.