Alors que les enquêtes d’opinions révèlent une évolution positive et significative des réactions des français sur le mariage pour les couples de même sexe et l’adoption pour les couples gays et lesbiens, le droit lui ne progresse guère. Devant l’infériorisation d’une partie de la population sexuellement discriminée, c’est l’universalité des droits qui est mise à mal. Si les associations LGBT – toujours plus nombreuses – jouent un rôle majeur de sensibilisation et de défense de ces droits – y compris les plus élémentaires parfois, la réponse ne peut qu’être éminemment politique : quel processus d’émancipation individuel et collectif pour quelle alternative au modèle de famille traditionnelle ?
Les modèles familiaux fleurissent et se présentent à des niveaux et des formes différentes selon le territoire [ville/banlieue/campagne] mais aussi selon le genre [homme/femme] et les âges aussi. Le « brouillage » des identités fait peur, il inquiète, il interpelle, il pose question. S’interroger, débattre est légitime. C’est même nécessaire. Dissimuler la réalité sociale objective derrière le prêt à penser hétéronormé – et catho pourrait-on ajouter – serait source d’une grande perversité. C’est pourtant le parti pris de la classe dirigeante – et dominante – qui s’enferme et s’entête dans un conservatisme ridicule, anachronique. C’est simplement scandaleux, révoltant voire. A la veille du débat parlementaire consacré à la révision des lois de bioéthique, les vieux discours politico-intello-réacs vont, une fois n’est pas coutume, (re)trouver un large écho dans les médias. Je crois pour ma part qu’il nous appartient collectivement de sortir de la pensée préconstruite qui nous enferme dans la monotonie sociale et nous pousse à la schizophrénie. Il faut défier l’ordre établi et rompre avec les normes et autres codes sociaux qui sont le fondement de la culture dominante.
L’émancipation individuelle et collective doit être au cœur de toute ambition politique pour notamment appréhender les différences humaines, des hommes et des femmes du 21ème siècle, à travers ce que l’on pourrait appeler la post-identité. Il importe comme le suggère ce jeune artiste plasticien, d’appréhender une "transi-entité" [1] comme une entité sans cesse en mouvement, sans cesse en train de changer, sans cesse en devenir, sans cesse en transition. Cette post-identité doit tendre vers de nouveaux modèles de familles, sans exclusives ni préjugés. Ainsi bisexualité, gestation pour autrui – malgré je dois bien le reconnaître la trivialité des termes « gestation » et « autrui », mariage homosexuel, mères porteuses, assistance médicale à la procréation etc. sont autant de réalités sociales que de raisons de légiférer en faveur de l’accès de toutes et tous à une égalité de traitement des plus concrètes.
Christophe Girard.