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Billet de blog 3 mai 2020

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Une vie d’électeur

27 mars 2017 Flash-back sur les élections présidentielles de ma courte vie d’électeur...

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Dans cet article publié le 24 mars 2017 dans Libération, le journaliste Thomas Clerc analyse le potentiel du candidat Hamon en apportant cette excellente analyse :"Les cinq gros candidats forment un spectre idéologique varié, tout à l’honneur du système démocratique." 

Il commence son article avec un flash-back : « Cette élection présidentielle est forte, ouverte. C’est ma sixième en tant qu’électeur ; en 81 j’étais mineur, en 74 j’étais d’extrême droite, comme tous les enfants. Politiquement, l’insatisfaction ne m’a pas complètement gagné ; la politique est toujours insatisfaisante » 

Cette introduction en forme de flashback me donne envie de retracer ma vie l'électeur aux dernières présidentielles que j'ai pu vivre. Une tentative d'entendre l'évolution de la définition du "vote utile" de gauche... Encore une fois vous en faites ce que vous voulez. C'est très très long mais ça a été un chouette exercice à faire pour moi. C'est un peu intime mais j'ai envie de le partager ici. Comme d'autres reflections pour lesquels j'ai arrêté de me poser la question de l'utilité de le publier... Chacun y trouvant son echo, son indignation ou son indifférence dans l'intimité ou la réaction publique de sa connection facebook...

Illustration 1
apparition de Mitterand lors des elections de 1981 © INA

1981 - J'ai 5 ans alors le seul souvenir que je peux avoir de Giscard d'Estaing (ou de la droite au pouvoir en général) c'est le zoom arrière sur un "Au revoir" (grâce aux régulières rediffusions à la moindre occasion de faire un contrepoint décalé). Je crois me souvenir que je peux avoir été fasciné par l'apparition de l'image de Mitterrand d'une immense modernité et qu'une certaine euphorie à envahi la famille réunie devant la télévision. Tout n'était pour moi que musicalité dans les éclats de voix en feu d'artifice. Un souvenir diffus...

1995 - je vais bientôt passer mon permis de conduire à Villefontaine où je fais un BTS, j'essaie de comprendre le monde dans lequel je vis. Je me fous un peu de toutes ces questions politiques. Je n'ai vécu qu'avec tonton Mitterrand dans un monde léger où je peux faire des études (que je commence tout juste), mater des VHS avec mes copains, découvrir le "Dogme95", "Usual Suspect" ou "La haine" dans le cinéma où je travaille presque tous les soirs. C'est aussi l'époque où on parlait encore beaucoup de la Reine Margot qui venait de rafler tous les Césars...

On est en plein dans la « cohabitation de velours » avec Balladur qui prend une place folle dans la bataille entre Jospin et Chirac. Tout se passe comme de bien entendu. Le Sphynx n'est pas très en forme, il va bientôt mourir, et le passage de la gauche au pouvoir apparait très vite comme une passade dans la destinée paternaliste de droite de la présidence de la République (commentaires choquants pour moi qui n'ai connu que ça).

2002 - Je réalise pleins de rêves :je monte des projets d'écritures scenaristiques avec mon maitre Christian Biegalski, je m'éclate dans des boulots sur des longs métrages, sur des spectacles, je filme des concerts, je vis entre Paris, Rhône-Alpes et Hyeres les Palmiers, je suis dans les préparatifs d’un très beau mariage, dans les préparatifs d’un très beau voyage avec ma douce (décollage en juillet pour un voyage de noce d’un an et demi à travers le monde). On est entre les deux premiers "Harry Potter", les deux premiers volets du "Seigneur des anneaux", entre le premier et le deuxième chapitre de "Starwars", bref c'est comme si il y avait quelque chose de déjà écrit dans l'air... La victoire à la coupe du monde 98 a laissé l'empreinte d'une France « Black, blanc, beur » dont le succés de "Asterix et Obelix : mission Cleopatre" en fait une synthèse fun et éclatante... La vie est douce et passionnante et je suis avec beaucoup d'attention et de passion la campagne de Jospin. La confiance en l'éternel conflit entre les Socialistes et les républicains invite tous les électeurs à regarder la diversité des petits programmes (tous les copains me disent "de toute façon il y aura Chirac et Jospin au deuxième tour, alors autant voter comme on l'entend, faire entendre notre petite voix à ces deux gugus qui ne font rien pour nous alors qu'ils sont là depuis 2 ans !"). Pour autant, je me souviens avoir alarmé mes amis sur un possible monté du FN, du risque de ne pas bloquer le FN dès le premier tour, de l'importance de voter Jospin. Je me souviens aussi que personne ne voulait m'entendre. "September eleven" vient d'inviter l'insécurité dans les débats de cette présidentielle et Jospin, premier ministre depuis 2 ans, se prend les pieds dans le tapis de ce sujet. Il est quotidiennement ridiculisé dans le rôle de "Yoyo" (hommage à "ouioui" le jouet à grelot) dans les Guignols de l'info. J'adore le candidat désintéressé, modeste, bosseur et intello qu'est Jospin. Je saoule les copains avec son laboratoire de campagne. Rien y fait. Le premier tour est sans appel, et Chirac renouvelle son mandat avec le score historique de 82.21% un véritable front anti FN rassemblant toutes les couleurs politiques.

2007 - Je suis homme au foyer à Bagnols sur Cèze. Je vais bientôt être le papa de mon deuxième fils (je m'occupe quotidiennement du premier qui a un peu plus d'un an pendant que la maman travaille à la cave coopérative). Trop occupé par la vie de famille, je ne sais plus ce qu'il se passe au cinéma, si ce n'est "une vérité qui dérange" avec Al Gore. Une très grande claque dans mon rapport à l'écologie. Je commence à suivre quelques séries comme "Lost" ou "Dexter". J'ai enterré tout projet d'écriture (après l'écriture de deux comédies de long métrage). C'est une page lourde qui se tourne avec la disparition de mon grand professeur d'écriture cinématographique qui souhaiter me maitre le pied à l'étrier. Pas toujours facile de réaliser ses rêves. Je profite des heures de siestes du petit pour créer tv16, la Téléweb du Gard Rhodanien avec une bande de copain. Je ressens une profonde empathie pour le travail colossal de femme au foyer. Ça tombe bien, une femme s'invite aux élections présidentielles. Je suis hyper enthousiaste, d'autant qu'elle porte des valeurs qui me parlent. Pour autant j'ai vraiment du mal à l'imaginer gagnant face à Sarkozy. En 2003 j'avais vu l'émission pendant laquelle il avait lancé son "j'y pense, pas seulement en me rasant". Je me souviens avoir été troublé par cette émission, Cet homme de droite m'avait séduit : il apparaissait comme le grand renouveau tant attendu, présentant une France métissé où il se sentait bien, à l'aise dans tous les sujets, vif et très sûr de lui. Un vrai bulldozer. Un faiseur de buzz avec sa campagne à coup de Kärcher. J'ai trouvé l'homme très fort mais le projet était tout sauf ce qui me parle : draguant les électeurs du FN avec un naturel déconcertant, affichant ses richesses et son carnet d'adresse avec une arrogance crasse. Plus Ségolène Royal s'affichait dans les pages de Gala, moins je l'imaginais sortant vainqueur d'un ring face à Nicolas Sarkozy. Je faisait ce calcul : Avec Bayrou au deuxième tour, les électeurs de gauche voterait pour lui et il y aurait une chance de voir arriver un semblant de projet social alors qu'avec Royal au deuxième tour, les électeurs de Bayrou allait se tourner vers Sarkozy. J'ai voter Bayrou, dans mon coin. Sans trop embeter mes copains avec ça. J'avais peut-être raison. Personne ne peut le savoir puisque Sarkozy fait la fête au Fouquet's avec tous ses copains du show biz et des grands groupes du cac40. Il file sur le yacht de Vincent Bolloré, il s'augmente de 170%, il drague Carla Bruni à EuroDisney... Bref c'est le début d'un feuilleton étourdissant, et il ne se passera pas une journée sans lire le mot Sarkozy dans les journaux pendant un bon moment...

2012 - Je vis avec la petite famille dans une belle petite maison dans le bassin chambérien où j'ai retrouvé pleins de copains et toute la famille pas loin. Je rencontre aussi tout une bande de potes à travers les activités des enfants. Je participe à nombre d'aventures en France ou à travers le monde avec les oeuvres de Scenocosmes, avec les ballons d'Aerosculpture, avec les tournages qui passent dans la région, les aventures théâtrales où on m'invite, les créations vidéo... Je suis le "témoin vidéo" du projet d'échange entre la compagnie de théâtre chambérienne "les yeux gourmands" et la compagnie allemande "Pilkentafel" (belle aventure pleine d'espoir dans une Europe belle et unifiée qui se conclura dans les larmes l'année suivante avec des choix difficiles et un douloureux constat : non, notre politique culturelle n'est pas soluble dans l'Europe). Je viens de visionner d'un bloc les 5 saisons de "The Wire", je suis accro à la saison 6 de "Dexter", la saison 5 de "Mad Men", la deuxième saison de "Game of thrones", de "Borgen", Je découvre "Les revenants", "Homeland"... C'est aussi l'époque où je rigole aux very bad blagues du Palma show, aux "faces caméra" de Norman ou Cyprien ou aux rediffusions de la série « Bref ». Pour moi ça fait longtemps que plus rien ne se passe à la télévision, mais sur internet via les flux Facebook, les replays, les chaines Youtube ou les articles dans les pages internet des grands médias et particulièrement Médiapart...

On a eu l'affaire du Sofitel de New York, au moment où DSK aurait pu être le digne représentant de la gauche (puisqu'au prestigieux poste de directeur du FMI).

Je me souviens que j'avais été très énervé par les primaires écologiques. Je rêvais d'un pays novateur avec un chef de l'état vert pour mener la politique des enjeux les plus importants de notre société et j'en voulait terriblement aux électeurs d'Europe Ecologie de ne pas avoir eu l'intelligence de reconnaitre l'utile popularité d'un Nicolas Hulot. Je suis très très fan d'Eva Joly mais avec on accent norvégien et le fait qu'aucun français ne l'a connaissait quelques mois avant les élections (ou disons qu'1% des français la connaissait pour être gentil) elle partait totalement disqualifiée. C'était l'époque de "putain Marine Lepen" de Philippe katherine.

Très inquiet par la campagne "propre" et décomplexée de Marine Lepen (qui laisse imaginer une catastrophe digne de 2002), je décide de faire un mot alarmant pour soutenir le vote de François Hollande dans ma carte de vœux début janvier. Je découvrirais avec les résultats du premier tour que je ne suis pas le seul à avoir réfléchi comme ça. Malgré une campagne orchestré dans les médias de ses amis Martin Bouygues (LCI, TF1, canal+), Bernard Arnault (M6), Arnauld Lagardère (259 journaux et magazines, NRJ), Serge Dassault (le Figaro), Vincent Bolloré (Direct8), beaucoup de français veulent en finir avec ce mandat bling bling survolté. C'est comme si les médias classiques ne tenait plus les rênes du scrutin. Beaucoup d'éléments tombent par des voix parallèle (facilité par internet) jusqu'à être forcée d'apparaitre dans le quotidien des grands médias : Il y a l'affaire Bettencourt, l'affaire du médiator, l'attentat de Karachi et puis le printemps arabe qui porte une lumière froide sur tous les "dictateurs" avec lesquels Sarkozy entretient d'excellentes relations (je mets des guillemets à dictateurs parce que certains cas sont plus complexes que d'autres). Tout cela explique peut-être le résultat du deuxième tour.

2017 - Je suis toujours dans ma maison en banlieue verte de Chambéry avec ma chouette petite famille. Toujours dans de superbes aventures humaines ou artistiques tout près de la maison ou à l'autre bout du monde. J'ai vibré devant les films "Demain", "Captain Fantastic", "Lalaland", "the Hateful8". Les séries "House of Cards" et "Homeland" ont dessiné dans mon cerveau une vision désabusé et désenchanté du monde politique. Et la récente élection de Donald Trump accentue cette sensation. J'ai été complètement anéanti par l'attentat à Charly hebdo, puis par celui du Bataclan. J'ai eu honte de voir à quel point la France ne se mobilisait pas comme en Allemagne pour venir en aide aux réfugiés. Peur de voir à quel point ces attentats portaient leurs fruits, sournoisement, dans la tête des Français qui ressentent un besoin de protection. Je sens que la voix Frontiste se banalise, que les "Quenelles" de Dieudonné créent un climat tendu à l'endroit de l'esprit critique. Que l'heure n'est plus à la légèreté mais à l'écoute sérieuse des paroles de Marine Lepen qui s'invite de plus en plus dans les médias. Ni les comiques Youtubers millionnaires, ni les Kev Adams et autre beau gosse tout droit sortie d'une quelconque téléréalité ne sont à la hauteur d'un Coluche ou d'un Guy Bedos. Pourtant malheureusement, ce sont eux qu'on entend partout, dans la vulgarité qui fait du Buzz d'un "touche pas à mon poste", dans les nightshow qui endorment les français. Bon en réalité je ne regarde pas assez la télé (quasiment jamais) pour pouvoir parler sereinement d'elle. Je crois qu'il se passe des choses très bien avec Yann Bartes, avec Catherine et Liliane. Quelques voix de France Inter (Charline Vanhoenacker, Nicole ferroni, Guillaume Meurice, Sofia Aram, Pierre Emmanuel barre...) tentent de faire baisser la pression qui monte ou d'éveiller des consciences. Mais qui les écoutent ?

Je suis chaque étape de ces campagnes présidentielles comme une série télévisée. Il faut dire que ça ne manque pas de rebondissements. Exit Sarko, Exit Juppé, Exit Hollande, Exit Montebourg, Exit Valls, l'affaire Fillon, le désengagement des cadors du PS pour leur candidat sortant. C'est un truc de dingue. Difficile, dans toutes ces primaires de ne pas voir des votes de sanctions, et non pas des votes d'adhésion. Tout ce fait par élimination. Comme si par leurs votes, les français disaient "non pas toi ! ni toi ! ni toi !". Du coup on peut difficilement parler d'une adhésion totale. Et les amis du PS le prouvent dans leur façon de défendre leur candidat... A force de rejeter les propositions qui sont faites, il ne reste pas beaucoup de candidats "bankable".

Tout ce texte est déjà dix fois trop longs mais pris dans l'élan, je balance les éléments qui me font préférer le projet et la façon de faire de la France insoumise.

Dans la balance, il y a l'envie de sortir des petits arrangements avec les enveloppes de fonctionnements, des lois votées entre soit (au profit des amis, souvent beaucoup plus riches que la plupart des électeurs, ou au profit de lobby qui ne recherchent pas forcément la solidarité, la fraternité et la bonne santé pour tous). En plus d'avoir discrédité le candidat, l'affaire Fillon a surtout mis sur la table l'indécence des fonctionnements de l'état vis à vis de l'extrême pauvreté des Français qui paient leurs impôts (c'est encore pire pour ceux qui ne le paie pas).

Dans la balance, il y a les catastrophes écologiques qui arrivent. On a tous applaudi l'accord historique des 195 pays de la cop21 à Paris en décembre 2015. Mais rien est précisé sur la mise en œuvre dans chaque pays. Chacun fait ça à sa sauce. Comme ça l'arrange. Sans trop parler d'urgence parce qu'il faut rester productif. Il ne faudrait pas freiner la croissance. Ne surtout pas ralentir la consommation, le grand moteur de notre civilisation. Oubliant totalement qu'avant le principe de consommation, le monde est agricole ! Tout sort de la terre ! Et que cette dernière s'épuise. Pour l'instant je ne trouve l'objectif des 1.5° que dans le programme d'un seul candidat à cette élection présidentielle... Et il veut même aller plus loin encore avec tout une série de mesures pour faire face à l'urgence climatique et notamment la régle verte.

Dans la balance, il y a l'agro business, qui détruit l'écosystème, la santé des consommateurs et celle des paysans (pesticides, gigantisme agricole qui aspire toutes les aident européennes, grande distribution qui impose les prix au point parfois de produire à perte). Et face à cela le projet de la france insoumise est d'une éclatante lucidité. Il est inspiré par des centaines d'initiatives à travers la France, dont l'exemple le plus populaire (avec le film "Nos enfants nous accuseront") est à Barjac avec un choix politique fort porté par le maire charismatique Edouard Chaulet.

Dans la balance, il y a la représentation du peuple avec une assemblée constituante que les nouvelles technologies rendent facilement réalisable.

Dans la balance il y a la défense d'une politique culturelle ambitieuse.

Dans la balance il y a un projet de sécurité national loin de l'affolement sécuritaire (inefficace et liberticide) mais garantissant un ordre public et une vertu civique.

Dans la balance, il y a l'évasion fiscale. je vais pas refaire tout les schémas très bien présentés par Datagueule : 60 à 80 milliards d'€ d'évasion fiscale en France par an. De quoi largement rembourser le trou de la sécu (10 milliards) ou n'importe quel projet ambitieux... Et seul la France insoumise propose une série de mesure pour reprendre le pouvoir au monde de la finance.

Dans la balance il y a toutes une série de projets présentés depuis l'automne dernier (issu de la synthèse de 3000 collaborateurs) et que l'actualité rend chaque jour plus pertinent : https://avenirencommun.fr/livrets-thematiques/

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