Hier mon papa me demandais "Alors ? Qu'est ce que tu en as pensé du Mélenchon ces derniers jours ?"
Sans trop y réfléchir je lui répondais que je trouvais qu'il avait été maladroit et irrespectueux à deux reprises en peu de temps (face à des officiers de justice assermentées et face à une journaliste tout aussi assermentée mais à la charte de Munich et avec un accent du sud ouest). Que J'étais déçu. Mais que bon il y avait pas de raison pour qu'il échappe aux contradictions qui traversent tous les hommes politiques. Qu'il vivait peut être mal ce hasard des calendriers (avec tout ça on a pas beaucoup parlé du nouveau gouvernement...)
Là dessus ma maman s’immisce dans la conversation en ajoutant qu'elle ne voyait plus trop où était la gauche à présent.
Dans les toilettes de la maison il y a longtemps eu un poster avec un poème appelé "mon coeur battra toujours à gauche". Pour situer l'héritage culturel... Il fallait décaler des robes de chambres pendues à la porte pour le lire. Autant dire que tous les invités savaient rapidement ou ils mettaient les pieds...
Je me souviens que je bloquais sur le coup de poing qui tient une rose en signature, et que j'ai longtemps associé ce dessin à ce que je comprenais du "flower power"...
Il y a presque pile 2 ans, je m'interrogeais à voix haute sur Facebook au sujet du choix que nous avions, au lendemain de l' élections de Fillon aux primaires républicaines. On était même pas encore dans le Peneloppe gate mais ça avait été l'occasion de faire de beaux échanges (plus de 200 commentaires avec un panel de copains très éclectique sous cette publication.
Et puis ça avait été le début sur mon mur de toute une une série de publications et d'interrogations qui parlaient beaucoup de politique. Au fur et à mesure, ces discussions m'avaient forcé à être plus précis, à bien lire avec attention tous les programmes, à mieux cerner les problématiques et les réponses de chacun, à bien écouter tous les candidats à gauche comme à gauche. Et au fil de ses analyses je me suis mis à apprécier et à défendre le programme des insoumis et le candidat Melenchon.
Je différencie distinctement les deux éléments qui m'ont séduit dans cette campagne des insoumis : d'un côté le programme que je continue à trouver le plus pertinent face aux enjeux sociaux et aux urgences écologiques, et d'un autre côté le personnage Mélenchon qui parle un français soutenu et intelligible, possede un grand talent d'orateur et n'a pas peur de se lancer dans la création d'une véritable chaîne YouTube (peu d'homme politiques ont compris comme lui le mécanisme audiovisuel et la sincérité que requiert ce type d'exercice, et beaucoup on arrêter leurs publications tout de suite après les résultats... alors que le Mélenchon se plie encore à l'exercice très régulièrement).

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Je pense à tout ça parce que je viens de finir la lecture d'une très belle bande dessinée qui a très peu de rapport avec le sujet. Mais il y a une scène qui m'a marqué et qui a réveillé quelque chose dans ma conscience politique. La bd s'appelle Eldorado (grand récit de Damien Cuvillier et Hélène Ferrarini - superbes dessins du même Damien Cuvillier - édition Futuropolis). Ça se deroule dans les grandes constructions industrielles du debut du 20eme siecle, dans une ville portuaire des Etats unis d'Amerique. Marcello, un jeune ouvrier plein de rêve et de poésie y perd un combat syndicale de très grande envergure et se fait arnaquer dans sa paie de licenciement.

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Dans la foulée il perd ensuite son projet de belle histoire d'amour en se retrouvant malgré lui dans un bateau pour l'Eldorado, un chantier perdu en Amérique latine où les conditions de travail sont encore pire que ce qu'il avait pu connaître. Il doit y travailler pour rembourser le trajet qu'il ne voulait pas faire.
Le jeune homme se réfugie dans la rédaction de lettres d'amour enflammées pour supporter ces conditions inhumaines.


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Et puis d'un seul coup, au milieu de ce cauchemar, il entend à côté de lui "c'est pas normal de bosser comme ça". Ce moment de connection avec son environnement (le reste du temps il est complètement abasourdi par sa situation irréel) reveille d'un seul coup sa flamme de porte parole et il se dresse pour brandir sa prose magnifique et hurler des revendications, comme il l'avait fait dans le passé. C'est une belle idée dans le récit parce qu'on est qu'au milieu de cette très grande bd (170 pages) et qu'on imagine tout de suite le soulèvement qui pourrait naître à ce moment là... mais l'élan s'éteint aussi vite qu'il est apparu. Personne n'a la force de faire quoique ce soit. Tous les ouvriers de cette prison industrielle se sont fait une raison. Ils le laissent parler sans trop y faire attention.Ils rient et boivent à côté de lui comme s'il était juste aussi saoul qu'eux. Il n'y a que le chef de chantier, à travers les volutes de fumée de son cigare, qui semble avoir un regard intéressé pour cet événement pathétique... sans doute se dit-il qu'il devrait se méfier de cet énergumène...
Cette scène d'une très grande intensité pourrait être lue de plusieurs manière.
Vous pourriez me dire "ton Mélenchon il nous saoule, c'est un peu comme ton Marcello. On n'a pas besoin de ça."
Pour moi ça a carrément provoqué l'effet inverse. Mais ce n'est pas l'énergie désespéré du syndicaliste qui me marque, c'est l'indiffèrence generale. Le désespoir ambiant. La soumission à une situation comme si elle était inéluctable.
Alors qu'en fait elle ne l'est pas. Nous somme juste coincés dans une position politique. Mais il y en a d'autres.

Si il n'y a pas des insoumis qui se soulèvent face aux detricotages des droits les plus élémentaires opérés par Le gouvernement actuel, mais alors qui s'insurge ? Lequel de nos représentant politique se dresse face à la montagnes de reformes (sécu, droit du travail, représentativité des syndicats...) que propose avec une efficacité redoutable l'équipe de Macron ? Qui défend un projet alternatif à cette façon de remplacer dans tous les domaines, les solidarités collectives par la responsabilité individuelle ? Solidarités collectives qui, soit dit en passant, ont été pour la plupart mises en place après guerre dans des situations où la France était beaucoup plus endettées qu'aujourd'hui (200% du PIB en 1945 contre 90% du PIB aujourd'hui - voir tableau joint qui vient de cette page france inflation).
Comment ne pas voir à ce point que ce sont les politiques d'entraide sociales qui sauvent l'économie de la France et non pas la productivité, les banques, les assurances et les grandes enseignes ? Comment ne pas voir à ce point que c'est la recherche désespérée du plein emploi (désespéré au point de donner des sommes affolantes aux patrons les plus mal intentionnés) qui détruit l'économie et la force de la France depuis les années 90.
Sommes nous à ce point anéantis que nous estimons qu'il soit inutile de réagir ? A l' images de ces ouvriers a bout de souffle au fond de l'Eldorado ?
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Cette bande dessinée est aussi traversée par des personnages muets qui sont les temoins de l'avancée de ce gigantesque chantier dans cet Eldorado.
Ce sont les quelques survivants autochtones de ce chantier dévastateurs. Ils sont magnifiques et silencieux. Ils avancent lentement au milieu des machines immenses. Ils vivent à leur rythme. Ils ne disent rien. Ils ne se battent pas. Ils voient disparaître leurs habitations. Ils voient mourir leur proches dans les explosions du chantier. Ils voient mourir les animaux dans leur immense forêt amazonienne. Ils regardent les ouvriers déverser des liquides noirs dans leurs rivières.
Ils sont silencieux comme ces ouvriers sont trop fatigués pour faire quoi que soit. De toute façon qui aurait il à faire ?
Peut être juste un autre projet ?
Une autre façon d imaginer la façon de vivre dans ce monde ? Je ne parle pas de vivre à l état sauvage. Mais simplement de penser écologie dans chacune des moindres actions politiques. Un peu comme dans le projet de la france insoumise. La situation écologique est trop alarmante. On ne peut plus se permettre de mandater un ambassadeur de l écologie juste pour faire bonne figure, sans lui donner les moyens de son action.
Bien-sûr je fais référence à Nicolas Hulot. Moi je le rêvais president de la république francaise en 2012, parce qu'on était déjà dans une urgence écologique et que j'estimais déjà que l'écologie devait s'inviter à la plus haute fonction de l'état. Mais Europe écologie les vert n'a pas aimé ses pubs 4x4 dans son magazine Ushuaia (ou sa trop grande popularité) et a préféré candidater Eva Joli. Même si je l'aimais beaucoup (je suis super fan) je ne pouvais pas perdre ma voix dans ce projet disqualifié d'avance (avec son accent qui rebutait au moindre interview)

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Il est trop tard aujourd'hi pour se permettre d'avoir des positions mesurées sur le glyphosate, le gaz de schistes, les pesticides, la surconsommation d'énergie, le réchauffement climatique. L'urgence climatique est une urgence ! Et pour moi seuls les insoumis avaient aux dernières présidentielles des réponses adaptées a cette urgence.
Donc oui j'ai les boules avec ces mots et ces gestes de trop de la part de Mélenchon. Mais oui je voterais encore pour lui. Comme pour Francois Ruffin ou clémentine Autain qui ont aussi pleins de qualités et de défauts tout comme Mélenchon. Et tout comme pleins d'autres hommes et femmes assez fous pour consacrer autant d'énergie dans le combat politique (j'avoue que je n'ai pas ce temps, pas cette disponibilité, pas ce coeur à m'investir... j'agis avec ce genre de publication et lorsque je vais voter, c'est ma façon à moi d'être citoyen).
Je préfère ce sanguin de Mélenchon à tous ces mous qui laisse mourir notre planète en préférant regarder les courbes de la croissance.
Je préfère ces insoumis défenseurs de notre planète et du vivre ensemble à tous ces dociles défenseurs du capitalisme roi.
J'ai peut être mieux répondu à ta question papa...
Bisous mon papa
Bisous ma maman
Et merci pour l'héritage. Je me demande quel poster je vais coller dans les toilettes...

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