Quand est-ce qu'il sera possible de comparer les dizaines de milliers de morts palestiniens (plus de 49 000 depuis le 7 octobre 2023) et les 1 205 israéliens tués (tout aussi condamnables) sans être taxé d'antisémite ?
Si on devait parler de "deux poids, deux mesures", ce serait au nom de quoi ? Qu'est ce qui fait que certains morts comptent plus que d'autres ? Comment le fait de montrer du doigt ces aberrations se transforme en taxation d'antisémitisme ?
C'est malheureusement très simple : la Macronie a tout à gagner dans le fait de montrer du doigt LFI avec les autres (avec le RN qui jubile).
On l'a vu hier dans une séquence surréaliste à l'Assemblée Nationale. Lorsque Darmanin y a dit : "il est vrai que certains dirigeants de la France insoumise ont de l'ambiguïté ou un problème avec l'antisémitisme".
Je me suis dit "oui leur problème c'est le fait qu'ils soient défendus par l'union juive française pour la paix mais condamnés par tous les autres qui préfèrent une autre solution que la paix à Gaza."
Aurore Berger, Bruno Retailleau et même François Bayrou se sont lâchés à l'Assemblée sur Mathilde Panot après qu'elle y déclarait que "garantir l'unité du peuple exige qu'on cesse la confusion" en déplorant que "ce samedi, le rabbin d'Orléans a été mordu, insulté et frappé devant son fils parce que juif". Incroyable réaction de toute une assemblée qui ne tolère pas qu'elle puisse apporter tout son soutien à ce rabbin.
C'est bien simple les insoumis ne peuvent plus ouvrir la bouche. La construction culturelle est telle que tout les accuse, quoi qu'ils fassent, quoi qu'ils disent. Même si tout ça est fondé sur rien et vient toujours du même endroit : la droite de la droite.
Avant les manifs, Antonin André disait à Ségolène Royal (qui a été super by the way) sur RTL que "LFI salissaient tout ce qu'ils touchent".
Mais qui voit de l'antisémitisme ou des juifs de partout ? D'où sort la polémique ?
Selon la commission nationale consultative des droits de l'homme, l'antisémitisme reste plus marqué à droite qu'à gauche en France. Mais ça personne n'en parle. ça risquerait de remettre en question le discours ambiant...
Il faut qu'on cesse les confusions, mais comment le faire dans un pays où le gouvernement en place relaie la désinformation d'extrême droite, construit une loi immigration sur le principe d'un hypothétique grand remplacement et lance une dissolution de l'assemblée le soir du score historique du RN.
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L'arrivée en Israël de Bardella et Marion Maréchal Lepen, aux cotés de pleins d'autres chefs de partis d'extrême droite, tous invités par le ministre israélien Amichai Chikli, devrait aider à ouvrir les yeux sur la bataille culturelle qu'est en train de gagner le RN. (comme on le voit dans cet article de la Croix titré "Jordan Bardella en Israël : pourquoi la conférence contre l'antisémitisme fait polémique.).
Mais est-ce que les gens ont envie de faire face à cette réalité ?
Face à ce rendez-vous des extrêmes droites en Israël le Conseil Représentatif des Institutions juives de France accuse le RN d'instrumentaliser la lutte contre l'antisémitisme.
Tu m'étonnes.
Et ce n'est d'ailleurs pas les seuls !
Cette bataille culturelle a commencé avec la banalisation du terme "Islamo-gauchisme". L'expression a été inventé en 2002 dans le livre "la nouvelle Judéophobie" du philosophe Pierre André Taguieff, connu pour avoir participé à la banalisation de l'extrême droite en participant à plusieurs publication sur "la nouvelle droite".
A la veille des élections presidentielles de 2017, le terme est devenu omniprésent dans les débats. Au nom d'une laïcité (avec l'aide notamment de Caroline Fourest) et de cette façon de montrer du doigt l'antisémitisme qu'à découvert l'Alt right française pour assumer son islamophobie (avec un Zemmour omni-présent sur tous les plateaux de tv avec sa théorie du grand remplacement), le terme devient une arme idéologique de stigmatisation.
La grande victoire de cette bataille idéologique a eu lieu le 14 février 2021 (comme quoi y a des St Valentin plus sympa que d'autres) : c'est l'enquête sur "l'islamo-gauchisme à l'université" qu'a mis en place la ministre de l'enseignement supérieur Frédérique Vidal.
Cinq mois plus tard, six enseignants chercheurs demandaient des comptes à leur ministre à propos de cette étude qui semblent n'avoir jamais été mise en place.
Mais peu importe, le mal a été fait. L'expression a gagné une crédibilité universitaire, même si ça ne se passe que dans la tête de ceux qui ont vu passer l'info. Qu'est-elle devenue d'ailleurs cette enquête ?
Je suis vraiment abasourdi par la façon dont ces idées et ces termes d'extrême droite sont acceptés avec autant de facilité.
Il ne s'agit de rien d'autre qu'une construction culturelle.
Non seulement, elle est terrifiante, mais en plus elle fait une autoroute idéologique et électorale à l'extrême droite.