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Billet de blog 28 février 2023

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Economie de l'art, mécénat et histoire dollar

Art et marché de l'art. Mécénat et culture pour tous. Histoire de l'art, histoire dollar. Suite à l'installation d'œuvres d'Art Numérique dans un musée aux Etats Unis (Telfair muséum à Savanah) voici quelques mots partagés sur "ces temples d'une culture qui a les moyen de me payer" (la remarque d'une amie)

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Illustration 1
Sérigraphie de Andy Warhol, Dollar Sign

On peut voir ces "temples de la culture" de plusieurs façons: d'un côté en regardant l'argent que touchent les artistes lors de la vente de leur œuvres. Une valeur qui est souvent revu à la hausse plus tard lorsque le nouveau propriétaire le revend et donc rarement dans l'intérêt de l'artiste qui la vendu en premier. Souvent cette valeur s'accroît d'ailleurs après la mort de l'artiste. L'artiste développe son art parce que ça a du sens pour lui. Rarement dans l'objectif de s'enrichir. Il passe sa vie à développer les outils et le contenu de son œuvre. En tout cas c'est souvent cette démarche qui construit la valeur de son travail. (Très rarement un simple projet spéculatif).

Dans le cas de ce musée il y a beaucoup d'artistes locaux qui vivent très mal de leur simple travail (d'après ce que m'ont expliqué les camarades qui ont monté l'expo avec moi).

L'ensemble de ce musée n'existe que grâce à des mécène qui défiscalisent une partie de leur richesse pour payer moins d'impôt.

Illustration 2
Telfait Museum, Savanah, Georgie, USA

D'ailleurs l'ensemble des 3 bâtiments Telfair est l'héritage de Marie Telfair (se retrouvant relativement jeune à la tête d'une fortune familiale, elle fonde un des premier musée des usa à Savannah fin 19eme pour y accrocher sa collection personnelle de peinture impressionnistes et naturalistes et les autres musées ont été ouverts e partie plus tard grâce à ce qu pouvait resté de cet immense héritage).

Il s'agit donc d'abord de richesse (économiques) personnelles que ce soit celle des collectionneurs, des fondateurs ou des mécènes.

Mais voilà une autre façon de regarder ces "temples de la culture" : ici presque tous ces musées sont gratuits. Des classes défilent tous les jours sans distinction d'origine sociale ou de handicap. Une armée de médiateur organise des ateliers et des visites en prenant le temps qu'il fait avec chacun. Harry qui m'accueillait m'expliquait qu'il essaie d'aller chercher tous ceux qui n'ont pas accès à cette culture. Ils organisent par exemple des workshop sur zoom avec des prisonniers.

Enfin bref toutes ces richesses (tout cet argent qui a permis de fabriquer ces musées, d'acquérir ces œuvres et de payer les gardiens, les curateurs, les techniciens les modérateurs et l'équipe administrative) sont offertes à la communauté. Et ça marche pareil en France avec un peu plus d'intervention de l'état (il y a aussi des mécènes en France mais beaucoup moins que dans le fonctionnement anglosaxon).

Cet écosystème je le trouve tout de même assez vertueux dans le sens où ça sert le plus grand monde. L'art y devient accessible pour tous plutôt qu'à destination de quelques privilégiés.

Il s'agit ici de la culture et des musées mais ça marche pareil dans d'autres domaines avec des ONG tel que l'Unicef qui reversent aux populations défavorisées des montagnes d'argents via des systèmes de mécénat et de défiscalisation.

C'est ce que j'appelle les "précipitations" dans le cycle naturel de l'économie (épisode 2 de papa vigere) : l'argent tombe du ciel via des systèmes de redistributions...

Bon tout ça c'est pas forcément pour tout défendre et tout cautionner mais au moins pour comprendre que tout n'est pas tout noir ou tout blanc. C'est toujours perfectible mais c'est quand même pas si pire au vu de la difficulté de tout rendre juste et équitable pour 8 milliard d êtres humains...

Tout ça m'évoque une autre question bien plus difficile : l'art serait-il ce qu'il est sans les très grandes fortunes qui s'y intéressent ?

Et très franchement je ne sais pas...

Ce qu'on connait de l'art, ce qui nous est accessible dans les musée, est indirectement accroché aux héritage, à l'esclavage, les colonisations, les publicités, les expropriations, les lobbyings ou l'obsolescence programmée. Enfin bref c'est ce "Business as usual" qui a permis l'achat de ces oeuvres et leur valorisation (qui nous incite à s'y interresser et nous permet d'y avoir accès) dans de tels musées...

C'est ce genre d'interrogations qui m'ont fait partir dans le voyage que je fais actuellement au pays de l'économie avec Papa Vigere. Enfin en vrai ça a d'abords été l'inaction face au réchauffement climatique qui m'a fait partir dans ce voyage, mais assez vite, j'ai halluciné sur les inégalités et les injustices du système économique.

Je me retrouve dans des séminaires organisés par la Banque de France, la chaire "économie du climat" de l'université Dauphine Paris, dans des visio avec le collège de France, avec l'Institut Rousseau ou avec les potes shifters professionnels dans le milieu bancaire ou la finance (et je ne cite que ceux qui sont réguliers parce que j'ouvre beaucoup d'autres portes, beaucoup d'autres livres, beaucoup d'autres journaux...).

A force de rentrer dans ces mondes de la haute finance au sujet duquel j'ignorais tout (et sur lesquels j'imaginais beaucoup de choses), je me mets à regarder tout ça autrement. A force d'essayer de comprendre comment ça marche, je me rends compte à quel point il est très compliqué de sortir de tout ce fonctionnement actuel car la finance ne fonctionne pas en vase clos (sauf dans des cas qui sont de plus en plus rares puisque condamné depuis la crise des subprime de 2008 suite au "cleanage" avec l'accord de Bâle III notamment). La finance n'est possible qu'avec de gros capitaux, donc avec des investisseurs riches (voire très très riches) et de ces investissements dépend l'activité de tous les autres acteurs économiques que sont les entreprises. Les entreprises permettent d'assurer les salaires de bon nombres de nos concitoyens mais ils permettent aussi toute la redistribution sociale (sécu, retraite, chomage, alloc diverses) et tous les impôts qui permettent d'avoir un budget pour la culture, pour l'éducation etc...

Si on ne devait compter que sur le budget permis par tous ceux qui reçoivent un salaire on verrait vite voir fondre les PIB et proportionnellement, tous les budgets reversés dans la culture et l'éducation.

Je dois donner l'impression de m'éloigner du sujet de départ mais en réalité tout est lié. Si il n'y a pas le patrimoine économique francais de 18 900 milliards d'euro, il n'y a pas le PIB de la France de 2 900 milliards d'euros (les deux chiffres sont ceux de 2021), et donc pas les (presque) 4 milliards d'euros dans le budget culture de l'état français (dans le spectacle vivant, l'enseignement artistique, les musées etc...).

Je me pose sincèrement la question de l'activité artistique dans un monde sans les grandes (ou petites) fortunes qui s'y intéressent.

Illustration 3
Grotte de Lascaux

OK il y a eu des peintures rupestres bien avant l'invention de l'activité économique. Mais il faut avouer que l'histoire de l'Art a régulièrement été tributaire du bon vouloir et des richesses des plus puissants. Qu'il s'agissent de rois, d'empereurs, de princes ou de chefs religieux. A présents ce sont leurs héritiers ou les "nouveaux riches" créateurs d'empires industriels ou numériques qui sont les nouveaux mécènes de tout ça.

Je me souviens du renouveau de l'art et du cinéma argentin qui devenait bouillonnant dans les cendres de l'énorme crise économique du début des années 2000 et j'aimerais croire que ça peut marcher comme ça, sans économie, dans le seul souffle de l'Art. Mais en réalité, ces artistes ont vite été très heureux de vendre leurs œuvres et de gagner leur vie avec...

Qui d'autres investirait ou achèterait le fruit de leur travail que ceux qui en ont les moyens ?

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