Un petit tour d'horizon du sujet, avec mes préconisations, alors que Nicolas Sarkozy a renié les engagements qu'il avait pris en abandonnant l'introduction d'une fiscalité écologique en France.
La taxe carbone
Pourquoi envisager une taxe carbone ?
En ce qui concerne la problématique environnementale, la science ignore toute idéologie et les informations qu’elle nous fournit sont totalement apolitiques : elles nous amènent à la conclusion que le problème du réchauffement climatique représente la plus grande menace pesant sur l’humanité.
C’est en tout cas l’avis de l’immense majorité des scientifiques, et de l’intégralité de ceux qui ont travaillé de manière approfondie sur le sujet au cours des dernières décennies.
En guise de résumé rapide de la situation : les études montrent que, du fait des émissions de gaz à effet de serre, il faut s’attendre à une poursuite du réchauffement qui irait selon les scénarios d’un peu moins de 2°C à plus de 6°C pour la température moyenne à l’échelle du globe. C'est-à-dire qu’on pourrait atteindre une différence de même ampleur que celle qui existe entre la température moyenne d’une ère glaciaire et celle d’aujourd’hui.
Dans le cas où l’on ne réagirait pas, cela aurait certainement de graves conséquences (désertifications, sécheresses, montée des eaux, inondations, refroidissements par perturbation des courants marins…) dont certaines sont déjà observables, bien qu’il soit difficile de prévoir l’ampleur qu’elles pourraient atteindre.
D’autre part, les scientifiques considèrent qu’au-delà d’un réchauffement de 2°C, le risque que surviennent des phénomènes d’emballement sur lesquelles nous n’aurions pas de prise augmente de façon exponentielle. Leur recommandation est donc de limiter ce réchauffement à 2°C, en réduisant par 4 des émissions d’ici 2050. C’est cet objectif qui a été fixé au niveau européen.
Au vu de l’importance et de l’ampleur de la tâche, tous les moyens politiques doivent être envisagés pour y parvenir. C’est pour cette raison que la question de la mise en place d’une taxe carbone doit être étudiée.
En quoi consisterait-elle ?
Par le passé, on a toujours considéré qu’émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne causait aucun dommage.
A présent que l’on sait que ce n’est pas le cas, il s’agit de mettre un prix à ces émissions, ce qui se matérialise par une taxe appliquée à la source des émissions, c'est-à-dire l’énergie. Un prix qui refléterait les dommages causées par ces émissions sur l’atmosphère selon le principe communément admis de « pollueur, payeur ».
Lorsque quelque chose de gratuit devient payant, sa demande diminue quasi-automatiquement (dans une proportion qui dépend de divers facteurs, c’est ce qu’on appelle l’ «élasticité-prix».
La commission Rocard, qui a travaillé sur la taxe carbone, a fixé un montant de départ de 34 euro par tonne de CO² émise. Pourquoi cette somme ? Parce que c’est le seuil à partir duquel les énergies moins émettrices deviennent rentables par rapport aux énergies les plus émettrices.
Ce signal prix doit pousser les entreprises et les ménages à orienter leurs choix de comportement de manière à diminuer la quantité de GES émise, c'est-à-dire la quantité d’énergie fossile utilisée.
Quels sont les inconvénients ?
Une taxe supplémentaire entraîne un coût supplémentaire, pour les entreprises comme pour les ménages.
- les entreprises françaises sont dans une situation de concurrence avec les entreprises étrangères. Toute charge pesant sur ses épaules la rend moins compétitive, et par conséquent une entreprise soumise à la taxe carbone est handicapée par rapport à une entreprise étrangère qui n’y serait pas soumise.
-Un grand nombre de ménages a déjà des difficultés à faire face au coût de la vie actuel. Toute augmentation des prix aura pour conséquence d’accroître ces difficultés. Cette taxe frapperait donc durement les ménages les plus pauvres.
Comment répondre à ces inconvénients ?
Pour les entreprises :
Tout d’abord, il est possible d’introduire la taxe carbone en remplacement d’une autre taxe. Ainsi, les charges sur le travail, qui augmentent lorsque l’entreprise créée des emplois, c'est-à-dire lorsque l’entreprise a un comportement positif, peuvent diminuer au profit d’une charge sur la pollution, qui au contraire sera s’autant plus lourde que l’entreprise n’est pas vertueuse pour l’environnement. Au final, on ferait donc en sorte que la fiscalité des entreprises incite davantage aux bons comportements, tout en ayant la possibilité de maintenir le total des charges constant.
Ensuite, il est possible que la taxe carbone améliore la compétitivité des entreprises françaises vis-à-vis des entreprises étrangères au lieu de la plomber : il suffit d’appliquer également une taxe carbone aux produits importés en France, afin là encore de pénaliser les produits à fort impact environnemental, plutôt que de leur permettre de profiter du fait qu’ils ne seraient pas soumis à cette taxe pour être moins cher que les produits français.
D’ailleurs la charge pèserait davantage sur les produits importés, puisque dans la majorité des cas, il faut les transporter sur de longues distances, ce qui augmente ses émissions de gaz à effet de serre, et donc induit une plus forte taxe carbone, donc un prix plus élevé. Les produits « locaux », et notamment français, gagnent donc en compétitivité grâce à cette taxe.
Cela pourrait donc inciter à une relocalisation de notre industrie, et donc ramener des emplois en France.
Pour les ménages :
La taxe a pour objet de rendre les produits et services peu émetteurs moins chers que les produits très émetteurs pour les ménages. Là où le prix des produits peu émetteurs peut tirer profit d’un transfert de charge pour les entreprises du travail vers le carbone, les produits et services très émetteurs, comme la voiture par exemple, peuvent être incontournable pour une partie des ménages. Des ménages dans une situation particulière comme une famille vivant dans une maison mal isolée, située en dehors du réseau de transports en commun, verront leurs factures augmenter fortement malgré tous leurs efforts.
Dans le but de permettre aux faibles revenus de faire face à cela, il est donc nécessaire d’employer les produits de la taxe à les aider à réduire la facture. Il est possible de :
- leur proposer de financer complètement des travaux de rénovation de l’habitat (isolation, autoproduction d’énergie renouvelable, renouvellement d’équipements)
- développer le réseau de transport en commun, inciter les entreprises à mettre en place des navettes d’entreprise, à développer le télétravail, à organiser de manière globale et efficace le covoiturage…
Ces mesures publiques se combineront avec l’évolution irrémédiable des entreprises qui pour répondre à la demande développeront des produits et services plus sobres en carbone (voitures plus légères, efficacité énergétique des équipements, diminution des emballages, relocalisation des productions…)
La taxe carbone, si elle s’accompagne de baisses d’autres charges, qu’elle est étendue aux importations, et que son produit est utilisé pour soutenir les plus démunis facilitera la transition vers une société sobre en carbone. En cela, elle fait partie des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à limiter le changement climatique et faire face en douceur à l’épuisement des ressources fossiles.
Une alternative : les quotas d’émission
Dans le but de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, un système alternatif consisterait à étendre le système de quotas d’émissions mis en place pour les grandes entreprises aux particuliers.
Ce système serait particulièrement lourd à mettre en place, mais aurait l’avantage d’être très efficace.
Comment fonctionne de système actuellement ?
L’Etat reçoit par l’Union Europe un objectif de réduction de ses émissions, et donc un « quota » global d’émissions à ne pas dépasser. L’Etat ensuite répartis ce montant entre les différents postes d’émissions, et notamment attribue des quotas aux grandes entreprises. Si une entreprise dépasse son quota, elle doit en acheter auprès d’une autre entreprise qui elle en dispose en excédent à un prix fixé par une bourse des marchés carbone. Cela garantie qu’au total l’ensemble des entreprises ne dépasse pas le montant d’émissions fixées au départ.
Comment étendre ce système aux particuliers ?
Il s’agit de quantifier les émissions globales du pays de manière à atteindre les objectifs conseillés par les scientifiques (établir par exemple une baisse annuelle de cette quantité de 2%), puis de diviser cette quantité par le nombre d’habitants. Chacun disposera donc de la même enveloppe d’émissions pour l’année. Ceux qui auront besoin de davantage devront acheter une partie des émissions d’un autre particulier, qui ne compte pas l’utiliser. Pour cela il faut mettre en place :
- une étiquette carbone précise, et certifiée, de tous les produits et services vendus, sans exception,
- un compte carbone personnel unique et obligatoire fonctionnant comme le compte bancaire et en parallèle de celui-ci, et qui serait débité lors de n’importe quel achat.
Ce système impacte beaucoup plus la vie quotidienne et nécessite beaucoup plus d’investissements que la taxe carbone. Il représente toutefois l’assurance d’un système plutôt équitable (le pouvoir d’émissions de chacun est nettement moins dépendant de ses revenus) et efficace au cas où tous les autres se révéleraient insuffisants.