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Billet de blog 8 sept. 2021

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Les dividendes versés en 2021 : une maigre compensation pour les investisseurs.

41 milliards d’euros. C'est le montant total des dividendes que vont percevoir, en 2021, les actionnaires du CAC40. Une hausse de 43 % par rapport à l'année dernière.

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Une hausse et un montant qui affolent la toile, à l’heure où l’économie est à l’arrêt distribuer des milliaires de dividendes apparait comme un jackpot injustifié.

BNP, Axa, Airbus, Engie, Michelin, ... Quel que soit le secteur d'activité, la pandémie de COVID-19 a rebattu les cartes. La plupart des entreprises françaises ont dû revoir leur politique de versements de dividendes sur l'année 2020. Certaines ont été contraintes de les annuler. (C'est le cas des banques à la demande de la Banque Centrale Européenne et des entreprises dont l'État est actionnaire.) D'autres les ont délibérément diminués pour conserver des liquidités, liquidités importantes en période d'incertitudes.

En 2020, 54,3 milliards étaient prévus, 28,6 milliards ont été distribués. Une année peu profitable pour les actionnaires du CAC 40. Dividendes en baisse accompagnés d’une chute des cours. (Le CAC 40 a perdu 7,14 %)

Et, les effets de la crise perdurent. Des secteurs d'activités sont toujours à l'arrêt (hôtellerie, aéronautique, ...). Les entreprises en gardent des séquelles. 41 milliards d’euros, c’est inférieur aux versements de 2018 et 2019. (42,7 milliards en 2018, 49,2 milliards en 2019).

Une baisse qui peut interroger les investisseurs. Les adeptes de la stratégie "Buy & Hold" doivent-ils changer leur fusil d'épaule ou au contraire, doivent-ils être rassurés par des entreprises agiles soucieuses de leur avenir et de leur développement ?

Le dividende : oui, mais pas à n'importe quel prix ?

Cet indicateur, nombre d'investisseurs y portent une attention toute particulière lors de la constitution de leur portefeuille. Et pour cause ! Historiquement, le dividende représente en moyenne près de 3 % de la performance boursière annuelle des entreprises.

Entre 1988 et 2018, le CAC 40, sans les dividendes réinvestis, enregistre une croissance annuelle de 5,1 %. Avec les dividendes, la performance passe à 8,5 %.

Ce dividende est une part des bénéfices reversés aux actionnaires. Une forme de rémunération fixe de leur capital investi, perçue trimestriellement (souvent aux États-Unis) ou annuellement (généralement en France).

Un indicateur majeur de la santé financière d'une entreprise, un véritable reflet des orientations stratégiques d'une société. Pourtant il n'est pas le seul, d'autres plus techniques comme le RSI permettent de générer des performances boursières, sauf que celles-ci sont liées à la variation de l'action. 

Entre rendement et valorisation, le cœur de l'investisseur balance...

Mais percevoir un dividende, c'est parfois un mauvais signal concernant la gouvernance d'une société...

Le dividende, signe de bonne santé.

Total, Diageo, L'Oréal, Nestlé, Coca Cola, IBM... En Europe, comme aux États-Unis, d’importantes sociétés valorisent leur politique de distributions de dividendes pour attirer des investisseurs en quête de rendement et de sécurité.

Et effectivement, des atouts, elles en possèdent.

 "Big cap" (capitalisation boursière supérieure à 3 millions d'euros), volume d'échanges élevé (au-delà de 5 millions de dollars), résultats financiers régulièrement excellents, ces entreprises dominent leur marché. Rentables et profitables au fil des années, elles peuvent verser régulièrement un dividende stable ou croissant. (Les entreprises dites “Dividend Aristroctats” offrent un dividende croissant sur plus de 25 ans.)

Cette régularité du dividende et la solidité des résultats financiers dans le temps témoignent de la qualité de la gouvernance. Les orientations stratégiques adoptées permettent à l'entreprise de rester compétitive quel que soit son environnement (facultés à s'adapter et à anticiper les attentes de leurs clients).

Une stratégie ”Buy & Hold” se révèle alors particulièrement efficace pour obtenir des revenus passifs tout en minimisant les risques inhérents à un investissement sur les marchés boursiers.

En cas de krach, ces grandes capitalisations sont suffisamment robustes pour résister et poursuivre le versement d'un dividende. Mieux, elles seront même les premières à profiter d'une remontée des cours.

C'est exactement ce qui s'est passé, le 9 novembre dernier, jour de l'annonce du vaccin Pfizer. Le CAC 40 bondit de 7,57 %.

Parmi les plus fortes hausses :

  • BNP Paribas, +17,98 % ;
  • Total, +15,07 % ;
  • Veolia, +8,18 % ;
  • Vinci, +18,95 %.
  • ...

Le dividende, un signal d'alarme.

À contrario, un rendement sur dividende "trop alléchant" doit amener l'investisseur à se méfier sérieusement.

Il est facile à calculer. C'est la valeur du dividende versée divisée par le cours de l'action au moment de l’achat.

Bien sûr, un retour sur investissement de 6 %, voire plus, attise la curiosité des épargnants à la recherche de rendements élevés, dans un environnement de taux bas.

Mais une valorisation boursière si basse, une telle méfiance de tous les acteurs du marché doit constituer un signal d'alarme. Surtout, si l'entreprise est la seule concernée dans son secteur d'activité. Il est probable qu’elle continue à verser des dividendes pour attirer de nouveaux investisseurs alors qu'elle ne réalise aucun bénéfice.

Tôt ou tard, elle devra réduire, voire couper sa distribution. L'épargnant possédera alors une valeur dans son portefeuille avec une moins-value latente et qui ne verse aucun dividende.

 2 solutions :

  • couper ses pertes, vendre à découvert pour réinvestir le capital sur une ou des action(s) plus intéressante(s) ;
  • espérer une hausse des cours. L'investissement supporte alors un coût d'opportunité.

Le cas du groupe Rallye.

C'est ce qui s'est passé avec le groupe Rallye (société mère des Groupes Casino et Go Sport).

De 2014 à 2020, la valeur du dividende ne cesse de baisser :

  • 2014 : 1,83 € ;
  • 2015 : 1,83 € ;
  • 2016 : 1,40 € ;
  • 2017 : 1,00 € ;
  • 2018 : 1,00 € ;
  • 2019 : 0 € ;
  • 2020 : 0 €.

 Parallèlement à la chute des cours, le rendement s’appréciait :

  • 30 juin 2014 : prix de l’action à 41,18 € (rendement sur dividende à 4,4 %) ;
  • 29 juin 2015 : prix de l’action à 26,23 € (rendement sur dividende à 6,9 %) ;
  • 27 juin 2016 : prix de l’action à 15,41 € (rendement sur dividende à 9 %) ;
  • 25 juin 2017 : prix de l’action à 10,05 € (rendement sur dividende à 9,9 %) ;
  • 29 juin 2018 : prix de l’action à 9,8 € (rendement sur dividende à 10,20 %) ;
  • 28 juin 2019 : prix de l’action à 7,02 € (rendement sur dividende à 0 %).

 Que s'est-Il passé ?

Peu d’argent généré depuis de nombreuses années, un endettement alourdi, des fonds spéculatifs à hauteur de 15 % du capital du groupe et un pari sur la baisse des cours, ont poussé le 23 mai 2019, Jean-Charles Naouri, le propriétaire du groupe Casino à entreprendre une procédure de sauvegarde. Un délai alloué pour restructurer la dette du groupe.

Le dividende de 2021: 41 milliards, une baisse qui s'explique.

Le dividende 2021 est distribué au titre de l'année 2020, année de la pandémie de COVID-19. Face à la prolifération du virus, le gouvernement français a adopté des mesures défavorables à la croissance économique (restrictions de circulation, couvre-feu, ...).

Des acteurs majeurs de l’économie nationale, comme l'aéronautique, sont toujours à l'arrêt.

En Haute-Garonne, siège d’Airbus, l’activité aéronautique a enregistré une perte de 10 % de ses effectifs salariés et de 33 % de son chiffre d'affaires.

Selon Philippe Robardey, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse et de Haute-Garonne "les perspectives industrielles devraient s'inverser, avec des prévisions en rebond de 11,8 %, mais les services associés ne connaîtraient pas ce retournement favorable de croissance et souffriraient d'une deuxième année de repli de leurs chiffres d’affaires (-4,1 %). Les emplois, eux, se contracteraient à nouveau, de 6,1 %".

Le groupe aéronautique et de défense a enregistré une perte nette de 1,1 milliard d'euros. Son excédent brut d'exploitation a chuté de 75 %. Des résultats financiers qui soulignent la violence de l'impact de la crise sanitaire. 

Et pourtant, ...

En 2019, la perte nette était de 1,4 milliard, pour un chiffre d'affaires de 70,5 milliards d'euros. Le résultat brut demeure en excédent avec 1,7 milliard d'euros. Le groupe limite les dégâts.

Lors d’une interview accordée au journal "Les Échos", le 18 février 2021, Guillaume Faury, Président Directeur Général d'Airbus déclarait :« Selon l'évolution de la pandémie et des restrictions de vols imposés par le gouvernement, nous imaginons un retour à la croissance entre 2023 et 2025 ».

Plan de restructuration, baisse de la production, destruction d'emplois, ... Des incertitudes pèsent sur le trafic aérien. L'entreprise s’adapte. Aucune distribution de dividendes à ses actionnaires. Une trésorerie conservée cruciale pour investir notamment dans la recherche et développement.

La situation d’Airbus n’est pas isolée.

En ce début d'année, les publications des résultats des entreprises du CAC 40 révèlent une chute de moitié des bénéfices pour l'année 2020.

La baisse des dividendes versés apparaît donc comme logique et surtout saine.

L'absence de dividendes n'est pas un mauvais signal.

Le CAC 40 a perdu 7 % l'année dernière. Les dividendes versés en 2020 et en 2021 baissent.

Les investisseurs n'ont pas profité pleinement de la dynamique de croissance, du rendement offerts par le marché actions au contraire. Si les chiffres paraissent colossaux, on comprend facilement que la baisse des dividendes associés à la baisse des cours constituent une année particulièrement difficile pour les actionnaires.

Doivent-ils quitter le marché boursier ? Doivent-ils s'inquiéter pour leur capital ? Pas forcément.

Internationalisation, recherche et développement, … Des entreprises conservent leurs bénéfices pour favoriser la croissance de leur activité. Cette croissance est le socle de bénéfices futurs qui se retrouveront dans le cours de bourse avec des plus-values possibles en cas de cession (une autre forme d'investissements gagnants) ou avec un retour des dividendes.

Une sortie des marchés actions pour absence ou réduction de dividendes, c'est :

  • se priver de la puissance des intérêts composés ;
  • payer inutilement des frais de transactions (ordres de ventes et d'achats) qui grèvent la performance d'un portefeuille.

Et puis sortir du marché, c’est très bien, mais pour investir sur quelles enveloppes fiscales :

  • les fonds en euros et les livrets réglementés ne rémunèrent pas ou peu. Pire, le capital investi perd du pouvoir d'achats avec l’inflation ;
  • les cryptomonnaies, c’est extrêmement volatil. Les risques de pertes en capital sont importants sur un marché uniquement réactif aux effets d'annonces et fondé exclusivement sur la confiance de ses investisseurs ;
  • l'immobilier n'est pas aussi accessible. Le manque de liquidité, un inconvénient certain.

De 1968 à 2018, la Bourse parisienne a connu, dividendes réinvestis, une croissance annuelle de 9,05 %.

De 1988 à 2018, la performance annuelle du CAC 40 a été 5,1 % sans les dividendes.

Albert Einstein résume parfaitement la situation : « L'intérêt composé est la huitième merveille du monde. Celui qui peut bien comprendre l’intérêt composé en bénéficie, celui qui ne le comprend pas... le paie

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