Le 6ème rapport de synthèse du GIEC le dit une fois de plus : il y a urgence à opérer une rupture écologique. Le climat se réchauffe à la vitesse des scénarios scientifiques les plus pessimistes, la biodiversité s’effondre partout dans le monde, les phénomènes extrêmes se multiplient, et les problèmes de santé liés à la dégradation de notre environnement touchent toujours plus d’entre nous. Réaliser la planification écologique, trouver l’équilibre avec la nature, c’est la grande aventure politique de notre génération. La jeunesse aspire à y prendre part car son avenir est en jeu, tout comme de plus en plus de Français.e.s qui voient émerger la société de crises, brutale et injuste, qu’ils lèguent à leurs enfants. Ces dernières années, selon tous les sondages, les enjeux écologiques sont d’ailleurs devenus l’une de leurs premières préoccupations.
Dans cette société de plus en plus instable qui émerge, qui pourra conduire cette aventure?
Ce ne sera pas les libéraux au pouvoir depuis dix ans, condamnés pour inaction climatique, dont la politique détruit l’environnement, récemment encore en promouvant les modes de pêches intensifs, et défait le contrat social, avec une réforme des retraites injuste et injustifiable. Non, ce ne sera pas l’extrême-droite qui nie le changement climatique ou la droite extrême qui ne veut pas en voir les conséquences. Tous feignent de ne pas comprendre qu’une croissance infinie dans un monde fini n’est pas possible, que la croissance repose sur l’extractivisme et augmente les pollutions, qu’elle détruit la planète. Tous promettent le désordre.
Militants de la cause écologiste, nous sommes convaincus que c’est à celles et ceux qui se revendiquent de l’écologie politique de conduire cette aventure. La responsabilité du parti écologiste ne se cantonne ni à la prise de conscience ni au rassemblement. Elle est de donner à la rupture écologique une majorité, de lui donner le pouvoir.
Un ordre écologique décroissant, démocratique et juste
Trop souvent, les écologistes sont réduits à des semeurs de trouble : donneurs d’alertes, ils se battent contre les OGM qui abîment la santé, la construction d’aéroports inutiles, ou le pari dangereux du nucléaire, dénonçant depuis le milieu du siècle dernier les défaillances de la modernité. C’est l’histoire de l’écologie dont les Français.e.s peuvent être fiers.
Les écologistes ne sont pas du côté du désordre. Ils sont l’ambition d’un nouvel ordre. Un ordre écologique décroissant, qui met fin à la destruction de la planète que nous habitons. Un ordre écologique juste, qui restaure l’équilibre dans la société, répond aux besoins de chacun.e, partage équitablement des ressources limitées, réduit les inégalités et pacifie la société. Un ordre écologiste démocratique qui assume l’équilibre des pouvoirs entre les institutions et ne confie pas toutes les responsabilités à un seul homme, donne une place aux représentants de la société civile, et favorise la participation des citoyen.ne.s à la vie politique.
La construction de ce nouvel ordre appelle des changements dans tous les domaines de la vie. Des changements qui ne reposent pas seulement sur des choix individuels mais imposent des décisions collectives. Certaines seront difficiles, comme la fin des énergies fossiles et de bien des usages que leur sont liés aujourd’hui, ou l’interdiction des pesticides dont dépend le modèle agricole actuel. Elles peuvent toutefois être porteuses de progrès, comme la mise en place d’un revenu universel, et la diminution du temps de travail, l’égalité entre toutes et tous, ou la fin de la publicité qui rend du temps à l’esprit.
Regagner la confiance des Français.e.s par la cohérence
Pour recevoir des Français.e.s le mandat de construire cet ordre, le parti écologiste ne doit pas seulement expliquer comment la rupture écologique se traduira dans leur vie, ce que fera la puissance publique pour accompagner celles et ceux qui en auront besoin, ou comment se répartira l’effort, il doit obtenir leur confiance.
Le défi est d’autant plus difficile dans un contexte de profonde défiance envers le monde politique, fruit de décennies de paroles non-tenues, de vœux pieux et d’adversaires oubliés : « Mon adversaire, c’est la finance » disait François Hollande, « Make our planet great again » disait Emmanuel Macron. À cela s’ajoutent tant d’affaires, dans des partis de gauche comme de droite, beaucoup n’étant jamais suivies de sanctions. Aujourd’hui, seuls 16% des Français.e.s font confiance à un parti politique [1]. Regagner cette confiance, et gagner par les urnes, cela demande une ligne claire, de faire preuve de cohérence avec ses valeurs, de savoir les incarner.
Le parti écologiste doit mieux s’affirmer ses valeurs dans la Nupes
Pour faire gagner l’écologie, nous pensons d’abord que le parti écologiste doit assumer ses valeurs et mieux les affirmer dans les alliances électorales auxquelles il participe. Dans la Nupes, elles sont pourtant mises à mal par les positions ambigües de ses alliés.
Les écologistes peuvent-il garder le silence quand leurs alliés préfèrent le bruit et la fureur à la démocratie, quand la France Insoumise – qui a forgé l’idée d’union populaire – crie au complot de l’extrême-droite, de la droite, du centre et finalement de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec elle lorsque sa candidate perd au suffrage universel? Les écologistes peuvent-ils garder le silence quand leurs alliés appellent à taxer le capital pour financer n’importe laquelle de leur promesse sans rechercher de modèle économique alternatif, ou quand ils proposent le gel du prix de l’essence sans évoquer le déploiement d’aucun mode de transport décarboné? Les écologistes peuvent-ils garder le silence quand leurs alliées, dont la vision de l’Europe est libérale ou nationale mais pas écologiste, suggèrent qu’ils pourraient faire liste commune aux élections européennes?
Ayons confiance en nos valeurs, la Nupes ne peut pas gagner sans l’écologie. Les écologistes peuvent imposer leurs conditions, qui doivent être celles de la rupture écologique : elle ne peut se faire ni contre les institutions ni contre le peuple, dont elle tire sa légitimé et qui en sont les outils. Pour nous, l’ambition de l’écologie politique doit être à la fois celle d’un projet radical de changement et celle d’une force politique de gouvernement.
Assumer pleinement la radicalité de nos idées
Pour faire gagner l’écologie, nous pensons aussi qu’il faut assumer jusqu’au bout la radicalité de nos idées, collectivement et individuellement.
La société française est encore marquée par de profondes inégalités entre les femmes et les hommes, et une large majorité de Français.e.s pensent que le chemin est encore long pour parvenir à l’égalité, notamment dans le domaine politique. Nous, écologistes, qui sommes par nature féministes, ne pouvons accepter qu’un Secrétaire National d’EELV multiplie des relations éphémères au sein de son parti alors qu’il est en position de pouvoir, comme s’il n’y avait pas de rapport d’autorité, comme si cela était du ressort de la vie privée, sans être sanctionné. Sinon comment être crédible en demandant la démission d’Adrien Quatennens?
Partout en Europe, de nombreux mouvements qui ressentent l’urgence écologique dans leur chair agissent sur le terrain pour empêcher les projets climaticides, à l’image des militants de Lützerath mobilisés contre l’extension de la mine de charbon de Garzweiler en Allemagne, ou des Soulèvements de la terre contre la construction d’une zone commerciale au triangle de Gonesse ou les méga-bassines dans les Deux-Sèvres. Leurs causes sont justes. Nous, écologistes, qui nous alarmons des dérives inadmissibles du maintien de l’ordre et des violences policières dont ils sont victimes, ne pouvons ni laisser criminaliser les écologistes, ni cautionner les méthodes violentes de certains manifestants. Sinon, comment être crédibles quand nous affirmons que l’écologie doit s’imposer démocratiquement?
Quand nous reconnaissons des droits au monde animal, et proposons de baisser la production de viande qui est l’une des premières sources d’émission de CO2, cela nous oblige à diminuer notre consommation personnelle et à cesser d’en tolérer le caractère subversif que certains lui attribuent dans les réseaux écologistes. Quand nous insistons à raison sur les émissions démesurées du transport aérien, et proposons des lois pour supprimer les petites lignes et interdire les jets privés, cela nous oblige à réduire nos déplacements en avion. Sinon comment être crédibles en demandant un effort aux Français.e.s?
Ayons confiance en nos valeurs, nous gagnons la bataille culturelle. Nous la gagnons à gauche. Nous pouvons la gagner dans la société. Il faut faire preuve de courage dans nos positions comme dans nos attitudes.
Le courage de nos idées
Nous, écologistes, sommes les héritiers d’une histoire qui lie la conscience du caractère naturel de l’homme chez Jean-Jacques Rousseau, la critique de la modernité de Jacques Ellul, le principe de responsabilité théorisé par Hans Jonas et l’espérance en la classe écologique de Bruno Latour. D’eux, nous tirons nos valeurs, une part de nos idées, la force de nos convictions, et notre engagement. Ils nous donnent le courage de regarder en face la catastrophe écologique en cours, et de chercher les ressources pour nous y attaquer. Nous ne sommes pas engagés seulement pour la joie réelle que nous avons à militer. Nous sommes engagés pour faire la rupture écologique.
Assumons la radicalité de l’écologie pour la faire gagner par les urnes.
[1] Source : enquête réalisée entre le 27 janvier et le 17 février 2023 par OpinionWay