Discours de la secrétaire en ouverture de réunion CCE sur la "Consultation sur le projet de Plan à soumettre à la Commission européenne par la direction générale du Trésor en application du protocole relatif à la mise en place de la garantie temporaire de l’Etat au profit du Crédit Immobilier de France", en présence de Thierry FRANCK, du comité exécutif et de tous les représentants du CCE et de leurs experts.
Discours de la secrétaire du Comité Central d’Entreprise
17 septembre 2013
Mesdames et Messieurs les élus, la direction, les administrateurs, les actionnaires et plus généralement, Mesdames et Messieurs les représentants de toutes les autorités publiques et politiques concernées par l’avenir des salariés du Crédit Immobilier de France,
Depuis le 28 août 2012, les salariés du Crédit Immobilier de France vivent dans la tourmente, et sont devenus, d’espoirs en déceptions, incollables sur les notions de rating, de faillite, d’adossement, de nationalisation, de SIEG, de Bridgebank, puis finalement de Résolution Ordonnée.
La « Résolution Ordonnée », un terme si politiquement correct, qu’il a permis aux fonctionnaires de l’Etat et, semble t-il également, à certains de nos politiques, d’occulter ou du moins d’oublier bien rapidement la réalité qu’il porte, à savoir la disparition de 2500 emplois et celle du principal acteur du financement du logement social.
Et aujourd’hui nous sommes réunis car, pour que le dossier soit bien propre, bien « ordonné » justement, il est demandé aux salariés, par la voie de leurs élus, d’accepter la disparition, présentée comme inéluctable, de leur entreprise.
Quelle ironie pour les élus, ne jamais avoir été une seule fois consultés dans la gestion de ce groupe, ne jamais avoir pu donner leur avis sur ses choix stratégiques, et finalement être tant sollicités à l’heure de sa disparition : « Dites-nous, Mesdames et Messieurs les élus, le projet de fermeture de votre entreprise, y êtes vous favorables ? Est-il bien écrit ? ».
Mais d’ailleurs, ce projet, qui l’a écrit ?
Le texte nous annonce très clairement que c’est le Comité de Suivi qui l’a écrit. C’est à dire le Trésor et le Commissaire du Gouvernement, et non la Direction du Crédit Immobilier de France. C’est ce qui aura été compliqué, c’est ce qui reste compliqué dans ce dossier, notre interlocuteur n’aura été ni le Trésor, ni le Gouvernement, mais une Direction qui, en l’espèce, ne sert que de boîte aux lettres et qui, lorsque les questions deviennent trop complexes, ou trop politiques, nous oppose le fait du Prince : le Trésor a décidé, et cela de manière arbitraire.
Mais dites-nous : n’aurions-nous pas été nationalisés à notre insu, sans en obtenir les avantages ?
Alors oui, bien sûr, nous avons été reçus par le Trésor. Ils sont à notre écoute. Ils sont rassurants : « Nous avons cherché tous les moyens de sauver le Crédit Immobilier de France. Hélas, trois fois hélas, il n’y avait pas d’autre solution que l’extinction ! Mais ne vous inquiétez pas, nous travaillons activement sur le reclassement de chacun. La Banque Postale et la FBF vont reprendre les salariés ». Et même si, à ce jour, la FBF n’a pris aucun engagement, aucune mesure en faveur des salariés du Crédit Immobilier de France, ne nous inquiétons pas : tout est sous contrôle.
Pourtant ce qui ressort avant tout de ces discussions, c’est que, pour le Trésor, l’extinction a toujours été la seule issue envisagée. Alors, on a fait l’exercice à l’envers, on est parti de la solution appelée Résolution ordonnée, et on a ensuite bâtit le développement et la justification de celle ci, en écartant systématiquement les autres options possibles.
Mais finalement, peut-on leur reprocher cette obstination à se débarrasser du Crédit Immobilier de France, quand nos propres dirigeants et administrateurs n’ont jamais pris la mesure de leurs prérogatives, n’ont jamais anticipé la fragilité du Groupe, n’ont jamais développé les solutions qui auraient pu assurer sa pérennité, ni jamais montré aucune considération pour les autorités de tutelle et pour l’Etat, donnant même le sentiment qu’ils mettaient un point d’honneur à être le plus possible en mauvais terme avec eux ?
Nous avons découvert, au fil des comptes-rendus de conseils d’administration, que chacun d’entre eux était là pour défendre ses intérêts avant ceux du Crédit Immobilier de France.
Mais comment pouvait-il en être autrement ?
Car finalement, après les expertises menées, et même si la Direction considère que nous avons fait de l’archéologie, nous nous apercevons que nous n’avions pas les bonnes personnes aux bons endroits. La consanguinité évidente de notre organisation, avec des directeurs généraux également administrateurs d’une, ou de plusieurs filiales, voire même administrateurs de la Holding, a fait qu’ils se tenaient tous, et tellement, qu’ils ne prenaient jamais aucune décision. Etouffé dans les conflits d’intérêts, le contre pouvoir qu’ils auraient du exercer à l’égard du PDG n’a finalement jamais existé.
Ainsi, tandis que le monde basculait dans une terrible crise financière, nos administrateurs s’en tenaient à discuter longuement de leurs dividendes, de leurs rémunérations, ou encore des assurances à mettre en place si par malheur leur responsabilité devait un jour être engagée.
Et les décisions stratégiques, celles qui témoignent de l’existence d’une gouvernance, où étaient elles prises ? Nulle part, en tous cas il n’en existe aucune trace.
Les marchés financiers ne se portent pas bien ? Qu’à cela ne tienne, les solutions trouvées seront les coupes budgétaires drastiques des frais généraux, et l’invention de nouveaux produits financiers autour de la titrisation. A aucun moment, semble-t-il, on a cherché à s’exonérer des marchés financiers, directement ou indirectement.
Ah si, pardon ! Il y a eu les tentatives d’adossement. Depuis 2006, un véritable poème!
Nul ne semble vraiment capable d’expliquer pourquoi ces tentatives n’ont pas fonctionné. Il n’y a aucune raison logique, rationnelle. Ni écrits, ni réponses. On nous suggère souvent que cela viendrait de notre ancien Président. Soit. Mais alors, qu’ont fait les administrateurs ? Les actionnaires ? Où étaient-ils ? Pourquoi ne trouve t-on pas dans les comptes-rendus des Conseils d’Administration et des Assemblées Générales, de réponses claires sur le sujet ?
Peut être tout simplement parce que ces personnes, dites responsables, n’ont jamais posé de question, ou ne se sont jamais posées de question.
Alors puisque visiblement, il y a différentes catégories de personnes responsables, je profite de la présence de Monsieur le Commissaire du Gouvernement pour poser la question au Président de la République, Monsieur Hollande. Vous qui affirmiez publiquement le 10 janvier dernier à nos collègues Bordelais : « la situation sera assurée pour chacun, j’en prends l’engagement » :
Monsieur le Président de la République, quelle responsabilité entendez vous réellement exercer à l’égard des salariés du Crédit Immobilier de France ?