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Billet de blog 6 juin 2010

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Les marchés sont des êtres humains

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un billet significatif de l'ACRIMED. Ne vous étonnez pas que je cite cette source, déjà ancienne, souvent austère (à l'image du site, immuable), laquelle produit régulièrement des analyses remarquables concernant les logiques dominantes des médias. Il y a quelques années, très influencé alors par l'esprit insufflé par Bourdieu ou Serge Halimi, j'avais proposé mes services à l'IEP de Paris, afin qu'on y enseigne la "théorie critique des médias".

Pour moi, le travail d'exégèse critique de la production "dominante" (celle qui vous influence quotidiennement et conforme votre pensée, la formate, notamment en matière économique) est une nécessité pratique. Or les sources ne sont pas infinies. Hors du champ bourdieusien, point de salut et c'est un peu décourageant.

Revenons-en aux faits. Pourquoi humanise-t'on ainsi les marchés ? L'acuité de la crise financière l'explique sans doute en partie, laquelle est le sujet de focalisation médiatique absolument éminent et dominant depuis 2008, dotée d'une intensité d'occurence jamais atteinte par d'autres "évènements" à l'ère contemporaine, à l'exception peut-être du 11 Septembre et de la politique anti-terroriste qui a fait suite.

Constat n°1: Les médias "dominants" ronronnent sans cesse autour de la crise financière et économique, et certainement pas pour développer un discours critique sur ses fondements mêmes, donc sur l'esprit du capitalisme.

Constat n°2: On n'a jamais autant parlé du "capitalisme" qu'à l'occasion de cette crise financière, comme si l'animal s'était tout d'un coup humanisé. C'est paradoxal car le "capitalisme" est un peu la chasse gardée des Gauchistes et autres marxistes échevelés. Le système médiatique et idéologique dominant, qui n'aime pas le vocabulaire de ses ennemis, préférait bien d'autres mots jugés convenables car académiques, neutres et non-marxistes: "économie de marché", "économie ouverte","économie libéralisée", "concurrence libre et non faussée", "les chefs d'entreprises et les actionnaires"...Mais aussi et surtout "les marchés"...

Constat n°3: Lesdits "marchés" n'ont pas disparu du langage médiatique dominant, loin s'en faut, mais ils se sont considérablement "humanisés". En quelque sorte, on les a "apprivoisés" à l'occasion de cette crise, alors qu'ils étaient admis jusqu'ici comme "force incontrôlable". Deus ex machina, les marchés sont devenus des êtres pensants, réfléchissants, humains, trop humains. Ils deviennent esprits dotés de volonté, d'exigences, d'attentes, d'espérances. On ne peut s'opposer à eux, comme le montre l'article d'Acrimed, en tant que les marchés ne sont plus qu'une force unitaire guère différente de l'esprit humain, et surtout qui vivent et évoluent aujourd'hui au milieu des hommes, parmi les hommes.

Conclusion: Les marchés financiers sont critiqués depuis des années pour leur caractère "impersonnel", "impératif" et "incompréhensibles". Le tour de force des journalistes économiques médiatiques (Touati, Ceux, Bouzou) et des penseurs omnipotents de notre temps (Attali, Minc...) et des entreprises médiatiques qui façonnent l'opinion (Le Monde, Les Echos, BFM Radio, La Tribune, France Inter, France Culture...) est d'avoir sû nous inculquer mieux et d'avantage l'esprit d'obéissance (nécéssaire) aux volontés autonomes et impératives des "marchés", en en faisant des entités vivantes et de proximité, dotées de fonctions organiques et de sentiments, comme vous et moi. On nous l'assure: les marchés ne sont pas des assassins: ils sont tenus de vivre en bonne intelligence avec nous et nous de les respecter, voire de les respecter comme nos semblables...

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