La question peut paraître à première vue débile car démagogique. Elle l'est dans une certaine mesure, si l'on considère que l'essentiel du pouvoir en France n'est pas détenu par les politiques mais par des actionnaires et dirigeants d'entreprises privées, bien mieux rétribués que des hommes politiques pas si bien rémunérés dans l'absolu
La question a été posée par Arlette Chabot, dans "A vous de juger" ? En l'occurence à Benoît Hamon et Eric Woerth. Et l'un a pouffé de rire et surtout de mépris devant une question aussi "démago" (Benoît Hamon), l'autre ne l'a pas jugé inintéréssate (Eric Woerth) et même, digne d'être étudiée, selon ses dires.
En effet, pour expliquer le scepticisme borné de Hamon, il est indéniable que c'est une idée de droite; si l'on considère que ce sont les Conservateurs britanniques (et plus précisément la volonté de David Cameron) qui ont brisé cette digue, en disposant, comme première mesure prise à leur arrivée au 10th, Downing Street, que les ministres du gouvernement seront diminués immédiatement de 5%.
En France, même le gouvernement Pierre Laval (qui avait pris des mesures anti-fonctionnaires drastiques en 1934-1935, jamais réitérées depuis lors et qui apparaissent incroyables rétrospectivement) n'y avait songé, aucun réformateur ou décideur n'ayant jamais pensé faisable (ni politiquement opportun, on le conçoit !) de diminuer les indemnités des parlementaires, élus territoriaux, et moins encore des ministres. Le Gouvernement de Vichy y compris, qui eut été une période et des circonstances propices: Pierre Laval ayant "monnayé' d'emblée le soutien et le vote des Parlementaires en faveur des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en contrepartie de la garantie de statuts maintenus...
Par ailleurs, serait-ce là une idée de droite courageuse et pourquoi apparaît-elle un impensé pour des élus de gauche, à commencer par les élus du PS ?
La raison est simple et pratique: un pourcentage écrasant d'élus (et de collaborateurs de ceux-ci) en France vivent de leur mandat et vivent leur mandat comme un moyen de gagner dignement et correctement leur vie. De mieux gagner leur vie, car leur indemnité apparaît souvent comme une source de revenu accessoire à un traitement de fonctionnaire ou à des revenus du capital, issus d'honoraires dans le cas d'avocat, de médecins... Certes, ce que je dis là exclut en principe les revenus des parlementaires en cours de mandat, lesquels sont supposés se consacrer à leur "full-time job" et ne percevoir que leur indemnité....Supposés...
L'enjeu politique d'une baisse des indemnités d'élus n'est pas enthousiasmant, j'en conviens. Cela paraît un faux enjeu et une source d'économies pour les budgets publics au total bien faible, quelque chose de symbolique. Pourtant, la Révolution française et les divers avatars des révolutions du 19ème siècle ont montré l'importance de tels symboles dès lors que les pouvoirs se crispent. Louis XVI n'est-il pas tombé définitivement parce qu'il refusait symboliquement en dernière analyse d'endosser un symbole républicain ?
La classe politique française aurait tort de se crisper si le débat devient d'actualité. Il est fort à parier qu'il se posera tôt ou tard en des termes très crus, s'agissant des ministres puis d'autres responsables politiques...