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Un.e habitant.e du monde et donc un.e Apatride et pour me parler, il suffit de m'écrire.

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Billet de blog 9 janvier 2025

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Désertification, témoignage

Ici, dans ma campagne, il pleut. Il pleut et il pleut encore, quand ailleurs, dans d'autres contrées, tout se dessèche.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La pluie ravine les champs. La terre, par avance déjà bien essorée par son exploitation insensée, est lavée et re-lavée, encore et encore.

L'eau qui coule dans les fossés est toute chargée de cette terre. Les fossés débordent sur les routes, et il pleut encore et encore. Les surface des champs labourés sont parsemées de cailloux. On les croirait posés là, bien en évidence. Trop gros pour être emportés par la pluie, ils restent posés là, multitude de points blancs sur ces champs, en témoins inertes de la disparition de la terre, qui avant ces pluies incessantes les englobait.

La terre est morte, tuée. Plus de vie microbienne, bactérienne. Les engrais chimiques et les produits de traitement l'ont réduite à un état de substrat inerte, sur lequel ne peut plus pousser naturellement que les adventices et autres végétaux colonisateurs, qui eux ne demandent presque rien. En l'état, pas plus qu'à nous nourrir, elle n'a plus de capacité à éponger les eaux. Celles-ci coulent et ruissellent, emportant chaque fois plus de ce substrat empoisonné et désuni, désagrégé. 

Cette incapacité à éponger les pluies diluviennes ne permet plus aucune absorption de réserve digne de son nom. L'eau lave, ravine et s'écoule à flots continus.

Les remembrements, imposés au monde paysans au siècle passé, dévoilent année après année leurs méfaits. La multitude de champs s'est muée en plaines artificielles, qui ne retiennent plus rien. Et la biodiversité, autrefois bien "enracinée", s'appauvrit encore et encore, aussi bien dessus que dessous la surface de ces terres, devenues sols inertes. Les arbres des haies et des bosquets ont majoritairement été ramassés en tas. En immenses tas, agglomérés de terre, qui durant des jours et des jours se sont fait brulis charbonneux et fumants. En quelques années, les bulldozers ont plié les bocages. Ils les ont nivelés, rasés, arasés, repassés. Les haies et bosquets qui restent sont des proies bien faciles pour les tempêtes qui surviennent et grossissent sur ces surfaces désagrégées... Et, au son des tronçonneuses, elles continuent même de disparaitre encore ici où là, dédoublant alors parfois la surface des plaines. Certaines sont replantées, mais pour combien qui tombent ?

Les ruisseaux naturels, en méandres si jolis et vivants, se sont fait fossés et canaux rectilignes, parfois busés ici ou là. Les poissons, batraciens et autres habitant.es des mares naturelles ont disparu en même temps que leurs mares. Dans les airs, plus d'alouettes. Comme bien d'autres espèces d'oiseaux, elles ont disparu elles aussi, et il en va de même pour le monde des insectes. Sur les bords des chemins, les nuées de magnifiques papillons ne sont plus. Par-contre, nous sommes désormais confronté.es à de nouveaux arrivants, qui, ne rencontrant aucun prédateurs, parasitent aujourd'hui les chênes en se nourrissant de leurs tendres et premiers feuillages. Les ravages continuent, en séries...

Les multiples vergers nourriciers qui ponctuaient les bocages ont aussi disparu. Faisons feux de tous bois, et du même coup, des autonomies alimentaires, aussi variées que naturelles et gratuites.

Le macadam, indispensable à la mécanisation, a recouvert les chemins, aujourd'hui élargis, mais autrefois bordés de talus arborés, qui avaient, en plus de celui de clôture et d'hébergement de la vie animale, un rôle de rétention des terres et des eaux. Toujours ombragés, ils distribuaient alors les parcelles bocagères, entretenues et cultivées grâce à l'association des hommes et des chevaux ou des bovins de trait, ces derniers partis depuis longtemps vers les abattoirs les plus proches. Ce macadam a quant à lui été aspiré du ventre de la terre. Plus loin, beaucoup, beaucoup plus loin. Dans de titanesques réserves géologiques, dont le contenu s'est transformé en plastiques et en énergie polluantes et toxiques. En carburant afin de modeler le métal des tracteurs, puis pour les faire fonctionner. En énergie pour fabriquer les engrais chimiques et les poisons des traitements agricoles... En pollutions diverses, cancers et autres calamités, en montagnes d'argent, en désastre climatique, en remise en question de la survie même de nombres d'espèces vivantes qui parcouraient ou parcourent encore cette planète.

Voila d'où proviennent toutes ces pluies : de l'avidité capitaliste, où tout ce qui existe est définitivement changé/rationalisé en argent et en pouvoir d'oppression, de destruction. Ces pluies sont le reflet de ce qui, avant de lessiver la terre, a lessivé le monde paysan et ses millions de foyers, a lessivé les cerveaux de tous leurs savoirs ancestraux, a lessivé la solidarité des humain.es au profit de l'égoïsme et du désastre, des guerres allant croissantes. Et il me semble bien que cette rationalisation du vivant en désastre, ne cessera qu'avec l'ultime explosion nucléaire, qui finira bien par survenir, destinée à enfin marteler le clap de fin d'un long suicide, cruel et sanglant !

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