Comme le personnage de Jack Tanner qui brigue l'investiture démocrate dans Tanner '88 on va à la rencontre d’une foule de personnages, toutes classes sociales confondues, les histoires se télescopent, les idées qu’ils se font d’eux-mêmes, fantasmes et faux semblants, tout se mélange, on plonge le regard dans la grande fiction du rêve américain.
On retrace la carrière d’un sacré bonhomme, un esprit frondeur qui d’insuccès en malentendus n’a pourtant jamais cessé de tourner, qui a ferraillé toute sa vie avec les majors pour défendre farouchement son indépendance et une certaine idée du cinéma, la sienne, unique, celle d’un cinéma attaché au réel, où les choses arrivent comme par accident, où la réalité du tournage et la fiction se mêlent, où comme le dit Édouard Sivière l’important c’est de faire œuvre collective parce qu’un film n’est jamais fait avant qu’il ne soit tourné, chaque film est une occasion de capter le flux d’énergie qui circule dans le cadre et aux alentours, d’abattre les cloisons entre la plateau et les coulisses et pourquoi pas de propulser des personnages de fiction dans la réalité et filmer ce que ça provoque, pulvériser le factice et la bienséance, filmer pour de vrai, allumer la mèche et voir ce qui se passe !
Si comme moi vous connaissiez peu Robert Altman et ses films, à la lecture de ce livre vous allez l’adorer, vous ne jugerez plus que par lui, le nouvel Hollywood, c’est Altman et puis les autres !
De réussites éclatantes en films controversés, de courts-métrages en séries télés, pièces de théâtre, opéra, films de vacances, on roule sans se retourner jusqu’au Théâtre de Saint Paul dans le Minnesota pour l’ultime film, The last Show, au bout de la route on aura tout vu. Pas le temps d’essuyer une larme qu’Édouard se retourne déjà sur le chemin parcouru pour en dresser une carte, en saisir les contours et en révéler les grands axes.
Faire du cinéma c’est l’art d’aimer la vie, Robert Altman excellait dans cet art, Édouard doit l’aimer tout autant pour en parler si bien.
Son regard nous entraîne à y voir plus clair, regard tendu, loin, très loin au delà du rivage, regard tourné vers le miroitement d’une œuvre.
Bonne lecture. Bonne séance !
Thomas G.