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Billet de blog 25 avril 2018

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Sauvons le cinéma le Colisée de Carcassonne!

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Mardi 17 avril, les cinéphiles carcassonnais.e.s ont appris avec choc et émotion la fermeture du cinéma le Colisée pour le 30 juin 2018. L'annonce officielle de la fermeture par le groupe CGR (exploitant depuis fin 2017) et le propriétaire des murs n'est qu'un chapitre de plus dans le long historique des menaces qui pèsent sur le seul cinéma d'art et d'essai et de centre-ville de la préfecture audoise, 46 000 habitants.

Illustration 1

A plusieurs reprises depuis leur rachat par le groupe Cap' Cinéma en 2005 (racheté par CGR à la fin de l'année dernière) et l'ouverture du multiplexe en périphérie en octobre 2007, les salles du Colisée furent menacées pour un ensemble de raisons complexes (absence de travaux de mise aux normes, vétusté des lieux, accessibilité au public handicapé, dialogue de sourds entre l'exploitant, le propriétaire et la municipalité, etc). Pourtant, elles forment un lieu culturel et un vecteur de lien social indispensables au centre-ville de Carcassonne, déserté des commerces au profit d'une multiplication des zones d'activités commerciales en périphérie et en proie à de grandes difficultés économiques. Ainsi, alors même que la ville compte la 7ème plus forte densité commerciale par habitant de France selon la base de données LSA Expert dans un article datant de fin 2013, les travaux pour le projet pharaonique Rocadest viennent de débuter...

Or, rien de tel qu'un lieu culturel pour participer au dynamisme de nos centre-villes. En effet, créé en 1914 dans le cadre de l'érection du grand hôtel Terminus dont il était initialement la salle de spectacles, le cinéma le Colisée accueille dans ses murs quelques 50 000 spectateurs.rices annuel.le.s désireux.ses de découvrir une programmation exceptionnelle concoctée depuis 2005 par Vanessa Ode et donnant à voir le cinéma dans sa diversité, des derniers Pedro Almodovar, Xavier Dolan, Céline Sciamma, Abderrahmane Sissako, Maiwenn, François Ozon, Maren Ade, Nanni Morretti, Andrea Arnold Christophe Honoré, Sofia Coppola, Nuri Bilge Ceylan, Emmanuelle Bercot Jacques Audiard, Valérie Donzelli, Apichatpong Weerasethakul, aux petits bijoux venus d'ici et d'ailleurs, d'Argentine et d'Uruguay, d'Algérie et de Palestine, d'Inde et du Vietnam, que l'on ne serait habituellement pas en mesure de découvrir dans d'autres villes de semblable importance. En cela, le Colisée n'a point à rougir de la programmation des meilleures salles art et essai de villes telles que Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Orléans, Tours, Lille, Nantes, Nîmes ou encore Avignon. 

Le Colisée, ce sont quatre salles (trois sont actuellement en exploitation) - dont la plus grande, à l'italienne, est considérée comme l'une des plus belles de France voire d'Europe - qui accueillent régulièrement en leur sein des associations et des collectifs locaux comme Les Amis du Cinoch (association de cinéphiles carcassonnais créée en 1987 suite à la fermeture du Cinoch' et assurant des séances hebdomadaires), les Amis du Monde diplomatique, Nature et Progrès Aude, Collectif Droit des Femmes, le Planning Familial, Biocoop, la Ligue des Droits de l'Homme, Amnesty International, la librairie Mots et cie, le Collectif pour une Transition Citoyenne et tant d'autres. Ce sont 10 000 jeunes qui, chaque année, viennent découvrir les trésors du 7ème art dans le cadre des dispositifs d'éducation à l'image que sont maternelle, école, collège et lycéens au cinéma. Ce sont de passionnantes soirées-débats, tantôt avec les collectifs sus-cités, tantôt dans le cadre de cycles tels que Psychanalyse et cinéma, tantôt encore avec des réalisateurs.rices comme Yves Jeuland, François Ruffin, Denis Côté, Gabriel le Bonnin, Claire Simon, Alanté Kavaïté, Reza Serkanian, Camille de Casabianca,  Aurélia Georges, Florence Moncorgé-Gabin, Alexandre Mourot, Rani Massalha, Matthieu Lietaert, Amina Weira, Guillaume Bodin, Olivier Azam venus à la rencontre du public carcassonnais et des environs pour de riches et mémorables échanges. Ce sont des films en avant-premières, des semaines et des quinzaines thématiques, dédiées aux cinémas italien, britannique, hispanophone, chinois (avec des ateliers de calligraphie, cuisine et coiffure lors de certaines éditions) et la participation à des événements locaux tels que Futuring, Des mots, des bulles, des pellicules, Femmes en jeu(x). C'est également une programmation spécifique à l'attention du jeune public, la diffusion hebdomadaire de films du patrimoine, des classements art et essai, jeune public, recherche et découverte, ainsi que la détention du label Europa Cinémas. 

Le Colisée, c'est également une équipe de trois personnes, avec à sa tête Maitée Castres, qui se bat depuis des années et des années pour faire vivre ce cinéma pour lequel existent de véritables projets (rénovation des salles, espace café pour favoriser les échanges et les discussions après les séances, accueil d'un coin librairie...). Qu'en sera t-il de l'avenir professionnel de ces infatigables passionnés et résistants si le Colisée vient à fermer? 

Illustration 2

 La Clef (Paris 5ème) il y a quelques jours, le Saint-Lazare Pasquier (Paris 8ème) et le Bastille (Paris 12ème - rouvert depuis sous l'égide de MK2) en 2016, le Melville (Rouen), le Lapérouse (Albi), ... combien de cinémas d'art et d'essai de centre-villes devront-ils fermer leurs portes avant qu'exploitants (je ne parle bien évidemment pas ici des nombreux indépendants et des associations pour qui la défense du cinéma dans sa diversité et le partage de cette passion commune est un insubmersible combat du quotidien) et pouvoirs publics - locaux et nationaux, le ministère de la culture en tête - ne réagissent et prennent collectivement leurs responsabilités? Stupéfaits, les carcassonnais.e.s assistent depuis maintenant dix ans à une incessante partie de billard par voie de presse entre l'exploitant (Cap' Cinéma jusque fin 2017, puis CGR), le propriétaire de l'immeuble (Jean-Paul Schaeffer, gérant de la société Hôtels du Soleil-Terminus qui, lorsqu'il racheta l'immeuble en 2011, ne fit pas mystère de son intention d'étendre son hôtel quatre étoiles sur une partie des salles du Colisée...), et la Ville de Carcassonne. D'un côté, l'ancien exploitant n'a pas réalisé les travaux nécessaires, laissant filer la note de ces derniers, d'entre 400 000 et 600 000 euros il y a quatre ans à 1.3 millions d'euros estimés aujourd'hui que le nouvel exploitant, CGR, refuse d'investir dans les murs du Colisée du fait de leur montant, alors même que des négociations seraient actuellement en cours pour la vente de l'immeuble. D'un autre, la ville de Carcassonne qui, si elle participe aux destinées du Colisée à travers une subvention annuelle de 26 000 euros (plus 5500 euros à destination du dispositif "école et cinéma") et prétend avoir budgété 30 000 euros pour les travaux du Colisée dans le cadre de la loi Sueur, semble fermer la porte à la seule option alternative qui résiderait dans les murs de l'ancien cinéma l'Odéum. Fermé en 2007 lors de l'ouverture du multiplexe, l'Odéum fut racheté par la ville qui désirait initialement en faire un centre de congrès. Or, la parenthèse politique que fut le basculement de la mairie entre 2009 et 2014 (durant laquelle le projet de transfert des activités cinématographiques vers l'Odéum fut évoqué, mais le maire d’alors entreprit finalement de vendre le bâtiment à la fin de son mandat) et les travaux de désamiantage décidèrent l'actuel maire, Gérard Larrat, une première fois élu entre 2005 et 2009, à renoncer à son projet, au profit d'une maison des associations qui, quatre ans après son élection, n'a toujours pas été votée ni budgétée en conseil municipal et alors même que le nouveau centre de congrès inauguré l'année dernière est en mesure d'accueillir les associations carcassonnaises... 

La question n'est cependant pas tant de savoir à qui profite le crime du Colisée, mais plutôt celle de la mobilisation des carcassonnais.e.s pour sauver leur cinéma! Le maintien d'une offre cinématographique et culturelle diverse et plurielle est indispensable à Carcassonne, dont la Cité médiévale, l'un des monuments les plus visités de France, est classé au Patrimoine mondial de l'humanité à l'instar du Canal du Midi Une ville labellisée "Ville d'Art et d'Histoire" ne peut décemment pas perdre son seul cinéma de centre-ville, dont la programmation art et essai de grande qualité doit absolument se poursuivre que ce soit dans les murs actuels du Colisée ou dans d'autres, comme ceux de l'Odéum, alors même que les collectivités locales viennent d'annoncer l'organisation du premier Festival International du Film Politique à Carcassonne pour le mois de décembre prochain!

Pour sauver le cinéma d'art et d'essai et de centre-ville à Carcassonne, mobilisons-nous massivement, à travers la pétition en ligne mise en place par les Amis du Cinoch' (qui a déjà recueilli 4000 signatures environ - version papier incluse) et la page Facebook Sauvons le cinéma le Colisée de Carcassonne !

Le cinéma d'art et d'essai doit vivre à Carcassonne!

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