L'Italie subit actuellement une politique "sanitaire" dont les mesures essentielles sont la suspension de salaire, l'impossibilité de travailler ou de toucher une aide pour tous ceux qui n'ont pas accepté de prendre le vaccin, aux doses prescrites, des + de 50 ans aux personnels de l'instruction (écoles, lycées et université) en passant par les soignants, la police, l'armée... Salaires suspendus, refus de verser "l'assegno alimentare", cette partie du salaire attribuée même à ceux qui ont commis une grave infraction dans leur travail pour leur permettre de survivre, etc. L'économie italienne, du tourisme aux entreprises est bien malade. Le "gouvernement des meilleurs" avec Draghi à sa tête, a d'abord été encensé, car, on le sait, les "spécialistes" (de la finance!) comme M. Draghi ne font pas de politique mais appliquent des solutions techniques totalement neutres et tout aussi totalement fonctionnelles. Hélas, le roi est nu ou couvert d'oripeaux qui dissimulent de + en + mal une solide idéologie néolibérale dont quiconque connaissait le passé de M. Draghi ne pouvait douter un instant.
Dans ce contexte, les Universités, notamment leurs Présidents, tendent à interpréter les mesures gouvernementales avec une sévérité accrue contre toute humanité, mais également toute légitimité.
Voici, ci-dessous, la traduction de la lettre qui leur a été adressée et qui, à cette date, n'avait reçue aucune réponse des responsables universitaires alors même qu'elle était portée à l'attention de la commission budget de la Chambre des Députés italienne tant elle met clairement en évidence l'arbitraire et le danger de mesures dictées par de tout autres finalités que les soi-disant finalités sanitaires qui les justifieraient.
Objet : Lettre ouverte sur les problématiques liées à l’application du Décret-Loi 1/2022, N°1 : obligation vaccinale pour les travailleurs de l’Université
Madame la Présidente, Messieurs les Présidents, Mesdames les Directrices Générales, Messieurs les Directeurs Généraux, Mesdames et Messieurs les Directeurs, nous sommes un groupe de travailleurs/travailleuses des Universités di Florence, Pise et Sienne et des Instituts d’études supérieures de Toscane (personnel technique, administratif, bibliothécaires, Lecteurs, Maîtres de Conférences, Professeurs qui avons ouvert un échange à propos des implications sur le monde universitaire des politiques de gestion de la pandémie. Notre groupe comprend aussi bien des personnes vaccinées que des personnes non vaccinées, d’autres ont guéri de la maladie, d’autres encore ont été exemptées de vaccination.
Suite à l’émanation du Décret-Loi du 7 janvier 2022, n°1 qui a modifié l’article 4-ter du Décret-Loi du 1er avril 2021, n° 44 en étendant l’obligation vaccinale au personnel des Université, nous pensons nécessaire de partager avec vous certaines de nos observations sur des aspects critiques de ce Décret et sur les graves répercussions qui, à notre avis, en découlent. En tant que membres de ces Institutions, nous sommes très préoccupés par la fracture provoquée par les mesures gouvernementales de ces deux dernières années qui ont abouti à diviser le corps social, dans un moment particulièrement difficile à tous les égards.
La phase épidémique actuelle se caractérise par une diminution de la mortalité causée par le virus et par celle de sa dangerosité, due, vraisemblablement, tant à la circulation du nouveau variant Omicron qu’à la capacité partielle des vaccins de limiter les effets graves de la maladie Covid-19. La diminution des cas de mortalité est toutefois insidieuse car la diffusion de la contagion se fait sur de grands nombres ce qui peut avoir un sérieux impact sur le système sanitaire national lourdement redimensionné au cours des dernières années. Aussi, s’il nous semble prudent de ne pas relâcher notre attention, il nous semble également nécessaire de reconnaître que le vaccin est un instrument utile, mais qui ne permet pas de mettre fin à l’urgence si l’on considère, en particulier, sa capacité d’immunisation limitée comme, d’ailleurs, les industries pharmaceutiques et les agences de pharmacovigilance l’ont, elles-mêmes, mis en évidence. Les Décrets-Lois récents semblent, cependant, ignorer cet aspect et introduisent de manière directe ou indirecte l’obligation vaccinale pour des secteurs entiers de la population, y compris pour les phases d’âge les plus jeunes pour lesquelles le risque de développer des formes graves de la maladie Covid-19 est extrêmement faible comme le montrent les rapports de l’Institut Supérieur de la Santé italien. On ne trouve, en revanche aucune mention, dans les décrets, de stratégies de plus grande envergure qui pourraient inclure des dépistages répétés avec des autotests (comme c’est le cas au Royaume-Uni), des contrôles de l’aération des locaux, un recours étendu au télétravail là où cela est opportun et possible.
N’oublions pas, par ailleurs, que les vaccins administrés actuellement sont des médicaments encore en phase d’expérimentation étant donné que leur autorisation de mise sur le marché est « conditionnée » et provisoire sur la base du Règlement de la Commission Européenne n° 507/2006 du 29 mars 2006 qui s’applique expressément aux « médicaments » pour lesquels des données cliniques complètes sur leur sécurité et leur efficacité n’ont pas été entièrement fournies (cf. Paragraphe 2 in https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/comirnaty-epar-public-assessment-report_en.pdf) et que les preuves scientifiques quant à l’efficacité et la sécurité d’administrer des doses booster à des périodes rapprochées sont insuffisantes.
Ces aspects, unis à un manque de planification pour le moyen-long terme et d’une définition des paramètres qui permettraient de considérer que la phase de l’urgence Covid-19 est terminée rendent à la fois imprudente et préoccupante la stratégie d’extension de l’obligation du Super Green Pass.
En outre, la communication au sujet des vaccins est extrêmement variable et incohérente : on est passé de la promesse d’une immunité collective à l’évidence que le vaccin ne protège pas de la contagion ; d’un seul cycle vaccinal, à la nécessité d’une troisième et peut-être d’une quatrième dose. Entretemps, le Directeur Général de Pfizer a affirmé que la formule actuelle ne protège pas et qu’à partir de mars, une nouvelle version du vaccin qui protège de la variante Omicron sera disponible (https://www.cnbc.com/2022/01/10/covid-vaccine-pfizer-ceo-says-omicron-vaccine-will-be-ready-in-march.html).
En ce qui concerne, en l’espèce, l’extension de l’obligation vaccinale au personnel universitaire, on constate que la plus grande partie de nos structures se sont révélées des lieux sûrs où l’on n’a pas assisté à des dysfonctionnements didactiques, scientifiques ni administratifs causés par une diffusion incontrôlée de la contagion. Et ce, même quand les cours et une partie des autres activités ont été repris essentiellement en présence ce qui indique que la typologie et les activités professionnelles à l’intérieur de nos universités peuvent se dérouler de manière sûre et être modulées en fonction des phases épidémiques.
Pour toutes ces raisons, les mesures prévues par le Décret-Loi 1/2022 ne sont, selon nous, ni cohérentes ni proportionnées à la situation actuelle. En outre, la réglementation pourrait engendrer des conflits et accentuer les discriminations au sein de l’importante communauté universitaire. Ce nouveau décret empêchera ceux qui choisissent de pas se faire vacciner ou de ne pas renouveler leurs injections de travailler. Cette disposition aura non seulement de graves répercussions sociales et psychologiques qui pèseront sur la vie individuelle et familiale des travailleurs/travailleuses suspendus, y compris ceux qui arrivent au terme de leur vie professionnelle, mais elles auront également des retombées sur la formation des étudiants, sur la recherche et sur l’activité culturelle et administrative de nos universités.
Refuser « l’assegno alimentare » (part du salaire – pas plus de la moitié- concédée au travailleur en cas de suspension) qui est dispensé y compris à ceux qui ont été suspendus pour des raisons disciplinaires ou pour avoir commis des délits est une mesure inhumaine qui aggrave la mesure de suspension déjà attentatoire au droit au travail sur lequel repose notre Constitution. De plus, cela créera une évidente atteinte au droit à la vie privée dans la mesure où la suspension du travailleur mettra en évidence le fait qu’il n’est pas vacciné, révélant ainsi une donnée sensible.
Dans le climat de dialogue et de confrontation des idées sur lequel se fonde la vie de la communauté universitaire, nous sommes confiants et pensons sera possible d’instaurer une réflexion conjointe sur ces thèmes tellement cruciaux pour l’Université dans son ensemble et que vous voudrez bien prendre en considération la possibilité de ne pas appliquer de manière automatique le Décret-Loi 1/2022 dans la mesure où ce décret est en contradiction avec les normes nationales, européennes et internationales.
Nous savons qu’il est d’usage, pour les instances dirigeantes des institutions publiques, de se sentir obligées d’appliquer toute norme nouvelle sans pouvoir agir autrement. Toutefois, surtout dans des situations complexes, elles ont le droit et même le devoir de vérifier que les normes prescrites satisfont aux conditions qui les rendent légitimes. À cet égard, l’art. 28 de la Constitution dispose que : « Les fonctionnaires et les salariés de l’État et des institutions publiques sont directement responsables, selon les lois pénales, civiles et administratives, des actes accomplis en violation des droits. Dans ce cas, la responsabilité civile est étendue à l’État et aux institutions publiques. » Il existe donc une double responsabilité : une qui incombe à tout fonctionnaire et une à l’Administration. Le fonctionnaire est donc tenu d’évaluer attentivement la légitimité des mesures.
Ci-dessous, nous mettons en évidence les éléments du Décret-Loi 1/2022 dont la légitimité est discutable.
- Ledit Décret n’a pas encore été converti en loi alors qu’en vertu de l’art. 32 de la Constitution les obligations, en matière de santé, ne peuvent être réglementées que par des lois approuvées par le Parlement en voie définitive (« Nul ne peut être obligé à un traitement sanitaire déterminé sinon par disposition de la loi »). Le terme de « loi » ici ne peut que signifier une mesure législative adoptée par le Parlement au terme d’un débat démocratique ouvert et transparent ce qui, s’agissant des Décrets sur le Green Pass et sur le Super Green Pass, ne s’est pas produit, en Italie, jusqu’à ce jour.
- Même dans le cas où une telle loi serait adoptée par le Parlement, elle ne pourrait en aucun cas violer les limites imposées par le respect de la personne humaine comme l’établit ce même art. 32 de la Constitution (« La loi ne peut en aucun cas violer les limites imposées par le respect de la personne humaine »). L’application du décret préfigure, à nos yeux, une violation de ces limites en subordonnant à un traitement sanitaire la jouissance de droits fondamentaux au travail, à la subsistance et à la vie sociale.
- En matière de protection de la santé, l’art. 32 de la Constitution fait passer le droit individuel avant l’intérêt collectif (« La République protège la santé comme droit fondamental de l’individu et intérêt de la collectivité »). Une approche permanente de la Constitution, confirmée par une jurisprudence constante de la Cour Constitutionnelle a pour conséquence que la santé individuelle ne peut jamais être sacrifiée ni mise en danger dans l’optique de sauvegarder la santé collective. Étant donné que la prise des médicaments en question doit être considérée comme un acte irréversible, qu’il existe de nombreux signalements à propos d’effets indésirables, même graves, post-vaccination et que l’expérimentation en cette matière ne se conclura que fin 2023, il n’existe aucun élément permettant de considérer que le droit individuel à la santé soit protégé. En même temps, comme le vaccin ne garantit pas l’immunité, il subsiste également des doutes sur le fait que la politique vaccinale actuelle protège la santé collective.
- Les contenus du Décret sont également en contradiction avec les orientations formulées par les deux principales organisations internationales qui opèrent au niveau régional européen, le Conseil d’Europe et l’Union Européenne. Tous deux ont estimé nécessaire de rappeler la liberté de choix vaccinal dans le but de prévenir l’introduction de discriminations illicites entre personnes vaccinées et non vaccinées. Dans un premier temps, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est intervenue avec la résolution 2361/2021 du 27 janvier 2021 selon laquelle « nul ne doit subir de pressions politiques, sociales o ou autres pour se faire vacciner si il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement". Par la suite, L’Union Européenne est intervenue à son tour, avec le Règlement du Parlement européen et du Conseil 953/2021 du 14 juin 2021 qui affirme clairement, au considérant 36, que « Il y a lieu d’empêcher toute discrimination directe ou indirecte à l’encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées» y compris dans le cas spécifique où « elles ne souhaitent pas le faire ».
- Les agissements du gouvernement italien quand il adopte des mesures qui, de fait, poussent directement ou de manière déguisée un grand nombre de citoyens à prendre des médicaments encore expérimentaux tels que les vaccins anti Covid-19 sont en contradiction avec certains principes généraux des droits international et européen ainsi qu’avec des principes fondamentaux de la bioéthique ((CIEB, Parere sull’obbligatorietà del vaccino anti-Covid, 20 dicembre 2021. https://www.ecsel.org/wp-content/uploads/2021/12/I-Parere-CIEB.pdf), comme le principe de précaution tel qu’il a été formulé par la Déclaration de Rio de Janeiro, de 1992 e intégré au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; le principe du consentement éclairé, consacré par des instruments aussi bien de nature déontologique (le Code di Nuremberg, de 1947 et la Déclaration d’Helsinki, de 1964) que juridique (le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par l’Italie, en 1978) ; les principes de bienfaisance et de non malfaisance et celui d’accès équitable aux soins sanitaires auxquels s’inspire aussi la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine), signée à Oviedo, en 1997.
- Nous considérons qu’imposer la vaccination, sous peine de suspension de son travail et de perte de ses moyens de subsistance économiques représente une obligation injustifiée d’un point de vue sanitaire et, en tant que telle, passible de plainte auprès de la Cour Pénale Internationale comme acte de persécution à l’égard d’un groupe social identifiable, en l’occurrence, par son statut vaccinal (art. 7 du Statut de Rome).
Il n’est pas, enfin, inutile de rappeler que notre Constitution protège le droit à la santé, mais ne le place pas au-dessus du droit au travail et à l’instruction et encore moins au-dessus des libertés personnelles. Tous ces droits doivent être équilibrés. Bien entendu, l’épidémie doit être gérée avec des mesures adéquates, mais sans renoncer aux éléments essentiels de l’État de droit.
En conclusion, en raison de l’existence d’éléments permettant de considérer le Décret-Loi 1/2022 en contradiction manifeste avec le droit international, européen et constitutionnel, nous espérons que vous voudrez bien procéder, de manière urgente, à une évaluation de la possibilité de ne pas appliquer ledit décret.
Nous sommes disponibles pour travailler à la recherche de solutions idoines qui, tout en garantissant la sécurité évitent de graves difficultés et discriminations au sein la communauté universitaire, dans l’intérêt de tous ses membres.
Dans l’attente d’une réponse
Veuillez agréer nos salutations sincères
26 janvier 2022