Les jours passent successivement d’outrances en outrances, tel est notre nouveau fardeau politique contemporain.
Aujourd’hui c’est l’Algérie et notre histoire commune qui font également les frais de ce racisme systémique qui caractérise aussi, la France d’aujourd’hui, digne héritière de son passif colonial qu’elle refuse d’assumer.
Comment l’Algérie pourrait-elle accomplir sereinement son devoir mémoriel alors que la France se campe dans un déni empreint de colonialisme et de racisme primaire? Les deux notions sont intimement liées.
L’Allemagne a entrepris, à juste titre, de mettre en place une politique de dénazification et si le résultat peut être critiqué, la démarche n’en est pas moins importante.
Alors quoi ? Le peuple français pourrait se passer d’un tel travail sur les consciences, auprès de la jeunesse sans que cela ait de conséquence sur notre démocratie ?
Certains argueront que les Français ne se sont pas comportés comme les nazis et que ce n’est pas comparable. L’histoire nous dit le contraire et même si je ne suis pas un fervent de Jean-Michel Apathie, je lui reconnais le courage d’avoir mis les pieds dans le plat, lui qui a cité les centaines d’ « Oradour-sur-Glane » perpétrés en Algérie allant jusqu’à dire que les nazis s’étaient inspiré des Français.
La cohorte des conservateurs coloniaux n’en demandaient pas moins pour crier à l’outrage alors qu’en même temps Zemmour expliquait sur les plateaux de Bolloré les bienfaits de la colonisation en remerciant Bugeaud !
Le bon côté de ces polémiques, c’est qu’elles permettent à l’histoire de remettre les faits à leur place. Les témoignages de soldats français, de victimes, les archives et le travail des historiens circulent sur les réseaux sociaux et même si cette transmission peu académique épouse un format court accompagné de punch-lines, l’information est disponible pour celui qui s’y intéresse.
Les rodomontades de Bruno Retailleau sont exactement les mêmes que celles du député Lepen fraichement élu. La provocation méprisante à l’égard de l’Algérie et des Algériens a des relents coloniaux qui devraient nous alerter sur la fascisation de la politique française. Le parallèle n’est pas anodin, il est inquiétant.
Les cendres de l’OAS fumaient encore que le tortionnaire Lepen, amnistié par la Patrie, commençait sa carrière politique. L’homme était réputé en Algérie pour son savoir-faire et son goût pour la torture alors qu’il sévissait dans le 1er régiment étranger de parachutistes qui comme son nom l’indique accueillait des étrangers et notamment des anciens de la Waffen SS.
Le FN, qu’il a engendré, fondé aussi avec des collabos et des anciens de la Waffen SS est un parti de haine nationale qui a pu traverser la Ve République avec la complicité de tous ceux qui lui ont servi la soupe, souvent en faisant mine de le combattre. Que ce parti n'ait jamais été interdit est un camouflet aux valeurs de notre démocratie.
Ce sont les conséquences du refus de regarder notre histoire coloniale avec humilité et honnêteté.
Qu’il s’agisse de la France Afrique, du Maghreb, de la Lybie, de l’Irak, des Palestiniens mais aussi bien des Kanaks ou des Antillais, la politique Française affiche un racisme d’État, institutionnalisé par son histoire coloniale impérialiste et capitaliste.
J’ai la chance d’être Algéro-Limousin et loin de me sentir pris en étau, je revendique de pouvoir vivre harmonieusement avec ces deux cultures et dans les deux pays même si je vis aujourd’hui en France.
Les deux côtés de ma famille ont subi la guerre de l’Algérie, c’est le lot des enfants de couples mixtes de ma génération. Je n’ai pas à choisir entre mon père et ma mère, je suis le riche produit de la créolisation et c’est parce que je suis un inconditionnel de le Révolution française que je soutiens aussi l’indépendance de l’Algérie et son droit à la mémoire.
La France a consacré beaucoup de moyens pour que la Shoah soit enseignée pourquoi ne pas avoir consacré autant de moyens pour sa cicatrice algérienne ?
Je ne m’étendrai pas sur l’affaire Boualem Sansal qui agite tous les réactionnaires colons qui s'égosillent au nom de la liberté d’expression. Personne, à part la justice algérienne n’a le dossier d’inculpation, ni le détail de ce qui lui est reproché mais tous ont un avis sur la question. Personne n'envisage que le gouvernement algérien puisse avoir de sérieuses raisons...Ce sont forcément des dictateurs, des sauvages, ou que sais-je encore? Bref ils ne sont ni européens, ni catholiques, ni occidentaux...
Ils sont moins nombreux à s’indigner sur l’incarcération arbitraire et politique du leader indépendantiste Kanak, Christian Tein, pourquoi ? Parce qu’il ne défend pas le grand remplacement? Parce qu’il représente justement la lutte contre la fin d’un colonialisme français qui ne dit pas son nom ?
Ce sont les mêmes qui nient le génocide algérien d’hier, qui nient le génocide des Palestiniens d’aujourd’hui. La négation de l’histoire algérienne ou de celle des Palestiniens procède d’une même maladie, l’ignorance entretenue, et la classification des archives sensibles pour tenter d’oublier une histoire de France honteuse. Il est en effet temps de déclassifier et d’informer les citoyens de la réalité des faits, si horribles soient-ils, précisément.
Les cimetières algériens ont été vidés pour produire des engrais pour la production sucrière, la bataille d’Alger a servi de référence à la CIA pour l’exercice de la torture, notamment en Amérique du sud, l’armée française a commis de nombreux enfumages, arrosé de Napalm des villages de civils, procédé à des essais nucléaires, sans parler des viols, des assassinats de femmes, d’enfants , de personnes âgées.
La liste n’est pas exhaustive et elle nous impose une remise en question sur la politique de la France pendant 132 ans, cette histoire de France ne doit pas rester taboue, elle est maitresse dans la nécessaire évolution de la nouvelle sociologie française.