Nous aurions pu imaginer que le procès du Front National, pour détournement de fonds européens, connaisse une publicité médiatique sans précédent. Contre toute attente, les médias mainstream se sont contentés du minimum.
La candidate à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, qui risque une peine d’inéligibilité de cinq ans a donc échappé à la campagne de presse qu’elle méritait.
Quand il s’agit de Jean-Luc Mélenchon, le matraquage dure pendant des mois, pourtant il est irréprochable devant la loi.
Loin de l’indignation que ce procès devrait générer, les politiques de droite et d’extrême droite se relaient pour s’indigner du risque encouru par Marine Lepen et pour dénoncer le fait que la justice détienne le pouvoir de condamner une élue et future candidate.
Ainsi, Darmanin, Zemmour et autres Dupont-Aignan plaident en choeur pour qu’elle échappe à la loi même si elle est coupable, elle serait finalement trop importante politiquement pour être jugée comme une simple citoyenne.
Ces personnalités politiques nous considèrent comme des citoyens de seconde zone et ils refusent d’assumer les conséquences de leurs actes parce qu’ils estiment être plus importants que les autres pour le pays !
Au-delà de l’hubris et de la déconnexion, c’est une restauration des privilèges d’Ancien Régime qu’ils revendiquent.
Les mêmes qui exigent fermeté et application des peines pour les petits délinquants estiment que la loi ne doit pas s’appliquer aux délinquants en col blanc! Solidarité bourgeoise et idéologique loin des principes de droit élémentaires.
Ce procès est précisément un nouveau tournant dans notre vie politique et citoyenne. En pleine crise de régime, alors que Macron viole le résultat des urnes, il ne nous reste, avant les urnes, qu’une justice indépendante pour garantir un espoir de renouveau démocratique.
Nous n’oublions pas la parodie de procès de Dupont-Moretti acquitté parce que coupable à l’insu de son plein gré et nous n’avons d’autre choix que de poser la question de la solidité et de la santé de notre système judiciaire.
La question est de savoir si le traitement de cet affaire sera politique ou judiciaire. Si la loi est appliquée et que Marine Le Pen ne peut pas se présenter, nous serons rassurés : nul n’échappe à la loi.
Si ce n’était pas le cas, l’alliance entre le gouvernement Barnier et le RN prendrait une nouvelle dimension. Pourquoi le RN n’a-t-il pas encore fait tomber ce gouvernement ? Quel intérêt a-t-il à soutenir Macron ?
Y a-t-il un deal pour échapper à la condamnation en échange d’une alliance de circonstance ?
Quel est le réel pouvoir de l'exécutif sur le judiciaire?
D’ailleurs si elle est condamnée, il y a fort à parier que le gouvernement Barnier sautera avec elle!
Le tweet de soutien de Moussa Darmanin à Marine Le Pen est révélateur de ce rapport au pouvoir et à la justice.
Ils tremblent tous à l’idée que le RN perde sa candidate, pourquoi ?
Au-delà du privilège qu’ils pensent avoir devant la justice, ils craignent avant tout que cela profite au NFP et plus précisément aux insoumis.
Mais surtout, ils essaient d’avoir la main sur la justice, sur un des derniers contre-pouvoirs citoyens, comme ils l’ont fait avec les médias.
La justice devient un enjeu politique susceptible de remanier les cartes de l’élection présidentielle.
Elle a dans ce dossier un rôle déterminant pour la survie de notre démocratie et pour renforcer la confiance du peuple Français envers l’État de droit, dans une période de grande désillusion.
Jamais, en Ve République, nous n’avons subi autant de conflits d’intérêts en politique, de mises en examen et d’affaires scabreuses que sous le gouvernement Macron.
Le temps est révolu, où les hommes politiques démissionnaient après avoir été découverts et dénoncés par des journalistes indépendants .
Les citoyens médusés, choqués et résignés, assistent aux traitements privilégiés offerts aux élites politiques qui bénéficient d’arrangements de peine, à l’instar de Balkany ou Sarkozy.
L’un danse dans la rue sans vergogne alors qu’il devrait être incarcéré et l’autre écume les plateaux TV et fait la morale à tous, mais on n’est pas certain qu’il porte son bracelet électronique. Il s’y refuse officiellement même s’il est condamné !
L’opinion publique n’a plus de prise sur les hommes politiques. Les citoyens sont choqués mais aussi blasés par ces pratiques intégrées dans une normalité du dysfonctionnement du monde politique. Les affaires sont si nombreuses que l’impunité semble traditionnelle.
Quant aux médias, ils s’en prennent à la justice et à son rôle premier : faire appliquer la loi.
Pour des raisons manifestes, on n’attend pas de Bolloré qu’il défende l’indépendance de la justice et l’intransigeance de l’application des peines…il lui en coûterait !
L’impunité des hommes politiques pose la question de l’égalité entre citoyens et de l’indépendance de la justice en démocratie.
Il me semble que l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est précis :
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »
Le texte est lumineux et pourtant les citoyens Français assistent à des tentatives de plus en plus nombreuses du gouvernement Macron pour déstabiliser, orienter, voire contrôler le système judiciaire français et ce n’est certainement pas fondé sur l’utilité commune, mais plutôt sur des arrangements personnels.
Peut-être l’exemple de Trump, qui nomme les juges de la cour suprême, fait-il rêver la macronie et la droite en général, d’un pouvoir absolutiste pour une impunité absolue.
Nos dirigeants adhèrent à la démocratie et à ses valeurs uniquement en période électorale, nous en sommes réduits à ce degré de cynisme et de forfaiture.
L’enjeu de l’exemplarité de nos représentants politiques et la pertinence du mandat révocatoire que proposent les insoumis prennent toute leur dimension dans l'actualité d'une Ve République qui suffoque avant son dernier râle.
La condamnation de Marine Lepen à l’inéligibilité nous informera sur la réalité du contre-pouvoir potentiel de notre justice. Une condamnation à la Dupont-Moretti confirmerait à l’inverse, l’ingérence de l’exécutif et sa main mise sur les procès des « élites ».
La révolution citoyenne par les urnes serait alors notre dernier rempart.