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Billet de blog 3 octobre 2016

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Congo Kinshasa

Au Congo, vingts années de guerre, des viols comme arme de guerre, des cimetières, des mots enterrés Alors, une pensée pour panser les plaies.

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Le rejet de Kabila, manoeuvre pour main-d'oeuvre à bas prix ? Petite histoire d'un pays à "or noir"

La caverne d'Alibaba...

La République démocratique du Congo, pays quatre fois plus grand que la France possède une richesse incomparable, incroyable. C’est aussi l’objet des convoitises de beaucoup. Le pays détient des atouts indéniables sur le continent, mais il s’avère parfois que trop avoir n’est pas toujours préférable. Le Congo serait peut-être plus riche s’il était pauvre. C’est bien d’ailleurs le cas du Rwanda, 89 fois plus petit que son voisin et ne disposant pas de réserve de coltan, il en est pourtant le premier exportateur mondial en décembre 2014. La RDC, elle, au contraire détient 70% des réserves mondiales et son voisin n’hésite pas à venir s’approvisionner en toute tranquillité. Le coltan est notamment indispensable à la fabrication des puces de téléphones portables. Le Rwanda, profitent de ses occupations répétées pour piller les ressources du Congo et les revendre aux firmes multinationales. Mais le Congo ne détient pas seulement ce nouvel « or noir », il est riche en cuivre, or, diamant, étain, ivoire, caoutchouc. Ces nombreuses ressources sont essentielles dans bon nombre de domaines : le domaine militaire, l’industrie automobile, aérospatiale, les technologies électroniques, les joailleries…La région du Kivu, à l’est du Congo est la principale touchée par les massacres, mais aussi, le bassin principal de toutes ces ressources.

Faire du Congo un champ miné, le déstabiliser, pour que cet Etat faible ne puisse reprendre la main sur ces champs de minerais. Avoir la main sur ces ressources, c’est pouvoir s’approvisionner à faible coût, à bon frais. De même c’est barrer la route à tout concurrent, tout rival qui serait susceptible d’enrichir ses technologies, son armement. Les Etats Unis, l’Angleterre semblent prendre pour acquis ces réserves, réserves bien gardées. Non seulement, ils peuvent se servir dans cette grange occidentale, mais en plus, ils détiennent un certain monopole des réserves et empêchent des pays comme l’Iran, la Chine ou encore la Corée du Nord de s’enrichir en uranium et autres gourmandises militaires. C’est d’ailleurs ce qu’annonce un rapport de l’ONU en 2014 par la coopération secrète entre Kinshasa et Pyongyang concernant la vente d’uranium.[i]

Le conflit est un véritable enjeu écologique aussi. L’extrait avide et précipité des ressources non renouvelables est un danger pour le renouvellement des sous-sols. Le Congo détient, en plus de ça, la deuxième forêt la plus dense du monde. La forêt se retrouve donc au cœur d’enjeux internationaux complexes et secrets, au cœur d’un conflit sans fin.La richesse est une faiblesse pour le pays. L’illustration de son pillage historique en est un exemple édifiant.

Depuis 1885, le roi Léopold II de Belgique a lui-même commencé son pillage personnel. Il a détenu le Congo 23 années consécutives comme propriété personnelle. En toute normalité il a donc commencé à faire la liste des ressources qu’il pouvait accaparer. S’ensuit à partir de 1908 un régime colonial qui prendra fin en 1960 par l’octroi de l’indépendance. Une indépendance qui n’a de fait que le nom puisque de 1965 à 1997 le pays connaît trois décennies de dictature sous Mobutu, personnage soutenu durant de bonnes années par les Etats Unis. Face à cette mainmise méticuleuse et voilée, l’Etat ne peut qu’être sclérosé par des forces et des lignes perturbatrices. Des mouvances, des camps contradictoires. Le système institutionnel ne peut qu’être basé sur des fondements faillibles. Le dépeçage du paysage congolais se fait donc par l’apanage d’une corruption à tout va, d’un manque de justice, d’une instabilité institutionnelle car jamais vraiment instaurée. Le champ politique est un terrain de jeu, terrain d’enjeux, et il semble bien difficile de trouver un terrain d’entente car sur le terrain, ce sont plutôt les coups de feu que l’on entend.

...et les 85 voleurs

Alors même si nous pouvons nous informer grâce à nos portables, nos ordinateurs, via l’utilisation scrupuleuse des ressources congolaises, l’information a des difficultés à passer quand il s’agit d’expliquer, de dénoncer, les exactions actuelles et passées.Une liste de 85 multinationales a été publiée par un rapport de l’ONU en 2003, concernant leur participation financière à la guerre. Cette liste englobe des entreprises pour la plupart belges, anglaises, américaines mais aussi françaises, canadiennes et d’Afrique du Sud. [ii]Amnesty international a d’ailleurs mis en place plusieurs pétitions à envoyer aux grands dirigeants. Des marques comme Sony, Apple, Samsung recevraient ainsi les signatures de nombreux citoyens pour une transparence approfondie et l’arrêt de l’exploitation illégale des mines congolaises.Pour signer, il faut se rendre http://www.amnesty.lu/mobilisez-vous/signez-une-petition/rdc-mon-smartphone-respecte-t-il-les-droits-humains/#.V-fRP_CLTIU ou bien encore pour interpeller Apple en particulier http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Entreprises-et-droits-humains/Actions/Apple-ou-vient-le-cobalt-de-nos-telephones-17858?prehome=0

On comprend pourquoi, pieds et poings liés par les intérêts économiques, les Etats tardent à réagir. Plusieurs faits attestent de l’hypocrisie internationale, qui peut faire très mal…

Nord Kivu, mine congolaise © MONUSCO/Sylvain Liechti Luwowo is one of several validated mining site that respect CIRGL-RDC norms and guaranties conflict free minerals.

Articles précédents : (1) “La capitale du viol” mise sous silence et (2) Une guerre violante[i] http://fr.allafrica.com/stories/201605180756.html[ii] https://blogs.mediapart.fr/sam-la-touch/blog/190713/il-y-du-sang-dans-mon-portable-et-ma-tv-rdc

Malgré l’initiative d’Obama, qui, par l’instauration d’une loi (PL-109-456) permet de lever les aides financières aux Etats si ces derniers perturbent et déstabilisent la paix, sa mise en place n’est pas appliquée. La loi n’est pas utilisée bien qu’un rapport « Mapping » des Nations Unies témoignent de la violence inhérente à l’Etat Rwandais. Le rapport parle d’état génocidaire.i Les aides financières ne cessent d’affluer pour le Rwanda, qui obtiendrait depuis 2 ans, 48% de son budget gouvernemental. La RDC, elle, en obtiendrait 17%. iiAu-delà de ces aides mais dans le même registre, la mission mise en place par l’ONU, la MONUSCO est longuement critiquée car incapable d’endiguer le conflit. Sa non-intervention face aux massacres jette le doute face à ses réelles intentions. En Août 2016, France 24 a notamment réalisé un reportage pour mettre en lumière l’inaction des casques bleus. iii

Des implications graves qui expliquent le silence et l’inaction

Au-delà de ce manque de clarté vis-à-vis des intérêts économiques et géopolitiques des grandes puissances, au-delà d’une impasse créée par un Conseil de Sécurité particulièrement impassible face à de telles horreurs, surgit l’implication, plus que l’inaction, de ces puissances aux « grandes » valeurs. Les valeurs de l’Occident seraient-elle bien trop humbles, grandes, vertueuses pour être suivies à la lettre ?

Un mémorandum adressé au Conseil des Nations Unies en février 2008 et réalisé par la Cellule de la Documentation et Sécurité du Partenariat Intwari, atteste que « La guerre lancée en ex-Zaïre par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi est un conflit longuement prémédité et soigneusement planifié qui a bénéficié d’un appui déterminant de la part des Anglo-Saxons et particulièrement les Etats-Unis dont l’armée a monté plusieurs opérations spéciales tout au long de la période 1996-1997 dans la région de l’Afrique des Grands Lacs. » Il apporte de nombreuses preuves de cette intervention en sous-main. A titre d’illustration, on peut d’ailleurs y lire : Au-delà de la problématique des réfugiés, les Américains entendent avant tout armer suffisamment leurs alliés et au besoin par des voies détournées car discrétion oblige. Il en va ainsi de cette stratégie de faire passer des munitions pour des médicaments : « L’agenda d’approvisionnement des forces alliées en munitions attire l’attention. Car des agents d’investigation belges et français sont arrivés et sont aux aguets au port de Mombassa au Kenya. Le gouvernement américain demande dès lors que les containers des munitions soient retournés aux USA et qu’ils soient déchargés pour dissimuler les munitions dans des boîtes aux apparences trompeuses de provisions médicales. L’accord de RPA, NRA, Y.K Museveni et Bataingana est donné » [Preuve n°0106].

Le document est téléchargeable via l’article : http://www.ingeta.com/la-preuve-de-la-planification-et-du-financement-du-genocide-congolais/

En matière de diplomatie, les Etats Unis ne cachent pas leur soutien au Rwanda. En février 2015 l’ambassadrice américaine au Rwanda, Erica Barks-Ruggles, s’est enorgueilli de son soutien financier, en qualifiant les Etats Unis de plus grand donateur avec une dépense d’environ 180 million de dollars chaque année pour la santé, le développement économique, l’éducation, la démocratie. En réponse à cette lettre, l’ancien Ambassadeur du Rwanda aux Etats Unis, Dr. Theogene Rudasingwa, répond de manière édifiante : « The privileged relationship between President Kagame’s regime and the U.S. Government has put priority on war-making rather than promotion of peace », en pourfendant l’alliance américaine avec le régime dictatorial de Kagame, au Rwanda. iv

En janvier 2016, la secrétaire au Commerce, Penny Pritzker a annoncé sa volonté de faire du Rwanda un partenaire économique et un allié de point dans l’intensification du commerce avec l’Afrique. Elle a souligné le rôle du Rwanda dans le maintien de la paix dans la région et précisé que depuis 20 ans, le pays a connu une véritable « success story ». Il est vrai que piller son voisin durant 20 ans, lui a sûrement permit de s’octroyer quelques avantages.

Un besoin de justice internationale

La RDC a besoin aujourd’hui d’un système de justice internationale efficace. Malheureusement, nombreux sont les coupables d’actes de crime contre l’humanité, de crime de guerre, voire génocidaire qui continuent de noyauter les institutions congolaises. Le pays peut difficilement se relever si justice n’est pas rendu. Les citoyens ne peuvent être confronté à leurs agresseurs quotidiennement, en allant travailler ou encore en s’adressant à l’administration. La mise en place de ce système doit se faire grâce à l’apport de la communauté internationale. Les normes nationales et internationales sont amplement suffisantes pour rendre justice à un peuple. Cependant, les institutions judiciaires congolaises sont incapables de la rendre car compromises, corrompues et en manque de moyens, elles ne répondent pas aux attentes des citoyens. La tranquillité à l’est du Congo dépend entièrement de cette justice ; le Congo ayant besoin de condamner ses chefs de guerre sanguinaires pour que la vengeance et les viols ne soient pas banaliser, ne soit plus la norme.

En attendant, les congolais survivent face aux horreurs, la sagesse aidant. « tant qu’on est vivant on peut encore faire beaucoup de choses ici sur terre » explique une femme congolaise qui a connu le viol et la destruction intime et physique. Une leçon qui doit nous adjoindre nous aussi de « faire beaucoup de choses ».

i http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf

ii http://solidaire.org/articles/pourquoi-l-occident-ferme-les-yeux-sur-la-destabilisation-orchestree-par-le-rwanda

iii http://www.france24.com/fr/20160826-reporters-rdc-massacre-beni-impunite-onu-monusco-ouganda-adf

iv http://www.pambazuka.org/governance/bad-influence-dangers-us-foreign-policy-rwanda

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