Je viens aujourd’hui vous exposer mon indignation face à cette tribune conjointement écrite par 350 personnes: des universitaires, des médecins et des personnes n’exerçant pas dans le domaine médical.
Je m’appelle Claire Loupiac. Je ne suis pas universitaire. Je ne suis pas un personnage public. Je ne suis pas médecin, je suis simplement pharmacienne. Mais surtout j’ai eu le malheur de perdre mon mari, médecin urgentiste à l’hôpital de Lons le saunier (Jura), des suites du covid-19, après avoir été contaminé lors de son travail, faute de moyens de protection suffisants.
Et je remercie la rédaction du JDD d’avoir interdit la publication de cette tribune.
Mes phrases seront simples et précises, je n’emploierai pas d’expression philosophique, ni imagée. Je resterai dans le domaine de la science et des connaissances actuelles.
Lorsque vous prétendez, dans cette tribune, que la « peur et l’aveuglement gouvernent le réflexion », parlez-vous du Covid-19? Je ne crois pas: plus de 40000 français sont décédés de cette infection (bien entendu, je compte aussi les décès à domicile), et vous osez affirmer que notre peur est exagérée ? Mais alors ce nombre de 40000 est insignifiant pour vous ? Et nous devons ignorer ce virus, vivre de la même façon qu’avant février 2020 ? Alors que toutes les études scientifiques au niveau international ont bien démontré que le SRAS-Cov2 se transmet par voie respiratoire sous forme gouttelettes mais aussi sous forme aérosols constitués de microparticules de moins de 5 µm en suspension dans l’air. Lorsqu’une personne parle, respire, crie, chante, elle émet un aérosol respiratoire qui va rester en suspension dans l’air, peut-être plusieurs heures, pour l’instant on ne sait pas.
La seule façon de se protéger contre l’absorption de ces gouttelettes et aérosols en suspension, c’est bien avec un masque porté par tout le monde. Ce n’est quand même pas une privation de liberté que de vouloir protéger la population contre une infection mortelle. Oui, je dis mortelle, parce qu’il me semble que les auteurs de cette tribune semblent négliger les nombreuses personnes décédées avant 60 ans, qui avait un système immunitaire excellent, aucune comorbidité, un poids normal, une santé exceptionnelle et en plus sportifs. C’était le cas de mon mari, mais aussi d’innombrables personnes décédées en France et dans le monde entier. Je ne connais pas le nombre exact en France, mais au Royaume-Uni, à la date du 14 octobre, 1439 personnes sans comorbidité sont décédées.
Je ne vous reconnais pas le droit d’affirmer que les décisions administratives sont disproportionnées : ce n’est pas une privation de liberté que d’imposer le port du masque à la population, c’est juste la seule façon de la protéger. Pourquoi fermer les bars et restaurants ? Parce que, tout simplement, manger et boire ne peuvent pas se faire avec un masque. Donc cette décision de fermeture est tout à fait dans la logique de protection de la population, mais surtout pas dans une atteinte aux libertés.
Non, il ne s’agit pas, comme vous l’affirmez, de protéger les personnes fragiles, il s’agit de protéger tout le monde : ce virus peut être mortel pour n’importe qui, a n’importe quel âge. Il serait d’ailleurs à mon avis nécessaire que les ARS publient chaque jour, outre le nombre, l’âge des personnes décédées du covid 19.
Ce virus ne ressemble malheureusement à aucun autre, tant au niveau de son expansion fulgurante au niveau mondial, qu’au niveau de sa symptomatologie. Comment pouvez vous affirmer que nous allons nous habituer à ce virus et que notre vie sociale doit reprendre telle qu’elle était auparavant ?Non, la conséquence directe de votre principe sera des milliers de morts parmi nous, et de possibles séquelles post-infection. Ces mesures de prévention doivent être clairement expliquées à la population ( ce qui n’est pas toujours le cas ) et seront prises évidemment pour un temps limité .
Effectivement, en Asie, les habitants respectent mieux les mesures de prévention, le télétravail est mis en place à temps complet dès le début d’une épidémie, les étudiants suivent les cours en ligne, les restaurants font de la vente à emporter et tout le monde porte un masque car ils ont compris que ce n’était pas dans un but de nuisance, mais juste dans un but de protection. Les gouvernements des pays asiatiques savent anticiper et la population tolère ces mesures.
Pourquoi l’idée d’une deuxième vague serait-elle une « théorie catastrophiste issue de modélisation fondée sur des hypothèses non vérifiées »? Le déconfinement a été décidé bien trop tôt, le nombre de malades était encore beaucoup trop élevé. On a persuadé la population que la liberté était retrouvée, tout était désormais permis. On a fourni des masques à la population, mais des masques en tissu quelconque dont l’efficacité n’a jamais été scientifiquement prouvée. On a alors laissé se dérouler la fête de la musique, les feux d’artifice du 14 juillet tout en sachant que le virus était toujours en circulation.
Vous semblez juger infime un nombre de 10 personnes en réanimation dans un quelconque département . C’est à mon avis bien trop. Passer par un service de réanimation n’est pas une chose anodine pour l’être humain, nous savons tous qu’il peut s’ensuivre la mort.
La surmortalité par des causes autres que le covid19 trouve son explication dans un retard ou même une absence de prise en charge à l’hôpital. Le gouvernement n’a pas retenu les leçons de la première vague. Les effectifs en personnel médical sont les mêmes, les nombre de lits est toujours inférieur aux besoins réels. Mais alors comment expliquer, que parallèlement à ce déficit en personnel médical, le nombre de personnes œuvrant à l’hôpital à es tâches non médicales soit aussi élevé aujourd’hui? Selon l’étude de l’OCDE, 405600 personnes ont des emplois non médicaux. Et si l’on compare avec l’Allemagne, c’est 54% de plus ! De surcroît, parmi le personnel administratif, se trouvent les salaires les plus hauts de l’hôpital, bien supérieur à celui des médecins. N’est ce pas à ce niveau précis qu’une réorganisation pourrait résoudre le manque de lits à l’hôpital?
Quant au fait d’affirmer que de nombreuses personnes classifiées parmi les sujets « décédés du covid » serait en réalité mortes en raison de leur pathologie préexistante, je m’y oppose.: ces personnes sont bien décédées du covid 19. Si cette pandémie n’avait pas existé, elles auraient vécu de beaux moments et peut être pendant plusieurs années. Ne mettez pas en avant l’existence d’une comorbidité pour négliger la virulence de ce virus.
C’est peut être regrettable pour nous tous, mais la seule solution pour arriver à anéantir ce virus, passera par des mesures de protection strictes qui n’ont absolument rien à voir avec une dérive autoritaire dont vous parlez dans cette tribune. Le but unique de ces mesures est d’éviter notre mort prématurée. Certes, tout doit être précisément expliqué à la population, mais de façon beaucoup plus claire qu’elle ne l’est actuellement:
Premièrement, concernant les masques:
Il faut insister sur le port correct du masque et sur un changement toutes les 4 heures
Il faut privilégier les masques chirurgicaux, pour ces derniers l’efficacité est prouvée.
Deuxièmement , le télétravail doit être instauré à temps complet, lorsque, bien sûr, l’emploi le permet. Les cours universitaires doivent être suivis en ligne.
Troisièmement : Bien informer la population: boire et manger ne peuvent se faire avec un masque et, on peut se retrouver entre amis mais chacun portera un masque. Une distance de 1m50 entre 2 personnes avec masques doit être aussi appliquée. Les enfants en visite chez leurs grands-parents devront porter un masque
La manque d’anticipation dès le début de cette pandémie, toutes les erreurs commises dans sa gestion, sont responsables de la mauvaise situation économique que l’on connaît. Combattre efficacement ce virus, c’est à dire arriver à 0 cas positif, ne pourra se faire sans un affaiblissement économique. Les membres du gouvernement, les parlementaires, les hauts fonctionnaires (en particulier les directeurs d’ARS) doivent, en soutien à cette situation grave et exceptionnelle, accepter une diminution de leurs rémunérations.