Il aura échappé à beaucoup -tant cette « absence » est entrée dans les mœurs, intégrée dans nos esprits- le manque d’audience pourtant flagrant des voix africaines dans le concert de réactions, analyses, protestations, plaintes… au sujet de « La Crise ».
Tout est dit, ou presque, et toutes les solutions sont trouvées …ou c’est tout comme, dans ce grand « entre-soi » si conscient de lui de l’Europe, des USA, de l’occident tout soudain réunis ensemble, en ordre de marche quasi-symbiotique pour se sauver du désastre.
L’Asie trouve sa voix dans ce concert, certes toujours un peu décalé – l’orient n’est pas l’occident tout de même, n’exagérons rien, mais bon, côté Bourse, nous partageons les mêmes valeurs.
Empressé au chevet de lui-même, l’occident soucieux de sa fièvre s’aperçoit qu’il peut tout se permettre afin de la faire baisser. Un gros bout d’intervention de l’état, quelques louches bien épaisses de refinancement, 2 ou 3 leçons de morale pour faire propre, (avec remise au lendemain des décisions y afférant – on ne lâche quand même pas comme ça ses parachutes, même troués), des permissions de transfuser à tout va, une justification de la mauvaise gouvernance par des bouts de phrases inaudibles : « le capitalisme est viable »…
Cherchez l’erreur.
Depuis combien de dizaines d’années, - une éternité, à l’aune des souffrances conséquentes – rabache t’on à l’Afrique les mêmes ritournelles assourdissantes : adoptez une « bonne gouvernance », que diable, privatisez vos essentiels (eau, électricité, services publics …), surtout ne subventionnez pas vos agricultures, vos paysans, ni rien du tout, et oh la la, toute cette corruption, ces favoritismes, cette mauvaise gestion ! Assainissez-nous tout çà ! … Sous peine de mort : suppression des aides à la première incartade. Avec le FMI et consort sur le dos au moindre pas sur le côté, et une obligation quasi inhérente à se conformer au Tout Marché : « laissez nous faire on vous vend ce qu’on veut et on n’achète pas chez vous ».
Une amie chère, depuis ce beau pays tant maltraité par nos gouvernances occidentales si irréprochables, le Mali, me disait récemment : « Mais, ils croient que nous ne les voyons pas, que nous ne les regardons pas ?! ».
Eh bien, justement, l’Afrique les regarde, stupéfaite.
L’Afrique voit les grands argentiers du monde transgresser à tout va les interdits qu’ils lui infligent, marcher sur leurs convictions érigés depuis des lustres en absolus capitalistiques, en inoculant des milliards dans des circuits financiers dévastés par: la mauvaise gouvernance.
Il ne faudrait pas que la déroute du système entraine vers une inenvisageable agonie les certitudes de quelques uns, érigées en mode de vie universel et grandiose vision civilisatrice… Alors, on fait pour soi le contraire de tout ce que l’on dit aux autres, et on habille tout cela de plus de morale encore que d’habitude. Prendre un air de sauveur de la planète et revêtir allègrement la cape de superman ajoute la touche qui vous transformera ce tour de passe-passe malhonnête en acte héroïque.
André Brink titrait une de ses œuvres « Un turbulent silence »…
Dans les turbulences capricieuses de cette crise du bébé capital et de tous ses « ismes », le silence accordé à l’Afrique en guise d’audience tend à se faire assourdissant.
Il semble à présent urgent, dans cette mondialité affolée qui cherche ses solutions en cultivant sa surdité et son aveuglement, que ces ignorées « autres voix », expertes de leur continent et du monde, qualifiées ô combien pour en parler, trouvent enfin leur place et aident le sourd et l’aveugle à repenser ce monde, ses valeurs, et le sens différent, nouveau, à donner à sa globalité.