Bagnolet se réveille et, au premier tour, a mis en tête une insoumise : 4811 voix (39,47%) contre 4418 (36,25 %) pour le sortant.
L’insoumise, c’est Sabrina Ali Benali, médecin urgentiste à Montreuil. Et le sortant, Alexis Corbière, que Bagnolet veut sortir.
Sur la circonscription qui compte deux communes, Bagnolet et Montreuil, Alexis Corbière a fait 21 802 voix (41,33 %) contre 19 740 (35,49 %) à Sabrina Ali Benali.
Sur Montreuil, il mène par 17 384 voix (41,33 %) contre 14 929 (35,49%).
Et le poids des deux villes n’est pas le même : 63 468 à Montreuil ; 19 989 inscrits à Bagnolet.[1]
«J’ai toujours une tendresse particulière pour Raquel Garrido et Alexis Corbière ».
En faisant cette déclaration, Cyril Hanouna pensait vraisemblablement apporter son soutien à deux insoumis qui lui conviennent[2]. Mais ce faisant, il montre crument une connivence entre gens du spectacle. Raquel Garrido a été la collaboratrice du protégé de Bolloré. Elle a gagné moins d’argent que lui, mais elle a gagné en notoriété. Avocate de profession, elle est devenue avocate bénévole de sa propre cause en proposant de se désister dans sa circonscription si Sabrina Ali Benali acceptait d’en faire autant. On a su depuis qu’elle a dû en rabattre, l’affaire ayant été réglée directement entre les directions de LFI et du PCF.
Ajoutons que la dite direction du PCF, en contradiction avec l’accord électoral qu’elle a signé, apporte tout son soutien aux candidatures « dissidentes ». La direction du PS en fait autant, mais avec un peu plus de discrétion.
Ces « victimes » autoproclamées de « purges » sont en réalité des transfuges qui n’ont honte de rien. Ainsi, concernant la 9ème circonscription, tout le monde peut vérifier sur Action populaire que le groupe Nouveau Front Populaire avec Sabrina Ali Benali a été fondé il y a 10 mois. Corbière, qui n'est pas un imbécile, savait donc pertinemment qu'il ne serait pas investi une 3ème fois. Il vient du PS, pourrait y retourner, mais il semble que ce soit le groupe du PCF qui le recueillerait, avec Clémentine Autain, Danielle Simonnet et François Ruffin s'il est réélu.
Le seul point commun entre ces personnes est l’opposition à Mélenchon et à la ligne qu’il incarne : celle d’une gauche radicale, au sens de Marx, « prendre les choses à la racine ». Et leurs façon de communiquer sont l’indignation vertueuse, la victimisation, la pleurnicherie et l’intimidation. Les trois premières sont pour la télévision.
La dernière, c’est pour le terrain. Ainsi, pendant cette campagne de 2ème tour entre deux candidatures qui se réclament de la gauche, les corbiéristes n’ont pas hésité pas à faire courir le bruit d'une triangulaire avec un RN qui a été éliminé dès le 1er tour. Puis, alors qu’ils font campagne pour leur patron, ils ont intimé à leurs opposants d’aller soutenir ailleurs des candidats LFI en danger.
D’une façon encore plus violente, ils dénoncent dans les figures de Rima Hassan et de Sabrina Ali Benali le choix de susciter un vote communautaire. Selon la classe dominante et les médias qui sont à son service, LFI dénoncerait le risque de génocide à Gaza pour complaire à l’électorat arabo-musulman. C’est ce postulat que reprennent la majorité des partis politiques, et, à l’intérieur de LFI, les transfuges qui prétendent incarner la démocratie (il est permis de rire). En résumé, « l’annihilation d’un peuple arabe ne saurait évidemment émouvoir que d’autres Arabes ».[3]
Mona Chollet, dont le texte est publié par l’Union Juive Française pour la Paix, analyse clairement la situation : « Enfermez le génocide des Palestiniens dans la boîte de l’« électoralisme », et voilà que l’énormité de l’événement, sa monstruosité, son poids dans la conscience du monde, disparaissent comme par magie. ».
« Sous un abord vertueux, les accusations d’antisémitisme (contre LFI) ne sont que le paravent d’un racisme anti-Arabes inouï, racisme qui s’exprime autant de manière inconsciente, par la condescendance et la paresse intellectuelle, que par une revendication active. »
Corbière est de ceux qui peuvent se sentir visés par cette critique puisqu’il s’est soumis sans trop de réserve au souhaits de la classe dirigeante et a partagé les accusations lancées contre LFI par la quasi totalité des médias, avec l’approbation des dirigeants du PCF et du PS. Lui viendrait-il à l’idée d’évoquer un vote communautaire concernant la communauté juive de France ?
Sylvain Cypel, qui est franco-israélien, ne mâche pas ces mots concernant le CRIF, ; qui prétend représenter toute cette communauté : « Formellement, il représente le judaïsme français ; de facto, il est d’abord le lobbyiste d’un État étranger et se vit comme tel. »[4]
Sylvain Cypel et l’UJFP représentent les Juifs de gauche en France qui ont bien peu de visibilité dans les médias, le contraire des embobineurs que sont BHL et Glusksmann.
En réalité, le 7 octobre n’a pas été la cause de la mort de la NUPES, mais le prétexte et l’occasion pour ses assassins de passer à l’acte.
Revenons à Bagnolet pour finir.
Le score inquiétant (pour lui) qu’y a fait Corbière au 1er tour s’explique largement par la séquence des municipales en 2020. Pour une raison surprenante tant elle peu démocratique, il a tenté d’y imposer, coûte que coûte, la candidature de Raquel Garrido. Il a non seulement échoué, mais il a gravement divisé, voire détruit, les insoumis de Bagnolet. Evidemment, cela lui revient en boomerang aujourd’hui. Ajoutons qu’entre les deux tours, Jean Luc Mélenchon était venu en personne soutenir celle et celui qui étaient ses petits. Il n’était pas alors un boulet pour eux qui semblent oublier que «Tuer le père » n’est pas seulement une formule symbolique.
Un sondage d’IFOP Fiducial donne Corbière vainqueur par 54 point contre 46. Réduire cet écart serait déjà une victoire, tant les moyens mis en œuvre sont disproportionnés et tant le sortant, qui n’est plus un insoumis, bénéficiera vraisemblablement du soutien de ReNaissance, et peut-être même du RN (« on est chez nous et Ali Benali c’est pas d’ici ».) Mais le même sondage remarque que 62% des moins de 35 ans penchent pour Sabrina...
Ici apparaît la nature de classe de chaque vote.
Les mauvais jours finiront... si le temps le permet.
En attendant
https://www.youtube.com/watch?v=AeCHP-4iRbM&t=18s
[1] L’abstention de 33,69 % sur la circonscription se répartit différemment sur les deux communes : 32,53% à Montreuil et 37,37 % à Bagnolet. Les scores du RN et de ReNaissance sont inverses à Bagnolet (1 479 et 1 112 voix) et à Montreuil (3 775 et 4 346).
Aux européennes, le tiercé de tête était le même, mais avec des différences notables. LFI tenait la 1ère place avec 37,65 à Bagnolet, mais seulement 17,5% à Montreuil. Le PP/PS connaissait un retour d’amour avec 15.71% et 10,59% ; EELV, un petit coup de mou avec 10,38% et 7,51%. Mais Bagnolet se distinguait en mettant Bardella à 11.26%. Ce score a été confirmé au 1er tour des législatives avec 12,13%.
[2] https://www.public.fr/jai-une-tendresse-pour-eux-en-direct-sur-europe-1-cyril-hanouna-fait-une-jolie-declaration-inattendue-a-deux-figures-politiques
Autres plaidoyers pour le couple :
[3] Mona Chollet, L’éléphant dans la pièce, https://ujfp.org/lelephant-dans-la-piece/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_source_platform=mailpoet&utm_campaign=les-newsletter-total-derniers-articles-de-notre-blog_1
[4] L’Etat d’Israël contre les Juifs (2020), chapitre 10, sous-titre Le CRIF, organisme communautaire ou lobby pro-israélien ?
« Il suffit de lire sa lettre quotidienne où, par exemple, la dénonciation de la « menace iranienne », qui reprend mot à mot les « éléments de langage » de la diplomatie israélienne, occupe une place sans commune mesure avec celle qu’elle a dans le débat politique interne en France. (...)
(...) la situation que l’on connaît aujourd’hui a commencé de se mettre en place à partir de la guerre contre l’OLP au Liban menée en 1982 par Israël, la première perçue comme « non défensive » et donc plus difficile à justifier au plan international, avant de se renforcer pour devenir totalement dominante avec l’éclatement de la seconde Intifada en Palestine, fin septembre 2000. Dès lors, c’est sa position non officielle mais bien réelle de lobby pro-israélien, dans le sens américain du terme, qui s’impose amplement aux responsabilités communautaires à l’intérieur d’un CRIF qui veille avec une attention particulière à ce qu’aucune critique d’Israël ne surgisse du sein de la communauté.
(...). Que dirait-on d’un Arabe français qui, par identification à l’islam ou à ses origines ethniques, dirait qu’il faut taire publiquement les crimes des Saoudiens, d’Assad ou de Sissi, sous prétexte de se protéger de l’islamophobie ou de la haine des Arabes ?