« Manu entends tu …»
Monsieur le Président,
Du fait que vous dites être à l'écoute de vos concitoyens, et sans nul désir de vous " la jouer Cosette", je vous demande d'accorder un peu de votre temps à la lecture de mon parcours, qui est aussi celui de tant d'autres "fainéants":
Comme vous... je suis née du ventre de ma mère, mes langes étaient de coton lavés mains, pas comme les vôtres, des couches culottes non recyclables, et comme vous, je suis devenue enfant.
Comme vous, j'avais des rêves plein la tête ; la nature m'inspirait, ses couleurs, ses odeurs, ses mouvements et ses sons ; comme vous les animaux me fascinaient ; mais je ne tourmentais pas les lézards pour leur faire perdre leur queue et enfler une collection comme vous le faisiez, je me contentais simplement de regarder butiner les abeilles et les papillons, je me faisais des poupées avec des marrons des feuilles et des bouts de bois ou avec des coquelicots, je me faisais du chewing-gum avec des grains de blé que je mâchonnais longtemps ; j'aimais la neige la pluie et le vent ...
Comme vous, j'ai fréquenté les bancs d'école où mon parcours y a été très honorable - par les cours de moral et d’éducation civique j'ai appris les valeurs du travail, physique ou intellectuel, j'y ai appris l'analyse et la réflexion, le respect et la considération et surtout qu'il n'y a pas de "gens qui ne sont rien" ...
Comme vous, j'ai eu des ambitions ; la principale ayant été de devenir vétérinaire en campagne - un métier ou j'allierais les contacts avec les hommes, les animaux et la nature.
Et puis on m'a dit " on a pas les moyens de t'offrir des études, profite qu'il y ait du travail pour assurer ton avenir !..."- c'est ainsi que le jour même de mes 16 ans, je me suis retrouvée propulsée puis enfermée dans un pool dactylographique avec 40 autres employées, à taper des courriers sur des machines mécaniques, par dictaphone et rémunérée au rendement, 8 heures par jour + 3h00 aller et retour de trajet en train et métro - et ce, durant 5 ans.
Comme vous, "blasé" par vos emplois dans les banques, je me suis lassée de mes emplois dans les compagnies d'assurances - mais en ce qui me concernait, on appelait cet état de l'instabilité. Il est vrai que cet écoeurement devant mes perspectives d'avenir a transformé mes sagesse et discipline en révolte et désobéissance, comme tant d'autres devant l'autorité instaurée par des petits chefs... Moi qui pensait qu'être honorable c'était savoir vivre dignement, on m'a alors fait comprendre, comme vous, qu' être honorable c'est savoir gagner de l'argent - J'ai donc continué ma carrière par du secrétariat dans le privé; entre autres secrétaire du président des maires de Paris ; mais après 15 années de ce régime, mon introspection m’a fait craquer de dépit - comme vous sans doute, si on vous avait obligé à aller traire les vaches, récurer le fumier, être maçon, ou tenir une forge, ... (bien que Louis XVI, lui, s'intéressait à la serrurerie !...).
Ensuite, il n'était plus question d'assurer mon avenir, mais de " penser à ma retraite..." la belle affaire car les temps n'étant plus aux offres d'emplois mais aux recherches d'emplois et le seul que j'ai pu trouver a été de l'assistance ménagère en maison de retraite ; mais de constitution fluette (je pesais alors 42 kg pour 1m63) je n'ai pu continuer ce travail. Non, Monsieur le Président,"ceux qui n'ont pas réussi" à vivre leur vie ne sont pas nécessairement des "fainéants".
Par contre j'ai fait du bénévolat, comme d'autres "inactifs" et sans compter car c'était dans des domaines qui me plaisaient (associations pour animaux, associations de musique ...) même si je pense aujourd'hui que ce système pourrait être transformé en petits emplois, par des subventions bien ciblées.
Aujourd'hui, j'ai 65 ans (née quelques jours avant Madame Macron)- je suis encore dynamique et quoique la vie m'ait violemment heurtée, j’essaie de regarder le monde avec humour et bienveillance.
Comme vous, j'ai chien et poules (mon chien par contre, rescapé de l'enfer des cynodromes, n'a pas eu la satisfaction d'être comblé de cadeaux comme le vôtre lors de votre élection, ce par des abrutis qui ignorent peut-être que les refuges animaliers manquent de tout !...à moins que comme vous, ces gens ne savent donner qu'aux riches !?).
Je vis dans une petite maison de 50 m2, propre et ordonnée, avec un compagnon qui est mon aîné de 13 ans, «un peu» comme vous avec Madame en somme !, mon chien, mes 2 poissons rouges et mon lézard australien - ma retraite était de 240 € par mois l'an dernier et encore moins cette année puisque la CSG a osé piqué dans mon maigre porte monnaie !
Je n'ai jamais eu les moyens de passer mon permis de conduire et demeurant en campagne, je compte sur mon compagnon pour me déplacer (tant qu'il ne va pas à 52 km/h et qu'il perde des points sur son permis de conduire ...) - Je n'ai pas de mutuelle santé car trop chère - pourtant, je suis maintenant d'une maigreur morbide qui nécessiterait examens et soins - Le médecin le plus proche se trouve à 12 km, ne reçoit que sur rdv qui peut demander 3 jours tant il est débordé -manifestement les aides à l'installation des jeunes médecins ne sont pas suffisantes ; et si les médecins de France ne veulent plus exercer dans les campagnes, il faut inviter des médecins d'ailleurs, comme il a été fait il y a quelques années avec la pénurie d' infirmières, car le peuple se soucie guerre de la couleur de la main de celui qui le soigne et comme vous, la population provinciale doit pouvoir se soigner !
Sinon, mes dépenses journalières sont forcément modestes et je n'ai pas de dettes - je fais attention au gaspillage d'eau, d'électricité, de chauffage ... je n'ai pas de lave-vaisselle, pas de réfrigérateur sophistiqué, pas de téléphone portable, je ne me maquille pas, je ne vais pas chez le coiffeur ... mais comme vous, j'ai besoin de manger pour vivre, et aussi de renouveler certains habits ( glanés dans les friperies), de racheter le saladier brisé et qui fait défaut (dans les solderies) , de me racheter des lunettes de lecture à 12€ ...certes pas comme vous, qui engloutissez des fortunes en tenues d’apparat, croyant vous donner du panache, alors que vous n’êtes qu’un piètre chevalier sans coeur et sans caboche ...
Et malgré tout Monsieur le Président, jusque là je suis restée digne et discrète sur ma condition, ne demandant rien à personne, restant attentive sur ce qui touche une bonne part de la population plus en détresse que je le suis - alors vos propos de "pognon fou" en ce qui concerne les aides sociales, m'ont sidéré et révolté ; ceci n'est autre que de la provocation à la haine envers les nécessiteux qui semblent finalement vous effrayer car eux n'ont plus rien à perdre - et si vous connaissiez ce qu'est la précarité, vous comprendriez que ceux qui en sont là préféreraient être comme vous, avec fortune et confort.
Vos propos sont d'autant plus indécents que vous étalez sans vergogne vos privilèges et vos dépenses ahurissantes...- vous vous octroyez des droits régaliens et à l'image de Louis XIV vous pensez sans doute, entouré de vos courtisans, faire des festins servis dans votre nouvelle vaisselle, où les gueux que nous sommes devenus - ceux qui ont "travaillé pour construire leur avenir "- viendraient vous admirer déglutir le pognon fou de leurs impôts et taxes diverses sans broncher et sans oublier de se déchausser pour ne pas salir la nouvelle moquette – ce petit caprice du mois pour le relookage en moquette et rideaux de l'Elysée qui s'élève tout de même à la bagatelle de 600.000€ ! - Moralité : on m'a encore trompé dans ma jeunesse sur l'honnêteté, car pour faire partie de la classe de "ceux qui ont réussi" il vaut mieux voler un boeuf que voler un oeuf !
Manu entends tu
...comme "les gens qui ne sont rien" (s'il en est …) en ont assez de vos décisions, de vos déconsidérations, de votre suffisance, de votre mépris et de vos extravagances ? Vous devriez écouter de meilleurs conseillers, et aussi, bien réfléchir avant de parler car je trouve votre faible vocabulaire et vos amalgames :" illettrisme, fainéantise ..." très déplacés et sans humilité (à l'école, vous avez dû apprendre très vite le calcul, mais est-ce vos lacunes en français qui ont incité "Brigitte" à vous prendre sous son aile?)
Comme vous, moi aussi j'avais justement l'intention de relooker ma maison, mais comme «on a les moyens qu’on peut» je me contenterai de retapisser mes WC avec la une de tous les journaux du monde ; d'autant que le coût au m2 n'amputerait pas trop ma famélique retraite ; mais finalement je me demande s'il ne serait pas plus judicieux que j'attende la saturation du peuple devant vos provocations, pour les retapisser avec la une des journaux nationaux, puisque à ce jour, il apparaît que la personne la plus à même de « constituer une menace pour la sécurité et l’ordre public » ce soit vous et votre répression... MANU militari !
Bien que paraissant indigente, je suis en fait plus riche que vous, donc de "ceux qui ont réussi" - je sais encore regarder et écouter - je respire l'air pur des campagnes de Dordogne où de nombreuses variétés d'oiseaux vivent où sont de passage - si demain je n'ai plus de pain ( ni de brioche...) j'ai une réserve de châtaignes - il y pousse de l'oseille sauvage, des pissenlits toute l'année, des herbes aromatiques et bien sûr des champignons -j'ai des poules, non pas comme vous, pour me faire valoir auprès des aviculteurs le temps d’une photo de presse, mais bien pour les oeufs qu'elles m'offrent - je peux écouter France Musique aux heures qui sont miennes - et surtout, j'y ai des amis merveilleusement simples et vrais, qui pourtant excellent en tout et avec lesquels les échanges sont sans comptabilité ni nécessité de retour ...
Mais comme eux, je me pose des questions sur les conséquences du "bordel que vous foutez" et sur ce que vous allez laisser à la jeunesse, celle à qui vous répondez «pour trouver du travail il suffit de traverser la rue» … (s’il n’ont pas de pain qu’il mange de la brioche )... et vous osez même les pousser vers des travaux de «premier de corvée»… Et sur cette jeunesse écolière de nos villages, qui est catapultée dans d’autres municipalités parce qu’il est moins coûteux de salarier un chauffeur de bus qu’ un enseignant - et comme on le sait, si les écoles primaires ferment les villages meurent.
Comme vous, Monsieur le Président, j'ai des accointances avec la Pompadour pour laquelle Louis XV a dépensé "un pognon fou" afin de lui offrir ce palais qu'aujourd'hui vous squattez provisoirement ( ce que vous semblez oublier) et que je vous autorise toutefois à relooker pour bien moins de 600.000€ en y faisant enfin apposer sur son fronton la devise Liberté Egalité Fraternité. Quant à moi je n'ai hérité que de son nom de famille ; vous la richesse, moi la noblesse...d'esprit ça va de soi, car du peuple je suis du peuple je reste !
A bon entendeur salut , Monsieur le Président.
Corinne Poisson.-