De simples reprises ?
En règle générale, je suis plutôt méfiant des reprises ou des réinterprétations des œuvres d'artistes, qu'ils soient vivants ou disparus. C'est parfois très bon, comme Maurane a su le faire, avec la chanson de Brel, La chanson des vieux amants, mais souvent médiocre, mais là, je ne citerai personne. Il ne faut pas décourager les bonnes intentions. On peut parfois trouver des pépites.
Récemment, deux amoureux des mots de Leprest ont décidé de faire vivre l'univers de cet immense poète. Il s'agit de JeHaN, interprète, compositeur et guitariste de haut vol, chantre de Bernard Dimey, repéré de longue date par Claude Nougaro, et son complice, Lionel Suarez, accordéoniste virtuose, qui a travaillé aussi avec Nougaro, sans compter Zebda, André Minvielle, ou bien encore Roberto Alagna et Jean Rochefort, la liste n'est pas close.
JeHaN et Lionel ont sorti, en décembre dernier, un opus intitulé : Leprest, pacifiste inconnu. Douze chansons bourrées de la poésie de Leprest, soutenues par les compositions de Lionel Suarez, Richard Galliano, Arti Louis, Romain Didier, Louis Lucien Pascal, Jean Ferrat et JeHaN lui-même.
L'entreprise était risquée. Comment ne pas trahir l'oeuvre, tout en restant soi-même ? Comment donner une émotion de la même ampleur que celle dont Allain Leprest avait le secret ? Lionel et JeHaN ont su, sans aucune contestation possible, servir l'oeuvre et son auteur.
Un CD, c'est de la musique en boîte
C'est sur la scène, où l'erreur n'est pas permise, que l'on peut juger du travail accompli. Ce dimanche 31 janvier 2015, c'est à Gauchy, ce n'est pas un hasard, que j'ai pu jouir de la réussite du très gros travail accompli par le duo motivé par l'amour et le respect porté à Allain Leprest. Ça se sent, ça se voit, ça s'entend par la dévotion qu'ils portent au poète normand, devant un public conquis dès le début du concert.
JeHaN, avec cette voix chaleureuse, tout à la fois puissante et captivante, jouant sur tous les registres allant de l'intimité à l'exaltation en passant par la pudeur et la même malice avec laquelle le poète des brumes savait nous envoûter. Si JeHaN a parfois saisi sa guitare, dont il a joué avec subtilité, c'est incontestablement avec le jeu de Lionel à l'accordéon, habité lui aussi par la poésie de Leprest que l'alchimie a pu se faire. De comparses, JeHaN et Lionel sont devenus des complices sur cette scène de la Maison de la culture de Gauchy.
Au beau milieu de la session, Lionel Suarez nous a offert un solo magnifique, hommage, tout à la fois à Allain Leprest et aux compositeurs qui ont servi ses vers tout au long de sa vie. Nombreux dans le public ont été ceux qui ont versé une larme. Ce dimanche là, le piano à bretelle nous a emmenés au firmament.
Bien loin d'être simplement interprété, Allain Leprest, a été magnifié par deux artistes exceptionnels qui ont su se choisir l'un l'autre pour faire revivre celui qui restera jusqu'à la fin de mes jours comme mon clochard céleste.
Les quelques 150 spectateurs, qui avaient bravé la pluie, en renonçant à la sieste dominicale devant Drucker et autres anesthésiants dominicaux ne s'y sont pas trompés. JeHaN et Lionel ont eu droit à trois rappels. Ils en ont profité pour rendre un petit hommage à Bernard Dimey.
Allez, ils font désormais partie de ma bande de clochards célestes. Cet après-midi là, le duo a réussi son trio...
