Épisode 14
Mardi 8 juillet 2014
Aujourd'hui, c'est le deuxième jour du grand concile annuel qui réunit, à l'initiative de l'Abbé, les corporations de pompe-la-sueur et les fratries de pue-la-sueur. Déjà trois de ces dernières, et pas des moindres ont claqué la porte, dont celle qui fédère les clercs du régime, essentiellement les précepteurs toujours prompts à regimber. L'Abbé et le Prieur se concertent...
- Alors Prieur, comment allez-vous faire pour ramener les récalcitrants autour du tapis vert ?
Le Catalan se rencogne dans son siège, placé un peu plus bas que celui de son interlocuteur.
- Leurs arguments peuvent être entendus par la populace, mon Père...
Ce dernier lève un regard étonné vers son subordonné.
- Que voulez-vous dire Frère Manuel ?
- Les gueux ont du mal à comprendre que, malgré une cassette totalement asséchée, nous avons promis à Pierrot la Sangsue et ses affidés un chèque de 50 milliards. Les pue-la-sueur ont bien compris qu'il n'y avait rien à négocier. Seules les fratries qui nous sont toutes dévouées restent autour de la table.
Contrairement à ses habitudes, l'Abbé laisse entrevoir un léger agacement.
- Comment ? Il ne reste rien à négocier ? Le détricotage du Catéchisme de la besogne ; la réduction des émoluments des pue-la-sueur ; donner à nos manufactures et autres économies le même niveau de rentabilité qu'en l'Asie lointaine ; satisfaire aux exigences de Pierrot la Sangsue, de la Margrave du Brandebourg et de la Fraternité Saint Milton de Bruxelles. Bref, tout ce que mon prédécesseur Nicolas du Racel de Neuilly à entrepris sans jamais aboutir ! Tout est à négocier.
- Les trois fratries nous reprochent d'avoir tout ficelé avec les corporations et les nantis et de ne vouloir discuter, avec elles, que du calendrier des nouvelles tontes que nous allons imposer aux pue-la-sueur et aux gérontes oisifs, ces bouches inutiles, ainsi que les nouvelles tailles dans les aumônes que nous accordons, bien trop généreusement, à tous les nécessiteux qui creusent les déficits des œuvres monastiques de charité. Sans compter les coups de ciseaux dans les dépenses exorbitantes dues à notre administration pléthorique. Les libellistes cochent chaque jour sur leurs livres chaque promesse que vous avez reniée.
L'Abbé soupire.
- Tous mes prédécesseurs ont fait la même chose que moi. Certains ont été réélus. Mon verbe n'est plus entendu. Puisse ce damné discours du Bourget n'avoir jamais été...
- Sans lui, nous ne serions point là mon Père. C'est cette magie là qu'il nous faut retrouver. « Contenter le peuple et ménager les grands. »* Les faits étant contre nous, seul le verbe peut nous sortir de là. Il vous faut renouveler le coup du Bourget, mon Père...
(À suivre)
* Le Prince de Machiavel