Ma mère m'a abonné au journal "Pilote", en 1964 - elle croyait que c'était une revue genre "Mickey" - la pauvre! Elle ne savait pas que ça allait me transformer en un curieux forcené qui chercherait toujours à vérifier si tout ce qu'on lui racontait était vrai. C'est dans ce canard que Cabu y dessinait "Le grand Duduche." Le 7 janvier, on a fait taire Cabu et ses potes d'une rafale de fusil d'assaut dans le ventre. Je suis en colère!
Ensuite, Hara-Kiri, Charlie-Hebdo et le Canard enchaîné m'ont aidé à supporter la dureté du monde de chiens dans lequel nous vivons et qui est encore pire maintenant qu'il y a 50 ans. Gébé, Choron, Reiser, Wolinski, Cabu, Fred, Cavanna, Charb, Maris, Honoré, Siné, Pelloux, Willem, Delfeil de Ton, Luz, Tignous, Riss, Tardi, Fischetti, Caster, Coluche, Polac, Renaud et bien d'autres m'ont fait rire et réfléchir et m'ont donné le goût du doute, de la causticité et de l'insolence.
Partout, on peut voir cette antienne « Je suis Charlie. » Cette unité, la spontanéité des réactions populaires sont formidables. Les 4 millions de Français dans la rue, dimanche prouvent que nous nous sentons toutes et tous concerné(es).
Mais si le temps du chagrin et de la colère est absolument nécessaire, il ne faut pas que ce bel élan de solidarité retombe comme un soufflé dans quelques semaines.
L'une des manières de rester déterminés est de soutenir Charlie en s'abonnant ! L'hebdo était déjà en faillite avant la tuerie. Le soutien unanime à l'équipe du journal après le drame contraste avec le fait qu'il n'y avait que 30000 exemplaires vendus, insuffisants pour assurer sa pérennité.
Avec un comité de rédaction décapité, il est maintenant en danger de mort. D'autres journaux connaissent des difficultés récurrentes. La presse française est en train de crever. Les Français n'achètent plus de journaux papier et les abonnés aux journaux sur internet, comme Mediapart, sont en nombre très insuffisants. L'information bâclée du 20 heures, sur les grandes chaînes ou les chaînes d'information ne suffit pas. Je ne sais plus qui a dit : « Je préfère vivre dans un pays sans gouvernement mais avec une presse libre que l'inverse. » Demain, si on n'y prend garde, on pleurera la disparition des journaux comme on pleure, aujourd'hui, les 12 victimes du massacre du 7 janvier et celles du 9 janvier, bouc-émissaires de l'ignorance et d'un endoctrinement mortifère. Or, la liberté de la presse ne s'use que si l'on ne s'en sert pas.
Achetez des journaux, abonnez-vous à ceux diffusés sur le Net ! C'est la meilleure manière de répondre aux brutes assassines et surtout à ceux qui leur ont lavé le cerveau, qui nous ont privé de tous ces talents, de ceux qui travaillaient avec eux à Charlie et des policiers chargés de leur protection. Ces derniers, dans leur rôle, étaient aussi là pour défendre la liberté de la presse. Ils l'ont payé de leur vie.