Combien de propos indignés de la part de personnalités politiques ou de la société civile, combien de manifestations durant 41 ans ? Le décompte est fastidieux autant qu’inutile. Ça n’a pas servi à grand-chose, sinon à ralentir l’entrée des loups dans Paris.
L’année dernière, avec 31,37 % des voix, soit près de 8 millions d’électeurs, le RN fait entrer 30 députés à Strasbourg. Quelques semaines après la dissolution, 123 députés RN, désignés par 9 millions d’électeurs, entrent au Palais Bourbon. C’est le premier parti de France.
Bon, il y a eu deux incidents de parcours : primo, la publication d’une liste de « candidats RN en roue libre » par Mediapart (merci!) a refroidi de nombreux électeurs qui s’apprêtaient à voter extrême-droite. Deuxio, la stratégie de « dédiabolisation » vient d’exploser en vol après la condamnation de Marine Le Pen pour avoir tapé dans la caisse.
Vive les platistes !
Si une large majorité de Français considère la sanction comme normale, l’électorat du RN approuve largement les vociférations de la délinquante et de ses comparses contre les « juges politisés » et les médias. Au passage, ça confirme les cibles prioritaires de Le Pen et de sa bande de malfrats une fois parvenus au pouvoir. Mais cette fois-ci, les juges ne bénéficieront pas de protection policière, pas plus que les journalistes, mais je digresse.
À croire que, demain, si Le Pen vole le sac d’une petite vieille dans la rue ou si elle deale de la coke au pied d’un immeuble dans une « banlieue z’en difficultés », ils maintiendront leur soutien indéfectible au RN. Oui, les électeurs RN veulent voter pour celle qui s’est copieusement goinfrée en leur faisant les poches (et les nôtres). Ou alors, à défaut, pour son clone qui n’a jamais rien foutu de ses dix doigts, tout en vivant largement aux frais du contribuable, mais qui sait admirablement dénoncer les « assistés ». C’est comme ça. Et aucune manifestation n’y changera rien.
Le vote RN n’a rien de rationnel. Discuter avec les électeurs n’a pas plus d’effet que d’essayer de convaincre un « platiste » qu’il se trompe. Quand ils glissent leur bulletin dans l’urne, façon « Le Pen, on a jamais essayé », ils sont à l’image de cet abruti d’Américain qui s’est tué à bord de sa fusée artisanale parce qu’il voulait vérifier, par lui-même, que la Terre était bien plate.
Le théorème du thermomètre
De plus, la donne a changé. La mafia Le Pen n’est plus totalement privée de soutiens provenant du monde de l’économie et de la finance dans sa conquête du pouvoir, à commencer par Bolloré. Désormais, l’extrême-droite dispose de porte-voix solides, comme Cnews ou le JDD et d’incarnations quotidiennes telles Hanouna et Ferrari (liste non exhaustive). Les manifs ne pèsent pas grand-chose face aux fakes et au bourrage de crâne.
Autocentrés, nous oublions que toutes les démocraties libérales sont malades : l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Royaume-Uni, la Hongrie, etc... Ne parlons pas des États-Unis. Chaque pays dispose de son propre thermomètre. Le nôtre, c’est Le RN. Une partie non négligeable de nos concitoyens est prête à se livrer et nous avec, par la même occasion, aux fossoyeurs de nos libertés fondamentales. C’est effrayant, mais c’est comme ça.
Plutôt que de manifester contre le thermomètre, on ferait mieux de faire de la politique. Mais il paraît qu’il n’y a plus de politique…
Claude Cherblanc