Ouf ! L’Outre-mer n’a finalement pas été oublié de la conférence de presse de François Hollande. Pourtant, il s’en est fallu de peu. Merci à la journaliste de France Ô qui, sentant que le temps était compté, s’est subrepticement raccrochée à la question d’un confrère sur la Centrafrique pour opportunément glisser la sienne. Drôle de télescopage, d’autant plus que la journaliste a interrogé le chef de l’État sur le taux record de criminalité aux Antilles tragiquement illustré par une fusillade entre bandes qui avait fait, la veille, deux morts en Martinique.
François Hollande peut donc la remercier. Sinon, les territoires ultramarins auraient été totalement occultés de l’événement. Même s’il est vrai que, ici comme en métropole, tout le monde guettait bien plus son embarras à la tribune et les paroles choisies pour étouffer son tumulte conjugal que des détails macroéconomiques de son pacte de responsabilité ou les contours conceptuels de son glissement de social-démocrate à social-libéral.
François Hollande a donc pu glisser in extremis quelques mots sur les Outre-mer qui ont massivement voté pour lui. Des mots qui rassurent, qui sont toujours doux à entendre. "Que l’Outre-mer sache bien que la politique que nous menons vaut sur tous les territoires et que nul n’est oublié, nul n’est abandonné". Et ce n’est pas être particulièrement méchant à son égard de remarquer que le chef de l’État pouvait difficilement en dire moins.
Pour nous prouver son attachement, François Hollande a rappelé que la défisc’ avait finalement été maintenue alors que les technocrates de Bercy militaient pour des coupes sombres, y voyant de légitimes gisements d’économies d’argent public. Le pacte de responsabilité et l’abaissement du coût du travail sont donc aussi des gages donnés aux patrons locaux. Eux qui étaient irrités par la suppression des exonérations de charges sur les salaires intermédiaires fin 2013 tout en ayant, ces dernières années, bénéficié - outre de la défisc’ - des avantages générés par la Loom devenue la Lodéom. Ils devront désormais donner des contreparties en matière d’emplois, a insisté François Hollande.
Reste que l’emploi privé seul ne parviendra pas à diminuer considérablement le chiffre du chômage et la désespérance sociale. Tous les élus des collectivités locales attendent de l’Élysée et de Matignon que l’État desserre les cordons de la bourse pour le financement d’une quantité bien plus importante de contrats aidés. Car tous affirment qu’ils n’ont pas les moyens de prendre en charge la part qui leur revient, même si elle est minime.
Gilbert Annette, maire de Saint-Denis, confiait hier en marge de ses vœux, qu’il allait encore insister auprès de François Hollande sur sa proposition de récupérer les 450 euros attribués à un bénéficiaire du RSA pour les placer sur le financement d’un contrat aidé. Avec la perspective, dit-il, de diminuer très sensiblement le taux de chômage.
S’il ne veut véritablement ni "oublier" ni "abandonner" les Outre-mer, François Hollande va donc devoir illustrer ses mots conciliants par des crédits publics plus larges ou répartis selon un autre mode. Le chef de l’État a assuré qu’il avait bien conscience de la gravité de la situation sociale des jeunes. "50% des jeunes de moins de 25 ans en Martinique et en Guadeloupe sont au chômage : à un moment, cela a des conséquences", a-t-il observé en référence à la délinquance qui gangrène la société antillaise.
À la Réunion, le taux de chômage des jeunes atteint 60% et le nombre de crimes et délits n’est en rien comparable avec la situation de la Caraïbe. Les responsables des collectivités locales ont là des arguments en or pour plaider la cause de la Réunion et montrer, exemple inquiétant en main, dans quels abîmes pourrait sombrer notre île. Sans pour autant être taxés de rabâcher éternellement que notre territoire "va droit dans le mur".
Jérôme Talpin in : le Journal de l'Ile de la Réunion .