A l’heure des commémorations du centenaire du début de la Première guerre mondiale, l’hommage aux Réunionnais victimes de ce conflit est oublié. Certes, le président de la République déposera une gerbe au Monument aux Morts de Saint-Denis aujourd’hui, mais beaucoup pensent que la mémoire des Réunionnais mérite mieux que cela. En effet, le passage devant l’obélisque de la rue de la Victoire est un rituel pour quasiment chaque visite ministérielle. Aucune séquence spécifique n’est prévue. Il n’est peut être pas trop tard pour corriger l’erreur. Car nos compatriotes se sont fortement impliqués dans cette guerre lointaine entre nations européennes.
65% d’illettrés, 50% inaptes : témoins de la misère coloniale.
C’est le 4 août 1914 que l’ordre de mobilisation générale arrive à La Réunion. En France, ce moment est immortalisé par des attroupements devant l’affiche appelant les citoyens à rejoindre les effectifs des armées de terre et de mer. Rien de tout cela à La Réunion, car l’île est plongée dans la misère coloniale. Les conseils de révision estiment que 65% des jeunes sont illettrés. C’est donc la proclamation du garde champêtre qui va annoncer l’événement à la population, au son des tambours.
Les jeunes affluent en masse vers la caserne de Saint-Denis. Mais beaucoup doivent déchanter. La malnutrition et les maladies font que la moitié des jeunes sont réformés car ils n’ont pas une constitution physique jugée suffisante pour aller se battre. C’est un autre indice de la misère coloniale.
Malgré cela, plus de 14.000 Réunionnais seront incorporés dans l’armée française. Les premières recrues embarquent sur le Djemnah, cargo des Messageries maritimes. Ils arrivent à Madagascar, lieu de passage obligé de tous les mobilisés, où ils séjourneront plusieurs mois. Ils assureront la relève de l’infanterie coloniale, corps composé essentiellement d’engagés de France, partie sur le front occidental dès 1914.
Sur les 14.000 Réunionnais mobilisés, plus de 4.000 passeront la guerre à Madagascar pour assurer le maintien de l’ordre colonial dans ce vaste pays. 10.000 autres seront envoyés en Europe ; plus de la moitié seront dans des unités combattantes.
12% des recrues tués
L’état-major français envoie les plus importants contingents de Réunionnais se battre aux Dardanelles. Cette région se situe en Turquie, ennemi de la France. Elle borde les détroits qui ouvrent la voie de Constantinople. Parce qu’ils viennent d’un pays où sévit le paludisme, alors les Réunionnais sont considérés plus aptes à combattre dans cette région.
Nombreux seront nos compatriotes à tomber dans cette région dont ils ignoraient souvent l’existence. D’autres mourront sur le front Ouest, ils seront de tous les combats entre 1915 et 1918.
Tous ces Réunionnais se sont engagés sans savoir ce que représentait la guerre en Europe, et sans même pour la plupart avoir posé déjà le pied en Europe. Des survivants des tranchées ramèneront avec eux le virus de la grippe espagnole. Cette maladie fit des ravages dans une population touchée par la misère coloniale. 7.000 Réunionnais moururent des suites de l’épidémie.
Une telle saignée dans une population peu nombreuse, à l’époque, est une catastrophe inqualifiable. Le pire des mépris seraient d’annoncer qu’on a pensé aux Réunionnais dans l’hommage aux Français ! Dans le programme rendu public, pas un moment officiel et significatif n’a été prévu. Sur, ce point, comme sur d’autres, la visite du président de la République apparaît comme une occasion ratée.
M.M. in : Temoignages Réunion , organe du PCR .