L'enfer" est parfois pavé de bonnes intentions. En annonçant au lendemain de la catastrophe de Fukushima sa sortie du nucléaire d'ici à 2022 , l'Allemagne voulait montrer l'exemple et prouver qu'une économie puissante pouvait s'éclairer et se chauffer sans avoir recours à l'atome. Si l'objectif ambitieux fixé par Angela Merkel sera bien tenu, son coût sera lui bien supérieur aux estimations les plus folles avancées il y a tout juste deux ans.
En mai 2011, Berlin avait calculé que la sortie anticipée du nucléaire devrait coûter 16 milliards d'euros d'ici 2015. "Cela peut représenter 1 à 2 milliards d'euros" par an, jugeait alors le ministre de l'Énergie, Norbert Röttgen. Le quotidien Süddeutsche Zeitung, qui citait "des évaluations internes du gouvernement", parlait déjà à l'époque d'une note plus proche de... 3 milliards d'euros par an. Plus récemment, l'électricien allemand RWE se montrait encore plus pessimiste en fixant les coûts liés à la fin du nucléaire dans une fourchette comprise entre 250 et 300 milliards d'euros.
Mais en janvier dernier, Siemens a provoqué un véritable vent de panique en jugeant que la sortie programmée de l'atome pourrait finalement coûter près de... 1 700 milliards d'euros à l'Allemagne d'ici à 2030. Pour arriver à ce chiffre astronomique, le conglomérat bavarois a calculé les investissements liés au remplacement des centrales nucléaires par d'autres moyens de production, au développement des réseaux de distribution et au démantèlement des centrales existantes... Ce dernier point est tout particulièrement problématique aujourd'hui.
"Bombe à retardement"
En République fédérale, le démantèlement de la seule centrale de Lubmin est en cours depuis... 18 ans. Les déchets sont toujours entreposés sur place, car l'État ne sait pas où les entreposer sans danger. Le premier centre de stockage situé à 500 mètres de profondeur dans une ancienne mine de sel s'est transformé en une "bombe à retardement" lorsque les experts ont découvert en 2004 que des infiltrations avaient provoqué l'effondrement de parois rocheuses sur des fûts remplis de matériels contaminés... Un autre effet "pervers" de l'abandon du nucléaire est souvent son aspect néfaste pour... l'environnement sur le court terme.
Pour pallier la fermeture immédiate de huit réacteurs nucléaires, l'Allemagne a en effet dû accroître la production de ses 130 centrales au charbon. Conséquence : les émissions de dioxyde de carbone ont augmenté de 4 % chez notre voisin entre 2011 et 2012. Berlin, qui vante sans cesse sa volonté de respecter l'environnement en encourageant les énergies vertes, a ainsi été incapable l'an dernier de respecter ses volumes d'émission de CO2 prévus par le marché européen de quotas. Voilà qui fait plutôt mauvais genre...
Si les partisans de l'atome peuvent se moquer des problèmes allemands, la France devrait toutefois se faire du souci. Ses centrales nucléaires vieillissantes devront bien un jour ou l'autre être démantelées et le coût de cette opération promet d'être énorme. Les 1 700 milliards de dépenses promis à Berlin ne concernent que 17 réacteurs nucléaires. Or, notre bon beau pays en abrite 58...